Enquête sur l’explosion d’une grenade lors d’un camp de cadets à Valcartier en 1974

Sommaire

Le 30 juillet 1974, lors d’un camp d’été des cadets de l’Armée à la base des Forces canadiennes Valcartier, une grenade active a explosé pendant un cours sur la sécurité des explosifs, tuant six jeunes cadets et en blessant des dizaines d’autres. Parmi les autres personnes présentes qui ont aussi été affectées par cette tragédie, il y avait des instructeurs de la Force régulière et des réservistes qui ont reçu des soins immédiats et prolongés grâce à leur statut de membres des Forces canadiennes.
  

Au printemps 2013, notre Bureau a reçu des dizaines de plaintes reliées à ces événements. Les problèmes incontestables et les différences alléguées dans le traitement et les indemnités reçus par les personnes touchées ont poussé notre Bureau à demander au Ministre l’autorisation de lancer une enquête. Nous avions deux objectifs : déterminer si les personnes présentes avaient été traitées de façon juste et compatissante selon les standards en place au moment de l’incident et déterminer la responsabilité actuelle, le cas échéant, du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes envers les personnes affectées par cette tragédie.
  

Notre Bureau a déterminé que la détresse causée par l’accident a été immédiatement aggravée par l’enquête menée par les Forces canadiennes. L’approche de la commission d’enquête militaire était une façon inappropriée de traiter des jeunes garçons et a laissé plusieurs cadets se sentant responsables, affolés et davantage traumatisés.
  

L’iniquité s’est poursuivie bien au-delà de la commission d’enquête. Notre Bureau a découvert que la Loi sur la Défense nationale confie aux Forces canadiennes le contrôle et la supervision des organisations de cadets, mais ne considère pas les cadets comme des membres des Forces canadiennes ou des employés de la Défense nationale. En conséquence, les cadets blessés n’avaient pas droit à des soins équivalents à ceux offerts aux membres des Forces canadiennes présents ce jour-là et qui étaient responsables pour eux.
 

À l’exception des soins médicaux immédiats reçus au moment de l’incident, les cadets n’ont reçu aucune aide ni aucune indemnité en vertu des politiques et règlements de la Défense nationale en vigueur à l’époque. Les preuves démontrent que l’organisation des cadets et les Forces canadiennes n’ont pas informé les cadets et leurs familles des avenues et recours possibles. 
 
Les cadets qui nécessitaient des soins médicaux non couverts par les régimes provinciaux ont dû payer ces soins eux-mêmes ou tout simplement s’en passer. La seule autre option pour obtenir des indemnités était d’entreprendre un processus difficile de poursuite en justice contre l’État, ce que peu de familles des cadets ont fait. 
 

L’inaccessibilité des soins est ce qui a poussé la plupart des personnes à contacter notre Bureau pour dénoncer ce qu’elles percevaient comme une injustice. Les preuves démontrent que certaines personnes présentes le jour de l’explosion souffrent encore aujourd’hui des conséquences à long terme des blessures corporelles subies et qu’un pourcentage important de victimes pourrait avoir des problèmes de santé mentale causés par l’incident.
  

La Défense nationale et les Forces canadiennes n’avaient peut-être pas l’intention de placer les cadets dans un vide juridique en leur attribuant un statut non militaire, mais leur manque flagrant de considération pour les jeunes dont ils étaient responsables est inexcusable. Encore aujourd’hui, ces personnes nécessitent et méritent l’accès à des soins de santé mentale et une indemnité pour leurs blessures.
 

À cette fin, notre Bureau a fait deux recommandations au ministre de la Défense nationale qui, si elles étaient mises en œuvre, contribueraient à rétablir l’équité dans le soutien offert aux victimes les plus touchées par les événements tragiques qui se sont produits il y a plus de 40 ans.
 

Nous recommandons qu’en vertu des pouvoirs du ministre de la Défense nationale, le ministère de la Défense nationale offre immédiatement des évaluations à toutes les personnes qui affirment avoir subi des effets négatifs ou permanents à la suite de l’incident, afin de déterminer les soins de santé physique et psychologique requis et, en fonction de ces évaluations, finance un régime de soins raisonnable. 
 

Suivant les évaluations et la détermination des besoins à long-terme de chacun des individus touchés par cet incident et, afin d’assurer qu’ils reçoivent un traitement qui reflète les valeurs canadiennes, nous recommandons que le ministère, sous la direction du ministre, accorde à ces personnes, une indemnité financière immédiate et raisonnable qui cadre avec la jurisprudence dans des situations similaires. 

 

Table des matières
   

Introduction

Le but du Programme des cadets du Canada est de transmettre à des adolescents de partout au Canada une formation de qualité en matière de leadership, de conditionnement physique et de citoyenneté, afin qu’ils deviennent des membres de la société engagés et actifs et qu’ils soient les dirigeants de demain. De nombreux parents encouragent leurs enfants à se joindre aux cadets en se disant que les activités et les camps sont menés de façon sécuritaire, afin que leurs enfants leur reviennent sains et saufs.
 

Le 30 juillet, lors d’un camp de plusieurs jours et nuits offert aux cadets de l’Armée à la base des Forces canadiennes Valcartier, une grenade active a explosé pendant un cours sur la sécurité des explosifs, blessant et tuant plusieurs personnes. Les éclats de grenade soudains ont tué six cadets – quatre âgés de 14 ans et deux âgés de 15 ans  – de la compagnie D et en ont blessé des dizaines[1] d’autres. L’incident a été relayé par les médias nationaux et a fait l’objet d’enquêtes de nature administrative et criminelle.
 

Au fil du temps depuis cet incident tragique, grâce en partie à l’émergence de divers types de médias sociaux, un groupe s’est formé, composé de nombreux individus directement touchés par les événements de ce jour-là qui voulaient reprendre contact et, éventuellement, parler de ce qui s’était passé. Au fur et à mesure que le groupe a pris de l’ampleur et que plus de renseignements ont refait surface par le biais de souvenirs[2], les victimes ont pris de plus en plus conscience de leur expérience et de leur état respectif. Il s’en est suivi une participation annuelle accrue à la journée commémorative des victimes, et la parution de livres[3] [4] en 2011.
 

Certains anciens cadets qui ont subi des blessures ont été frustrés d’apprendre que des indemnités et d’autres avantages sociaux avaient été offerts à des membres des Forces canadiennes, dont certains n’étaient pas sur place au moment de l’accident.
 

Le Bureau de l’Ombudsman a reçu une première plainte sur le sujet en avril 2013. 51 plaintes supplémentaires ont été adressées sur une période de trois mois. Les thèmes principaux des plaintes étaient l’accès aux soins médicaux pour des problèmes à long terme, le manque de soutien aux plus vulnérables qui souffrent encore aujourd’hui et la reconnaissance de la responsabilité du gouvernement canadien auprès des victimes, le besoin d’excuses officielles et d’indemnités financières.
 

Il ne fait pas partie du mandat de l’Ombudsman d’enquêter sur des événements survenus avant la date de création du Bureau, soit le 15 juin 1998, à moins que le Ministre juge qu’il serait dans l’intérêt du public de mener une telle enquête.
 

Les problèmes incontestables et les différences perçues dans le traitement et les indemnités reçus par les uns et les autres ont poussé le Bureau à se pencher sur l’incident et les problèmes qui en ont découlé et à faire des recommandations au ministre de la Défense nationale.
 

Portée

Le passage du temps pouvant ajouter à la complexité de n’importe quelle enquête, cette enquête sur des événements antérieurs à notre mandat a posé plusieurs défis. Non seulement y avait-il un laps de temps considérable entre l’accident et l’enquête, mais nous faisions aussi face à d’autres difficultés. Il fallait retrouver les témoins qui avaient pu être présents, obtenir des copies des règlements et politiques applicables qui étaient en vigueur en 1974 et, enfin, composer avec le fait qu’une grande partie de la mémoire organisationnelle et des documents n’étaient pas facilement accessibles.
 

Il était nécessaire pour l’équipe d’enquête d’examiner la gouvernance, les pouvoirs et les responsabilités en place à l’époque pour bien comprendre le contexte et d’en tirer des conclusions justes. À cette fin, il fallait comprendre les lois, règlements et politiques régissant le ministère de la Défense nationale, les Forces canadiennes et la Ligue des cadets de l’Armée au moment de l’incident afin d’évaluer la responsabilité de chaque partie et ses obligations légales à la suite de l’incident, et déterminer l’impact à court, moyen et long termes sur les victimes.
 

Contexte

À l’époque, des parents se tournent régulièrement vers des organisations comme la Ligue des cadets pour offrir des activités saines et sécuritaires à leurs enfants durant l’été.
 

Un camp annuel d’entraînement estival avec nuitées des cadets royaux de l’Armée canadienne est organisé à la base des Forces canadiennes Valcartier, au Québec. La compagnie D comprend un membre de la Force régulière et 18 membres de la réserve employés pour la durée du camp d’entraînement estival. Le reste de la compagnie se compose de 137 garçons[5] âgés de 13 à 18 ans. Ces cadets sont formés et supervisés par les Forces canadiennes.
 

Le camp de cadets lui-même comprend plusieurs petits bâtiments parmi lesquels on retrouve les logements, nommés « casernements ». La plupart des séances de formation du camp se déroulent dehors, près des bâtiments ou dans les secteurs d’entraînement. Comme il pleut le 30 juillet 1974, les 137 garçons de la compagnie D ont reçu l’ordre de convertir leur logement en une aire ouverte assez grande pour la tenue d’un cours magistral.
 

Un officier de la Force régulière des Forces canadiennes spécialiste des munitions est sur place pour faire un exposé sur l’utilisation sécuritaire d’engins explosifs inactifs. L’exposé vise à familiariser les cadets avec les types d’explosifs militaires et leur apparence, au cas où ils viendraient en contact avec des explosifs dans le secteur d’entraînement.
 

Les explosifs inactifs utilisés pour l’entraînement sont, par convention, de couleur bleue. Cela permet de les distinguer clairement des explosifs actifs, qui sont vert olive. Les enquêtes menées peu de temps après l’explosion ont révélé qu’avant l’exposé, une grenade active avait été mêlée aux grenades inactives par inadvertance.
 

À un certain moment au cours de l’exposé, un cadet demande à l’instructeur s’il peut dégoupiller une grenade qui se distingue des autres par sa couleur verte. L’officier responsable dit au cadet qu’il peut le faire en toute sécurité. Quelques secondes après, la grenade explose, tuant six cadets et en blessant soixante-cinq autres.
 

Les victimes sont emmenées d’urgence à l’hôpital de la base. Les cas les plus graves sont stabilisés sur place, puis transportés dans les hôpitaux civils de la région. En plus des six décès, l’accident cause l’invalidité totale et permanente d’un autre cadet. Plusieurs autres jeunes s’en sortent avec des handicaps permanents liés à la perte d’un œil, des éclats d’obus dans le corps, la perte de l’ouïe et/ou des traumatismes psychologiques. Il est aussi ressorti plus tard que certains individus ayant été les premiers à fournir de l’aide ont dit souffrir de blessures psychologiques résultant, dans certains cas, des événements survenus ce jour-là.
 

Les médias de tout le pays ont couvert l’incident. Le journal The Montreal Gazette[6] a rapporté que des responsables militaires avaient déclaré que toutes les dépenses liées aux cadets décédés ou blessés, y compris les dépenses pour des soins médicaux prolongés ou les funérailles, allaient être défrayées par le gouvernement.
 

Table des matières
 

Mesures ayant suivi l’incident

Cet incident grave a immédiatement entraîné une réaction de la part des Forces canadiennes, mais aussi des autorités civiles. Par suite de cet incident, les Forces canadiennes ont mis sur pied une commission d’enquête[7] et la Sûreté du Québec et la police militaire ont lancé une enquête conjointe. Une enquête du coroner a aussi eu lieu après l’incident. Toutes ces enquêtes ont été menées afin de déterminer ce qui s’est produit et, le cas échéant, les personnes responsables.
 

Convoquée par le commandant[8] du 5e Groupement de combat de la base de Valcartier, la commission d’enquête militaire avait pour mandat de déterminer les circonstances entourant l’incident. Durant l’enquête, on a recueilli 165 témoignages[9], la plupart de cadets qui étaient présents dans les casernements au moment de l’incident. La commission d’enquête tentait  de déterminer comment les cadets se sont retrouvés en présence de la grenade. Pour ce faire, ils ont interrogé des témoins parmi les cadets pour savoir qui a pu apporter une grenade active ou tout autre engin explosif dans la salle de classe.
 

Après deux jours, la police a déterminé que la grenade provenait d’une boîte apportée dans la salle de classe improvisée par l’instructeur[10]. Environ un mois plus tard, la commission d’enquête a aussi conclu que la grenade ne pouvait avoir été apportée que par l’instructeur de la Force régulière ou son assistant[11].
 

Le 11 mars 1975, le coroner a conclu dans son rapport que la mort[12] des six cadets était attribuable à la négligence de l’officier de la Force régulière qui donnait le cours. Sur recommandation du coroner, l’officier militaire a été accusé de négligence criminelle. Son procès a débuté le 28 mars 1977. Le 21 juin 1977, il a été déclaré non coupable par la Cour des sessions de la paix du Québec[13]. Cette information était publique alors que les conclusions de la commission d’enquête et les rapports de police n’ont pas été divulgués. Le rapport de la police militaire a reçu une classification confidentielle; personne à l’extérieur du gouvernement n’a été informé de ses conclusions. La commission d’enquête a aussi reçu une classification confidentielle; personne à l’extérieur de la chaîne de commandement militaire n’a été informé de ses constatations.
 

Quelque 30 années plus tard, grâce à des demandes d’accès à l’information faites en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et aux médias sociaux, les personnes touchées par les événements ont commencé à obtenir des renseignements supplémentaires et à se faire une meilleure idée de ce qui s’était produit.
 

Témoignages, conclusions et impact de la commission d’enquête

Parmi les personnes interrogées dans le cadre de notre enquête, 37 ont témoigné devant la commission d’enquête. Nombreuses sont celles qui ont exprimé de la colère face à ce qu’on leur a imposé quand elles ont reçu l’ordre de témoigner devant la commission. Cette procédure les a intimidées et a nourri leur méfiance envers les Forces canadiennes. Le témoignage devant la commission d’enquête a été extrêmement difficile pour certains cadets, alors que d’autres ne se souviennent pas d’avoir été affectés.
 

Aux fins leur comparution devant la commission d’enquête, les cadets ont été séparés des membres de leur compagnie et des membres des autres compagnies. Nombreux parmi eux ont décrit avoir été escortés par un officier de police militaire armé jusqu’à un lieu sécurisé, plus précisément un bunker souterrain, avant d’être interrogés, puis enjoints de ne pas divulguer le contenu de leur témoignage et de ne pas en parler avec les autres.
 

Le secret entourant les témoignages devant la commission d’enquête a été décrit comme une cause majeure de stress pour les cadets de l’époque, car ils ont eu l’impression que cela limitait leur capacité à trouver du réconfort et à tourner la page en partageant leur expérience. Un des cadets a comparé l’expérience à un terrible accident de train auquel on survit pour ensuite être tenu injustement responsable de l’accident.
 

Un autre cadet a écrit ceci : 

 

[traduction] Mon entrevue devant la commission d’enquête militaire a eu lieu un soir, plusieurs jours après l’explosion. L’emplacement et la mise en scène de la commission ont donné un ton sérieux et grave au processus. J’étais immédiatement nerveux et anxieux. Puis, ces sentiments ont vite fait place à l’incrédulité et à la panique quand on m’a interrogé. On m’a fait sentir que nous, les cadets, étions responsables des décès et blessures. J’ai répondu honnêtement aux questions de la commission. Pourtant, j’ai senti qu’on ne me croyait pas. Vers la fin de l’entrevue, j’ai imaginé qu’une punition quelconque m’attendait, même si je n’avais rien fait de mal. En chemin vers le casernement où j’étais logé, j’ai fondu en larmes, pensant que j’étais dans le pétrin… [14]

  
D’autres cadets, plus vieux à l’époque, ont décrit avoir été conduits jusqu’au bâtiment souterrain, s’être présentés devant la commission pour répondre à quelques questions, puis être retournés aux nouveaux casernements, n’ayant aucun souvenir particulièrement pénible. Certains cadets ne se souvenaient pas de leur témoignage devant la commission d’enquête et ont été surpris d’apprendre que nos enquêteurs possédaient une copie de leur témoignage.
 

Pour notre enquête, nous avons aussi rencontré l’officier supérieur qui était chargé d’organiser la commission d’enquête. Il a confié aux enquêteurs que la décision de tenir les audiences dans le bunker avait été prise pour avoir assez d’espace pour accueillir tout le personnel impliqué. Il a aussi ajouté que l’endroit se prêtait bien à l’isolement des témoins. Enfin, on s’est dit à l’époque que le bunker serait approprié pour contrer les fortes chaleurs estivales. L’officier a été surpris d’apprendre que de nombreux cadets ont eu l’impression que l’endroit avait été sélectionné pour assurer le secret ou pour les intimider.
 

Même si les décisions touchant l’emplacement de la commission et le traitement des témoins sont explicables d’un point de vue militaire, il est clair que certains jeunes cadets les ont interprétées tout autrement à l’époque. La manière dont on a rassemblé les cadets et emmenés témoigner aurait pu être raisonnable s’il s’était agi de membres adultes des Forces canadiennes, mais puisqu’il s’agissait de jeunes cadets, certains se sont sentis responsables, affolés et davantage traumatisés.
 

Les décisions et les mesures qui ont immédiatement suivi l’incident, comme le fait de tenir les audiences de la commission d’enquête dans le bunker, ont eu des conséquences involontaires sur les cadets qui, après leur témoignage, ont craint que la chaîne de commandement croyait que l’un deux avait pu être responsable de la présence d’une grenade active. En effet, les questions posées par la commission cherchaient à identifier un cadet qui aurait potentiellement pu apporter un engin explosif dans la classe. On les a non seulement traités comme des témoins adultes, mais on s’attendait aussi à ce qu’ils agissent selon les coutumes militaires, comme s’ils étaient membres des Forces canadiennes. Plus jeunes étaient les cadets lorsqu’ils ont témoigné devant la commission, plus ils semblent avoir été intimidés.
 

La commission d’enquête a par la suite conclu que l’incident était le résultat d’un acte de négligence mineur; une petite partie du blâme reposait sur l’officier responsable, le jeune soldat qui l’assistait et des employés civils qui travaillaient au dépôt de munitions de la base des Forces canadiennes Valcartier. Finalement, la commission d’enquête a aussi conclu qu’aucun cadet n’était à blâmer.
 

L’examen de la transcription de la commission d’enquête suggère que les membres composant la commission d’enquête ont adopté une approche extrêmement protocolaire pour l’interrogatoire des cadets. Selon l’Assistant du Juge-avocat général de Valcartier, qui a fait l’examen du rapport de la commission d’enquête en 1974,  « [...] il est regrettable que la Commission ait posé tant de questions suggestives à presque tous les témoins. Ceci affecte la crédibilité des témoignages et rend plus difficile l'appréciation du témoignage des cadets surtout[15]. »  Par ailleurs, il n’était pas d’accord avec le terme « négligence mineure » dans les conclusions de la commission d’enquête. Selon son évaluation, les gestes de l’officier responsable pouvaient entraîner des accusations en vertu de la Loi sur la Défense nationale.
 

Les résultats de la commission d’enquête ont aussi été examinés par l’état-major du quartier général l’Armée de terre. Dans un document rédigé par le médecin­chef du commandement de l’Armée de terre des Forces canadiennes de l’époque, on fait trois recommandations quant à l’aide et aux soins de suivi à offrir aux cadets : 
 

  • Laisser d’abord l’assurance[16] résoudre le problème;
     
  • Plaider auprès du gouvernement en faveur des blessés si l’indemnisation semble inadéquate;
     
  • Demander l’aide d’Anciens Combattants Canada pour déterminer si l’indemnisation est adéquate et déterminer la gravité des invalidités et les indemnités connexes suggérées.
     

Il est impossible de savoir avec certitude si les Forces canadiennes, la Ligue des cadets de l’Armée et Anciens Combattants Canada ont adopté une approche exhaustive pour offrir le soutien et l’aide requis aux familles, puisque aucun document à cet effet n’est disponible. Par ailleurs, vu le passage du temps et la perte de mémoire organisationnelle, nous n’avons pas pu confirmer si l’une ou l’autre de ces recommandations a été suivie.
 
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Les suites de l’incident

Après l’incident, le ministère de la Défense nationale a payé[17] les frais funéraires des six cadets tués par l’explosion. Aucun mécanisme n’a été mis en place pour que les cadets aient accès aux soins médicaux supplémentaires dont ils pouvaient avoir besoin et qui n’étaient peut-être pas offerts par leur régime provincial.
 

On n’a trouvé aucune preuve indiquant que le Ministère a pris quelque engagement financier que ce soit envers les cadets blessés qui avaient besoin de soins médicaux à long terme. À l’exception des soins médicaux immédiats reçus au moment de l’incident, les cadets n’ont reçu aucune aide ou indemnisation en vertu de toute politique ou tout règlement du ministère de la Défense nationale en vigueur à l’époque.
 

Bien que la Loi sur la Défense nationale confie aux Forces canadiennes le contrôle et la supervision des organisations de cadets, et que ces derniers ont tous reçu une indemnité compensatoire de 100 $ pour leur participation au camp, les cadets ne sont pas membres des Forces canadiennes. Les cadets avaient pour seul statut celui de civils sur les terres de la Couronne. Il en résulte que les cadets n’étaient pas automatiquement admissibles à recevoir des soins médicaux fournis par les Forces canadiennes, et ils n’étaient pas admissibles à recevoir une indemnité pour leurs blessures de la part d’Anciens Combattants Canada.  Ils n’étaient même pas considérés comme des employés civils du ministère de la Défense nationale, un statut qui leur aurait tout de même ouvert la porte à l’obtention d’une gamme de soins prescrits et d’indemnités.
 

En d’autres mots, les cadets n’avaient aucun statut dans les Forces canadiennes, ce qui les rendait inadmissibles à toute forme d’indemnité ou d’avantages sociaux auxquels aurait pu avoir droit un membre des Forces canadiennes blessé grièvement ou tué. À l’inverse, les instructeurs de cadets étaient et sont toujours considérées comme des membres de la Force de réserve des Forces canadiennes et, en conséquence, étaient et sont toujours admissibles aux indemnités et avantages sociaux en cas de blessures/décès attribuables au service en vertu de la Loi sur les pensions[18] qui prévoyait des traitements médicaux non couverts par les régimes provinciaux. Ces avantages et la compensation étaient inaccessibles aux cadets ou à leurs familles.
 

La différence de statut fondamentale entre les cadets et les membres des Forces canadiennes revêt une grande importance dans cette affaire. Les 137 cadets présents dans la salle au moment de l’explosion constituaient le groupe le plus vulnérable et le plus affecté au moment de l’incident. En raison de l’absence d’un statut militaire, ils n’ont pas eu droit aux avantages. Les cadets qui avaient besoin de soins médicaux au-delà de ceux couverts par les plans provinciaux ont dû en défrayer eux-mêmes les coûts ou s’en passer. La seule autre option viable pour obtenir de l’aide était d’entamer un processus accusatoire de réclamation contre l’État, ce que peu de parents de cadets ont entrepris. 
 

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À ce jour, les réclamations contre l’État (ou son assureur) demeurent le seul mécanisme permettant aux cadets d’obtenir des avantages dans les situations similaires.

Indemnisation et avantages sociaux : Qui a reçu quoi?

Plusieurs décennies après l’incident, il y a encore, dans l’esprit des cadets touchés par l’incident, beaucoup de confusion concernant les responsabilités et la couverture d’assurance.
 

De nombreux cadets interrogés ont exprimé de la colère et de la frustration face au traitement, (voire l’absence de traitement) qu’ils ont reçu à cause de leur statut non militaire. Certains ont dit se sentir comme dans une impasse ou un vide juridique.
 

Il leur a été difficile d’accepter et de comprendre que certains parmi les premiers répondants ont eu droit à des traitements, avantages sociaux et indemnités supplémentaires à la suite de leur participation aux efforts de secours, alors que la majorité des cadets n’ont reçu à peu près rien. On s’entend généralement chez les victimes pour dire qu’il y a eu de l’injustice dans cette affaire.
 

L’absence d’autres processus ou mécanismes de recours a porté certains parents à intenter des recours juridiques individuels contre le Ministère, ce qui a donné lieu à des règlements à l’amiable. Ainsi, la seule possibilité d’obtenir une indemnisation reposait sur la volonté et la capacité de la famille de chaque cadet d’entreprendre des poursuites contre l’État. Les familles qui ne l’ont pas fait n’ont rien reçu.
 

Par exemple, en avril 1975, le père d’un cadet a entrepris une poursuite contre le Ministère, exigeant un dédommagement de 14 850 $ pour les blessures de son fils. L’enfant souffrait d’une perforation des tympans et de traumatisme psychologique. Il avait été emmené à l’hôpital militaire de la base après l’incident, puis retourné au camp d’été le jour même, sans autre traitement médical.
 

Quand le cadet est rentré à la maison deux semaines plus tard, il avait des pertes de mémoire, des maux de tête, des signes de dépression et l’incapacité de pratiquer des sports. Les enquêteurs ont appris que l’enfant, qui était en parfaite santé physique et mentale à son départ pour le camp d’été, n’a plus jamais été le même après son retour à la maison.
 

Un autre cadet ayant subi des blessures plus graves a été déclaré totalement invalide et est confiné à un fauteuil roulant pour le reste de sa vie. Dans sa réclamation contre l’État, le père demandait 865 000 $, mais s’est ensuite entendu à l’amiable pour un montant de 225 000 $.
 
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Selon les documents de la cour, l’État a reconnu sa responsabilité dans l’incident.[19]
 

##MCECOPY##

 

[1] Sénécal c. Canada (1977), Montréal T-2546-75 (Cour fédérale).

[2] « Feuille de calcul de l’inflation », Banque du Canada, en ligne, le 20 mai 2015.

[3] Friedman, Matthew J., MD, PhD. « PTSD History and Overview », PTSD: National Center for PTSD. U.S. Department of Veterans Affairs, le 25 mars 2014, en ligne, 2014.

[4]La Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, mieux connue sous le nom de « Nouvelle Charte des anciens combattants », a reçu la sanction royale le 13 mai 2005, et la loi est entrée en vigueur le 1er avril 2006. La Charte met en place un nouveau régime d’avantages pour les anciens combattants blessés, invalides et décédés et offre des mesures de réadaptation professionnelle et physique pour les anciens combattants et leurs familles. Elle a préséance sur le régime précédent, qui était régi par la Loi sur les pensions, dont la première version est entrée en vigueur en 1919.

[5] « General History of Royal Canadian Army Cadets. » Army Cadet History, en ligne, le 8 janvier 2015.

[6] « Information concernant les sociétés de régime fédéral – 308919 », Corporations Canada, Industry Canada, en ligne, le 8 janvier 2015

[7] « The Army Cadet League of Canada », Army Cadet History, en ligne, le 30 janvier 2015.

[8] c. N-4 RSC 1970

[1] Selon le rapport des Forces canadiennes Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier (pp. 010-014), 62 cadets, deux membres de la Force régulière et un réserviste ont subi des blessures physiques. Ces 65 victimes étaient toutes présentes dans la salle.

[2] Bon nombre des renseignements obtenus par le groupe ont été obtenus par le biais de demandes d’accès à l’information.

[3] Fontaine, Hugo. La grenade verte : Valcartier 1974 : Les Oubliés de la compagnie D, Éditions La Presse, Montréal, 2011..

[4] Fostaty, Gerry. As You Were: The Tragedy at Valcartier. Fredericton, N.B.: Goose Lane Editions, 2011.

[5] En 1974, les organisations de cadets sont seulement composées de garçons.

[6] Ernhofer, Ken, and Patrick Doyle, “Mixup Caused Blast, Says Cadet Survivor.” The Gazette [Montreal]

[7] Le Sous-ministre adjoint (Services d’examen) décrit les commissions d’enquête comme suit :

« Le ministre de la Défense Nationale, le Chef d’état-major de la défense, un officier commandant un commandement ou une formation, ou encore, un commandant peuvent demander qu’une Commission d’Enquête (CE) se penche sur toute question relative à la direction, la discipline, l’administration ou aux fonctions des FAC ou concernant tout officier ou militaire du rang. Une CE convient particulièrement aux investigations concernant des incidents d’une complexité inhabituelle nécessitant du personnel, des ressources et des pouvoirs d’enquête accrus. Une CE convient particulièrement aux incidents d’une complexité inhabituelle nécessitant un personnel, des ressources et des pouvoirs d’enquête accrus. » Commissions d’enquête, Défense nationale et Forces armées canadiennes, 3 fév. 2012. En ligne, mai 2015.

[8] Forces canadiennes. Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier, p. 000212.

[9] Selon le rapport des Forces canadiennes Board of Inquiry – Grenade Incident – BFC Valcartier 30 Jul 74 (p. 000185), cela comprend 92 cadets et 27 rappels.

[10] BFC Valcartier. SITREP sur le rapport d’incident daté du 1er août 1974.

[11] Forces canadiennes. Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier, p. 000188.

[12]Conformément aux articles 30-31 de la Loi sur les Coroners de 1966, le coroner peut conclure en un acte de négligence criminelle et déposer des accusations en vertu de l’article 462 du Code Criminel du Québec. Dans les conclusions de son enquête sur cet incident, le coroner a écrit « Le capt… est tenu criminellement responsable de la mort de Eric Lloyd et des cinq autres… », le 11 juillet 1975.

[13] Godbout, Jacques N. « Morts des cadets de Valcartier en 1974 : l’ombudsman enquêtera… 40 ans plus tard », Journal 45e Nord, le 16 mai 2014.

[14] Extrait d’un échange de courriels entre un de nos enquêteurs et un ancien cadet.

[15] Bureau du Juge-avocat général. « Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier », le 18 novembre 1974, p. 000092.

[16] Le directeur général actuel de la Ligue des cadets de l’Armée a confirmé que la police d’assurance de la Ligue a toujours été désignée comme une protection complémentaire pour l’assurance responsabilité des cadets et bénévoles. Le représentant de la Ligue a ajouté que la police n’avait jamais été conçue pour assurer les cadets qui prennent part à des activités sur une base militaire, puisque ces installations sont considérées comme des propriétés de l’État qui relèvent du gouvernement. Actuellement, la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif (L.R., 1985, ch.C-50, s.3 stipule qu’en matière de responsabilité, « l’État est assimilé à une personne pour [...] le dommage causé par la faute de ses préposés ».

[17] Forces canadiennes. Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier, pp. 5-8.

[18]En 2006, la gamme d’avantages offerts aux anciens combattants a subi des changements considérables en vertu de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (connue sous le nom de Nouvelle Charte des anciens combattants). La Loi sur les pensions demeure en vigueur en tant que principale source d’avantages des anciens combattants pour des affections ouvrant droit à pension pour lesquelles une demande a été déposée avant le 1er avril 2006.

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Il est intéressant de remarquer que 20 personnes interrogées étaient à la fois présentes dans la salle et ont entrepris des démarches individuelles pour obtenir des soins de santé mentale. Toutes ont reçu un diagnostic de blessure psychologique. On peut raisonnablement présumer qu’une grande proportion des autres personnes présentes peut aussi souffrir d’un problème de santé mentale suite à l’incident.

Les individus ayant droit à une indemnisation de la part d’Anciens Combattants Canada sont aussi admissibles à d’autres programmes pour les vétérans, incluant des avantages supplémentaires pour des soins et traitements non couverts par l’assurance-maladie provinciale.

En comparant les montants versés dans le cadre de la Nouvelle Charte des anciens combattants à ceux obtenus à la suite de règlements à l’amiable avec les parents de cadets qui ont poursuivi le gouvernement, les cadets blessés et toujours affectés aujourd’hui par l’incident ont eu de la difficulté à s’expliquer de façon rationnelle la différence importante entre les sommes versées.

Non seulement savent-ils que les montants sont disproportionnés, mais ils ont aussi constaté que les avantages sociaux offerts par Anciens Combattants Canada couvrent des soins non couverts par les régimes provinciaux d’assurance-maladie, tels que la consultation de spécialistes, les soins psychologiques, les appareils auditifs et certains médicaments.

Voici un sommaire des règlements à l’amiable obtenus par les familles des cadets dans les années qui ont suivi l’incident. L’information se trouve dans les livres publiés sur l’incident de Valcartier et nous l’avons vérifiée dans les documents divulgués par le ministère de la Justice en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Fait à noter, des 137 cadets qui étaient présents dans la salle, seule une minorité a obtenu un règlement.

 

Indemnité en 1975­-1976Valeur en 2015[20]Type de blessure

225 000 $

1 127 678,57 $ Invalidité totale

36 560 $

183 235,24 $

Traumatisme au haut du corps et à la tête

18 950 $ 94 975,60 $ Blessure à l’œil
14 000 $ 70 166,67 $ Décédé
13 000 $ 65 154,76 $ Décédé
12 934 $ 64 823,98 $ Décédé
12 102 $ 60 654,07 $ Décédé
11 100 $ 55 632,14 $ Traumatisme – haut du corps
10 000 $ 50 119,05 $ Décédé
9 450 $ 47 362,50 $ Traumatisme – haut du corps
5 500 $ 27 565,48 $ Troubles de l’ouïe
4 875 $ 24 433,04 $ Traumatisme – haut du corps
3 840 $ 19 245,71 $ Trauma upper body

2 650 $

13 281,55 $

Troubles psychologiques

 11 601 $

58 143,11$ Indemnité médiane

 

Cinq des six familles de cadets ayant perdu la vie ce jour-là ont intenté des poursuites contre l’État et ont réglé à l’amiable moyennant un dédommagement financier. Les parents d’autres cadets blessés ont aussi obtenu un règlement à l’amiable après avoir fait une réclamation.
 

Tandis que peu de familles ont fait des réclamations auprès de l’État, une autre option aurait été d’obtenir une indemnisation en vertu de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels du Québec, adoptée en 1972. Il s’agit d’un programme provincial qui offre des services d’indemnisation et de réadaptation aux victimes d’actes criminels tels que la négligence criminelle ayant causé des blessures ou la mort.
 

Cette loi est pertinente parce que l’officier des Forces canadiennes qui donnait l’instruction ce jour-là a été accusé d’avoir causé des lésions corporelles ou la mort par négligence criminelle. Les demandes d’indemnités en vertu de cette loi doivent être soumises dans l’année suivant l’incident. Malheureusement, aucune des victimes de l’incident n’a soumis une demande dans le cadre de ce programme.
 

Les enquêteurs du Bureau de l’Ombudsman ont tenté d’identifier des cas d’incidents similaires dans les Forces canadiennes. Bien que des leçons aient été tirées de l’incident de 1974 à Valcartier, deux autres événements ont impliqué des membres de la Force régulière et des explosifs dans les Forces canadiennes en 1988. Les enquêteurs n’ont trouvé aucun autre cas d’incident grave d’une nature similaire impliquant des cadets.
 

Afin d’apprécier et de quantifier l’étendue d’injustice potentielle que les cadets et leurs familles ont subi, l’équipe d’enquête a examiné d’autres situations comparables. Il est à noter que ces ententes n’étaient pas nécessairement liées à des accidents, à de la négligence ou à des actes criminels.

  

RèglementCas
229 000 $ Règlement des cadets de la marine – 1960s
86 500 $ Règlement entre Anciens Combattants Canada et le Commandement de la compagnie D Valcartier
67 000 $ Survivants du Thalidomide – 1950-1960s
24 000 $ Gaz moutarde – 1968-1976
20 000 $ Programme de redressement pour la taxe d’entrée imposée aux immigrants Chinois 1885-1923
20 000 $ Agent Orange – 1966-1967
14 000 $ Programme de redressement pour l’internement des Canadiens japonais – 1942

 
Table des matières

 
Santé mentale

Les troubles de santé mentale et les traumatismes liés au stress n’étaient pas très connus parmi les Canadiens en 1974. Le trouble psychiatrique qu’on appelle état de stress post-traumatique (ESPT) a seulement été reconnu en 1980[21] par l’American Psychiatric Association.
 

Des décennies plus tard, la population est davantage sensibilisée à ce trouble de santé mentale. L’étude et la compréhension de la santé mentale et des soins offerts aux patients ont grandement évolué. Les Forces canadiennes ont apporté des améliorations importantes au soutien et aux services offerts aux membres et à leurs familles dans ce domaine.
 

Quand les anciens membres de la compagnie D ont repris contact et se sont raconté leurs histoires, ils ont vu que certains avaient été évalués et traités pour des problèmes de santé mentale, notamment pour l’ESPT, grâce à la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes[22]. En apprenant que certaines personnes avaient pu obtenir des évaluations et des traitements, d’autres ont décidé d’aller chercher de l’aide.
 

Les problèmes de santé mentale semblent s’être accentués pour la plupart des plaignants que nous avons interrogés dans le cadre de la présente enquête. 58 pour cent des personnes impliquées dans l’accident disent souffrir d’une forme ou une autre de blessure psychologique liée à ce qu’elles décrivent comme un événement traumatisant. Parmi les personnes impliquées à la fois dans l’explosion et les événements qui en ont découlé, 33 pour cent d’entre elles ont eu accès à des soins de santé mentale par l’intermédiaire d’Anciens Combattants Canada (grâce à leur statut de membre des Forces canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada) ou, dans le cas d’anciens cadets, avec un autre régime d’assurance collective ou à leurs propres frais. L’accès insuffisant aux soins est ce qui a incité la plupart des personnes à nous contacter pour dénoncer ce qu’elles percevaient comme une injustice.
 

Constatations

Quand on considère l’impact global de l’incident sur les personnes que nous avons interrogées qui ont pris part à l’incident ce jour-là, on constate que 81 pour cent étaient présentes dans la salle au moment de l’explosion. Les données indiquent que 53 pour cent de ces personnes ont souffert de blessures physiques. Parmi celles-ci, 40 pour cent ont dit posséder des documents de preuve attestant leurs blessures.
 

L’enquête a révélé que 40 pour cent des cadets ont été emmenés à l’hôpital de la base immédiatement après l’explosion. Quand on leur a demandé s’ils avaient toujours des problèmes dus aux blessures physiques subies ce jour-là, 40 pour cent ont déclaré qu’ils souffrent toujours des effets de l’explosion. En tout, 32 pour cent de ceux qui étaient dans la salle allèguent avoir subi à la fois des blessures physiques et mentales.
 

Alors que les familles des enfants qui furent blessés ont été laissées à elles-mêmes par rapport aux recours additionnels, certains membres des Forces canadiennes ont demandé et ont reçu des indemnisations pour leurs blessures sous l’égide de la loi sur les pensions et plus tard la Nouvelle Charte des anciens combattants.
 

Un des thèmes principaux qui est ressorti de nos échanges avec les personnes impliquées dans cet incident découle du fait qu’il y a eu un manque de considération pour les cadets qui se trouvaient sous la responsabilité des Forces canadiennes. En fait, plusieurs ont mentionné, lors de l’enquête, que personne ne les avait informés des redressements ou recours possibles, non plus est-ce que les Forces canadiennes ou l’organisation de Cadets leur a proposé quoi que ce soit.
 

Les enquêteurs de l’Ombudsman ont rencontré deux anciens combattants des Forces canadiennes qui étaient présents et reçoivent depuis des prestations mensuelles en vertu de la Loi sur les pensions à la suite de l’incident. D’autres membres des Forces canadiennes admissibles, après avoir constaté qu’ils avaient peut-être des séquelles de l’incident de 1974, se sont adressés à Anciens Combattants Canada plus tard au cours de leur vie. Ceux qui ont demandé de l’aide après le 31 mars 2006 ont soumis une demande en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants plutôt que la Loi sur les pensions, puisque ce nouveau règlement était alors en vigueur.
 

Le Bureau de l’Ombudsman est au fait de six cas d’anciens membres des Forces canadiennes qui ont soumis une demande d’indemnité et d’avantages sociaux à Anciens Combattants Canada pour leur état de stress post-traumatique. Chacun de ces anciens militaires a reçu un montant médian de 86 496 $ à titre d’indemnisation selon la Nouvelle Charte des anciens combattants. Le tableau ici-bas indique les montants individuels et l’année où ils ont été reçus.

 

MontantAnnée reçueComposante
202 000 $ 2007 Cadre des instructeurs de cadets
109 000 $ 2012 Force régulière
87 992,53 $ 2012 Cadre des instructeurs de cadets
85 000 $ 2011 Force régulière
14 265,97 $ 2012 Cadre des instructeurs de cadets
14 265,97 $ 2011 Cadre des instructeurs de cadets

 
Il est intéressant de remarquer que 20 personnes interrogées étaient à la fois présentes dans la salle et ont entrepris des démarches individuelles pour obtenir des soins de santé mentale. Toutes ont reçu un diagnostic de blessure psychologique. On peut raisonnablement présumer qu’une grande proportion des autres personnes présentes peut aussi souffrir d’un problème de santé mentale suite à l’incident.
 

Les individus ayant droit à une indemnisation de la part d’Anciens Combattants Canada sont aussi admissibles à d’autres programmes pour les vétérans, incluant des avantages supplémentaires pour des soins et traitements non couverts par l’assurance-maladie provinciale.
 

En comparant les montants versés dans le cadre de la Nouvelle Charte des anciens combattants à ceux obtenus à la suite de règlements à l’amiable avec les parents de cadets qui ont poursuivi le gouvernement, les cadets blessés et toujours affectés aujourd’hui par l’incident ont eu de la difficulté à s’expliquer de façon rationnelle la différence importante entre les sommes versées.
 

Non seulement savent-ils que les montants sont disproportionnés, mais ils ont aussi constaté que les avantages sociaux offerts par Anciens Combattants Canada couvrent des soins non couverts par les régimes provinciaux d’assurance-maladie, tels que la consultation de spécialistes, les soins psychologiques, les appareils auditifs et certains médicaments.
 

En interrogeant 49 cadets, les enquêteurs de l’Ombudsman ont appris que 33 d’entre eux croient avoir gardé des séquelles de l’incident de 1974 et croient avoir subi une forme quelconque de traumatisme psychologique. Sept de ces anciens cadets ont déclaré avoir payé avec leur argent ou utilisé leur régime d’assurance personnel pour obtenir des soins psychologiques.
 

Parmi les personnes présentes au camp de cadets en 1974, nombreuses sont celles qui sont incapables d’obtenir un diagnostic qui mènerait à un traitement, car elles ne peuvent se le permettre. En discutant avec d’autres personnes impliquées dans l’incident, elles ont appris que ceux qui étaient admissibles à des indemnités et avantages en vertu de la Loi sur les pensions ou de la Nouvelle Charte des anciens combattants avaient obtenu l’aide réclamée.
 

Voici un sommaire des avantages sociaux offerts en fonction de la composante :
  

ComposanteSoins médicauxIndemnité financière
Force régulière Oui Oui
Force régulière Oui Oui
Cadets ayant par la suite servi au sein des Forces canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada. Oui, en cas d’aggravation d’un problème existant à cause du service Oui, en cas d’aggravation d’un problème existant à cause du service
Cadets/familles qui ont fait une réclamation auprès de l’État Assurance-maladie provinciale uniquement Oui
Cadets/Familles qui n’ont JAMAIS fait de réclamation auprès de l’État Assurance-maladie provinciale uniquement Oui

 

L’enquête a aussi révélé que, plus tard, certains cadets se sont enrôlés dans les Forces canadiennes ou la Gendarmerie royale du Canada. Même s’ils n’avaient pas droit aux avantages offerts par Anciens Combattants Canada à l’époque de l’incident parce qu’ils étaient des cadets, certains ont ensuite pu obtenir des indemnités et avantages grâce à leur service ultérieur. Cela a été possible parce qu’on a cru que leur service militaire ou policier avait aggravé un problème existant à la suite de l’explosion de 1974.
 

À la lumière de ces faits, il faut reconnaître l’hypothèse voulant que les cadets, s’ils avaient eu droit aux avantages de par leur statut d’emploi avec soit Forces canadiennes ou la Gendarmerie royale du Canada, auraient probablement reçu, au minimum, une évaluation de santé mentale et, très probablement, profité d’un suivi médical quelconque et d’indemnités. La plupart des personnes interrogées ont déclaré que l’accès à des soins médicaux constitue leur priorité principale et immédiate.
 
Table des matières
 

Conclusions

Les parents confient leurs enfants au programme des cadets du Canada – et, par extension, au gouvernement du Canada – en croyant non seulement que leurs enfants participeront à de nombreuses activités qui leur seront profitables; ils croient aussi que ces activités seront sécuritaires. Ce que les parents ne savent peut-être pas est que s’il arrivait quelque chose à ces enfants aujourd’hui, la seule voie par laquelle obtenir une indemnisation serait d’intenter une poursuite contre l’État (ou son assureur). 
 

Les cadets qui ont eu la chance de survivre à l’explosion de la grenade en 1974 n’ont pas droit à un soutien équivalent à celui qui est offert aux instructeurs, qui étaient non seulement responsables des cadets, mais qui ont aussi causé l’incident par mégarde. Parce qu’ils n’étaient pas membres d’une composante des Forces canadiennes décrite dans la Loi sur la Défense nationale, les cadets n’ont pas eu droit – et n’ont toujours pas droit - aux indemnités et avantages prévus dans la Loi sur les pensions ou la Nouvelle Charte des anciens combattants. Ainsi, le groupe le plus affecté par l’incident s’est avéré être aussi le plus vulnérable.
 

Même si l’État a reconnu sa responsabilité relativement à l’explosion de la grenade, et ce en réponse à une poursuite contre la Couronne, le vide juridique dans lequel se trouvaient les cadets constituait – et constitue toujours – un grand vide législatif. Il est difficile à croire que personne ne soit tenu responsable d’un point de vue financier ou autre, des blessures, voire de la mort d’un cadet.
 

De nombreuses personnes interrogées ont affirmé que leurs parents n’avaient pas fait de réclamation à l’État en leur nom parce qu’ils n’avaient pas les connaissances ou les moyens financiers pour s’attaquer à la « grosse machine gouvernementale ». Ainsi, durant de nombreuses années, ils ont eu l’impression qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de continuer à souffrir en silence tandis que les souvenirs de l’incident continuaient de les hanter.
 

Selon ce que notre enquête a permis de déterminer, les jeunes cadets blessés n’ont reçu aucun soin à long terme, indemnités ou avantages sociaux, à cause des lois et règlements en vigueur au moment de l’incident et des restrictions qu’ils contenaient. Les éléments de preuve recueillis démontrent aussi que les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale ont admis leur part de responsabilité dans cette affaire mais ont choisi d’indemniser uniquement ceux qui ont intenté une poursuite contre l’État ou qui avaient droit à une indemnité grâce à leur statut d’emploi.
 

Il est évident qu’offrir de l’aide, des indemnités et des avantages à des membres des Forces canadiennes touchés directement ou indirectement par l’incident de 1974, sans toutefois offrir le même soutien aux garçons sous leur responsabilité qui étaient présents dans les casernements au moment de l’explosion, va à l’encontre des principes d’équité.
 

Recommandations

Étant donné que jusqu’à 53 pour cent des cadets qui ont été témoins de l’incident ou ont été blessés lors de celui-ci semblent toujours souffrir de blessures physiques ou psychologiques, nous recommandons qu’en vertu des pouvoirs du ministre de la Défense nationale, le ministère de la Défense nationale offre immédiatement des évaluations à toutes les personnes qui affirment avoir subi des effets négatifs ou permanents à la suite de l’incident, afin de déterminer les soins de santé physique et psychologique requis et, en fonction de ces évaluations, finance un régime de soins raisonnable. Il serait profitable pour ces anciens cadets de se voir offrir des soins de santé mentale qu’ils méritent et dont ils ont besoin.
 

Suivant les évaluations et la détermination des besoins à long-terme de chacun des individus touchés par cet incident et, afin d’assurer qu’ils reçoivent un traitement qui reflète les valeurs canadiennes, nous recommandons que le ministère, sous la direction du ministre, accorde à ces personnes, une indemnité financière immédiate et raisonnable qui cadre avec la jurisprudence dans des situations similaires.  
 

Table des matières
 

Message de clôture de l’Ombudsman

L’équité ne veut pas dire que tout le monde obtient la même chose. L’équité veut dire que tout le monde reçoit ce dont il a besoin.

 

Il y a plus de 40 ans qu’une grenade a explosé au camp des cadets de Valcartier, mais de nombreux survivants souffrent encore aujourd’hui. Qu’il s’agisse de blessures corporelles ou psychologiques, les preuves recueillies dans le cadre de notre enquête démontrent que de nombreux cadets ont subi des blessures à long terme qui ont changé le cours de leur vie et pour lesquelles ils ont reçu des traitements et des indemnités inadéquats.
 

La législation en vigueur en 1974 a peut-être déterminé les décisions prises à l’époque et limité les recours possibles, mais cela ne dégage pas la Défense nationale et les Forces canadiennes de leur responsabilité envers les enfants qui étaient sous leur garde. On aurait dû en faire davantage.
 

Les personnes qui se sont adressées à notre Bureau ont dû vivre avec leurs blessures, tout en sachant que tous ceux qui ont été affectés par l’incident n’ont pas été traités de façon équitable. Cependant, elles ne demandent pas et ne s’attendent pas à recevoir le même traitement que les membres de la Force régulière ou les réservistes. Elles veulent seulement avoir accès à ce dont elles ont besoin – des soins médicaux.
 

Heureusement, les accidents comme l’explosion de la grenade à Valcartier sont l’exception et non la norme. Néanmoins, le ministère de la Défense nationale, les Forces armées canadiennes et les organisations de cadets du Canada doivent travailler ensemble pour empêcher qu’une telle tragédie se produise. Si cet incident se répétait aujourd’hui, la législation ne permettrait pas aux cadets de demander l’aide d’Anciens Combattants Canada ou d'un régime de soins médicaux offert aux membres des Forces armées canadiennes.
 

Afin d’aider le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes à mener leur initiative quinquennale de renouvellement du programme des cadets, mon Bureau fera un examen indépendant des organisations de cadets du Canada. Nous aurons pour objectif de déterminer tout problème d’iniquité et de faire des recommandations sur les améliorations à apporter au programme.
 
 Table des matières
 

Annexes

Annexe A : But de l’enquête

Le but de la présente enquête est d’effectuer une analyse indépendante et impartiale du traitement des cadets à la suite de cet incident, en vue de déterminer si les cadets et leurs familles ont été traités de façon équitable, juste et compatissante selon les normes en place à l’époque. L’enquête sera axée sur les aspects administratifs liés au et émanant du traitement réservé aux cadets et à leurs familles dans la foulée de l’incident. Conformément au mandat du Bureau de l’Ombudsman, nous exclurons de la présente enquête tout élément à caractère criminel. Finalement, l’enquête permettra aussi de déterminer la responsabilité actuelle, sur le plan moral, financier ou autre, du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes envers les personnes potentiellement affectées physiquement ou psychologiquement par l’incident.
 

Annexe B : Méthodologie

La collecte de preuves pour cette enquête a été faite selon une approche à volets multiples. Nous avons notamment effectué 70 entrevues, dont 45 ont eu lieu avec des personnes qui se sont adressées directement au Bureau de l’Ombudsman.
 

D’autres preuves à l’appui de cette enquête ont été obtenues à l’aide d’un examen méticuleux de renseignements contemporains (après l’incident/1974) trouvés dans divers rapports d’enquête qui sont toujours accessibles aujourd’hui :
 

  • Rapport de la commission d’enquête des Forces canadiennes;
     
  • Rapports sur des opinions d’expert et des conseils donnés à la commission d’enquête;
     
  • Enquête du coroner du Québec;
     
  • Enquête de la police militaire;
     
  • Correspondance entre le ministère de la Défense nationale et les anciens cadets et leurs familles;
     
  • Documents de cour des poursuites intentées contre l’État.
     

Afin de définir la structure administrative régissant les cadets et les Forces canadiennes au moment de l’incident, nous avons remonté jusqu’à 1974 pour faire l’examen de divers documents de politiques et de législation.
 

Nous avons aussi examiné les versions plus récentes (le cas échéant) de ces mêmes documents afin de déterminer l’évolution des politiques et de déterminer comment elles influenceraient le statut des personnes touchées par l’accident. De plus, nous avons aussi jugé nécessaire de faire une analyse comparative du traitement et des indemnités reçus par les cadets et des membres des Forces canadiennes impliqués ou blessés dans l’accident, afin de saisir pleinement les différences importantes entre ces groupes.
 

Les documents suivants ont été examinés dans le cadre de la présente enquête :
 

  • Loi sur la Défense nationale en vigueur 1974 et aujourd’hui;
     
  • Ordonnances administratives des Forces canadiennes;
     
  • Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC);
     
  • Directives et ordonnances administratives de la Défense;
     
  • D’autres lois, règlements et politiques liés à ce type d’incident;
     
  • Couverture médiatique de l’incident, y compris des articles de journaux publiés en 1974.
     

Annexe C : Gouvernance de la Ligue des cadets de l’Armée du Canada

Les origines de l’organisation de cadets de l’Armée du Canada remontent à 1879[23]. Deux entités gouvernent l’organisation de cadets de l’Armée du Canada : Les Forces canadiennes, en vertu de la Loi sur la Défense nationale, et la Ligue des cadets de l’Armée[24]. La Ligue navale du Canada et la Ligue des cadets de l’Air jouent un rôle parallèle à celui de la Ligue des cadets de l’Armée du Canada pour les deux autres armées.
 

La Ligue des cadets de l’Armée du Canada a été mise sur pied en 1971 pour travailler avec le ministère de la Défense nationale à l’appui des cadets de l’Armée et compte un bureau de section dans chacune des dix provinces, ainsi que dans la région du Nord. Elle est définie comme suit :
 

[…] organisation civile à but non lucratif [qui] a pour mission de soutenir les cadets de l’Armée en travaillant en collaboration avec les communautés locales et les Forces canadiennes dans le développement des méthodes et politiques pour l’atteinte des buts et objectifs du mouvement des cadets canadiens en général et plus particulièrement ceux des cadets royaux de l’Armée canadienne
 

À titre d’organisme de charité enregistré, la Ligue reçoit des dons et une bourse du MDN. Avec un budget d’opération de 250 000 $, la Ligue emploie quatre employés à temps plein au bureau national. En 2000, les bénévoles de la Ligue ont donné 378 000 heures de service (environ 3 000 bénévoles travaillant en moyenne trois heures par semaine pendant 42 semaines) à l’organisation[25].

 

 

Il y a à ce jour environ 1 100 corps et escadrons de cadets au Canada. Nos recherches indiquent que 22 centres d’instruction des cadets sont en opération durant l’été. Les corps et escadrons de cadets tiennent leurs activités dans des endroits tels que des écoles, des centres communautaires, des manèges militaires et des églises. La majorité des centres d’instruction d’été des cadets se déroulent dans les bases des Forces canadiennes, où le personnel du Service d’administration et d’instruction pour les organisations de cadets (SAIOC) supervise et entraîne les cadets pour des périodes allant jusqu’à sept semaines durant l’été.
  

Table des matières
 

Annexe D : La Loi sur la Défense nationale et les organisations de cadets

En 1974, la Loi sur la Défense nationale[26] faisait référence aux organisations de cadets à l’article 43 :
 

43. (1) Le Ministre peut autoriser la formation d’organisations de cadets, composes de garçons d’au moins douze ans et de moins de dix-neuf ans, sous la direction et la surveillance des Forces canadiennes.

 
Actuellement, la Loi sur la Défense nationale comprend un article similaire au paragraphe 46. (1), qui a été modifié pour inclure les filles :
 

46. (1) Le ministre peut autoriser la constitution, sous l’autorité et la surveillance des Forces canadiennes, d’organisations de cadets dont l’âge se situe entre douze et dix-neuf ans.

 
Les organisations de cadets ont été créées avec l’autorisation du ministre de la Défense nationale. Cependant, elles ne sont pas considérées comme une composante des Forces canadiennes, comme l’indiquent les paragraphes 46. (2) et 46. (3) de la Loi sur la Défense nationale.
 

Instruction, administration et approvisionnement
 

(2) Le ministre peut fixer les périodes d’instruction des organisations de cadets, la manière dont elles sont administrées, les conditions auxquelles matériels et logement leur sont fournis, et désigner les officiers sous l’autorité et le commandement desquels elles sont placées.
 

(3) Les organisations de cadets ne font pas partie des Forces canadiennes.


Annexe E : Entrevues de la compagnie D et des intervenants

Sur une période de sept mois, le Bureau a interrogé 74 personnes et intervenants touchés directement ou indirectement par les événements du 30 juillet 1974. Les entrevues ont eu lieu par téléphone ou, si possible, en personne.
 

La majorité des cadets qui ont été interrogés dans le cadre de l’enquête étaient en 1974 âgés de 13 à 18 ans. Ils sont maintenant dans la cinquantaine. Certains sont devenus de brillants chefs d’entreprise, des universitaires, des militaires, des membres de la Gendarmerie royale du Canada ou des gens de métier. D’autres ont eu un parcours plus difficile. Deux personnes interrogées sont des membres à la retraite de la Force régulière des Forces canadiennes qui étaient postés à Valcartier à l’été 1974. Ils ont accepté de décrire leurs fonctions au moment de l’incident.
 

En juillet 2014, les enquêteurs ont visité le camp des cadets royaux de l’Armée canadienne à Valcartier, où l’incident s’est produit. Durant cette visite, l’équipe d’enquête a rencontré un grand nombre de personnes touchées par cet incident qui assistaient la cérémonie commémorative annuelle. Parmi les 74 personnes interrogées, 47 étaient présentes dans la salle où l’explosion a eu lieu et 11 étaient en service à Valcartier cet été-là et ont participé à l’intervention qui a suivi l’incident.
 

Le Bureau a aussi mené des entrevues avec des intervenants actuels des Forces armées canadiennes, de la Ligue des cadets de l’Armée d’agences externes :
 

  • Le Directeur – cadets et rangers juniors canadiens et le personnel chargé par le ministre de la Défense nationale d’administrer les organisations de cadets;
     
  • La Ligue des cadets de l’Armée du Canada, dont le rôle est d’appuyer le Directeur – cadets et rangers juniors canadiens;
     
  • Un officier supérieur chargé d’appuyer la commission d’enquête sur l’incident;
     
  • Un aumônier qui a offert du soutien aux victimes, au personnel et aux familles au moment de l’incident;
     
  • Le commandant du camp des cadets à Valcartier;
     
  • Un militaire du rang supérieur de la Force régulière à la retraite, du 12e Régiment Blindé du Canada;
     
  • Les auteurs des livres publiés sur l’incident;
     
  • Un officier supérieur d’état-major des Services de santé des Forces canadiennes;
     
  • Des employés d’Anciens Combattants Canada;
     
  • Des membres du personnel du Programme d’aide aux employés/ Programme d’aide aux membres des Forces canadiennes;
     
  • Les autorités provinciales chargées d’administrer la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels;
     
  • Des membres du personnel de la Légion Royale Canadienne

 

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[1] Selon le rapport des Forces canadiennes Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier (pp. 010-014), 62 cadets, deux membres de la Force régulière et un réserviste ont subi des blessures physiques. Ces 65 victimes étaient toutes présentes dans la salle.  
 

[2] Bon nombre des renseignements obtenus par le groupe ont été obtenus par le biais de demandes d’accès à l’information.
  

[3] Fontaine, Hugo. La grenade verte : Valcartier 1974 : Les Oubliés de la compagnie D. Montréal: Éditions La Presse, 2011.
 

[4] Fostaty, Gerry. As You Were: The Tragedy at Valcartier. Fredericton, N.B.: Goose Lane Editions, 2011.
 

[5] En 1974, les organisations de cadets sont seulement composées de garçons.
  

[6] Ernhofer, Ken, and Patrick Doyle. "Mixup Caused Blast, Says Cadet Survivor." The Gazette [Montreal] 1 Aug. 1974: 1, 3. Google News. Web. 31 Oct. 2013.
 

[7]  Le Sous-ministre adjoint (Services d’examen) décrit les commissions d’enquête comme suit :« Le ministre de la Défense Nationale, le Chef d’état-major de la défense, un officier commandant un commandement ou une formation, ou encore, un commandant peuvent demander qu’une Commission d’Enquête (CE) se penche sur toute question relative à la direction, la discipline, l’administration ou aux fonctions des FAC ou concernant tout officier ou militaire du rang. Une CE convient particulièrement aux investigations concernant des incidents d’une complexité inhabituelle nécessitant du personnel, des ressources et des pouvoirs d’enquête accrus. Une CE convient particulièrement aux incidents d’une complexité inhabituelle nécessitant un personnel, des ressources et des pouvoirs d’enquête accrus. » Commissions d’enquête, Défense nationale et Forces armées canadiennes, 3 fév. 2012. En ligne, mai 2015.
   

[8] Forces canadiennes. Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier, p. 000212. 
 

[9] Selon le rapport des Forces canadiennes Board of Inquiry – Grenade Incident – BFC Valcartier 30 Jul 74 (p. 000185), cela comprend 92 cadets et 27 rappels.
  

[10] BFC Valcartier. SITREP sur le rapport d’incident daté du 1er août 1974.
  

[11] Forces canadiennes. Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier, p. 000188.
 

[12] Conformément aux articles 30-31 de la Loi sur les Coroners de 1966, le coroner peut conclure en un acte de négligence criminelle et déposer des accusations en vertu de l’article 462 du Code Criminel du Québec. Dans les conclusions de son enquête sur cet incident, le coroner a écrit « Le capt… est tenu criminellement responsable de la mort [des six cadets]… », le 11 juillet 1975.
  

[13] Godbout, Jacques N. “Morts des cadets de Valcartier en 1974: l’ombudsman enquêtera…40 ans plus tard.” Journal 45e Nord. 16 May 2014. Web. 11 June 2014.
 

[14] Extrait d’un échange de courriels entre un de nos enquêteurs et un ancien cadet.
 

[15] Bureau du Juge-avocat général. « Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier », le 18 novembre 1974, p. 000092.
  

[16] Le directeur général actuel de la Ligue des cadets de l’Armée a confirmé que la police d’assurance de la Ligue a toujours été désignée comme une protection complémentaire pour l’assurance responsabilité des cadets et bénévoles. Le représentant de la Ligue a ajouté que la police n’avait jamais été conçue pour assurer les cadets qui prennent part à des activités sur une base militaire, puisque ces installations sont considérées comme des propriétés de l’État qui relèvent du gouvernement. Actuellement, la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif (L.R., 1985, ch.C-50, s.3 stipule qu’en matière de responsabilité, « l’État est assimilé à une personne pour [...] le dommage causé par la faute de ses préposés ».
 

[17] Forces canadiennes. Commission d’enquête – Explosion d’une grenade – BFC Valcartier, pp. 5-8..
 

[18]En 2006, la gamme d’avantages offerts aux anciens combattants a subi des changements considérables en vertu de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (connue sous le nom de Nouvelle Charte des anciens combattants). La Loi sur les pensions demeure en vigueur en tant que principale source d’avantages des anciens combattants pour des affections ouvrant droit à pension pour lesquelles une demande a été déposée avant le 1er avril 2006.
 

[19] Sénécal c. Canada (1977), Montréal T-2546-75 (Cour fédérale).
  

[20] « Feuille de calcul de l’inflation », Banque du Canada, en ligne, le 20 mai 2015.
 
[21] Friedman, Matthew J., MD, PhD. “PTSD History and Overview.” PTSD: National Center for PTSD. U.S. Department of Veterans Affairs, le 25 mars 2014, en ligne, 2014
  

[22] La Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, mieux connue sous le nom de « Nouvelle Charte des anciens combattants », a reçu la sanction royale le 13 mai 2005, et la loi est entrée en vigueur le 1er avril 2006. La Charte met en place un nouveau régime d’avantages pour les anciens combattants blessés, invalides et décédés et offre des mesures de réadaptation professionnelle et physique pour les anciens combattants et leurs familles. Elle a préséance sur le régime précédent, qui était régi par la Loi sur les pensions, dont la première version est entrée en vigueur en 1919. 
  

[23] “General History of Royal Canadian Army Cadets.” Army Cadet History.  en ligne, le 8 janvier 2015.
 

[24] « Information concernant les sociétés de régime fédéral – 308919 », Corporations Canada, Industry Canada, en ligne, le 8 janvier 2015 .
 

[25] « The Army Cadet League of Canada », Army Cadet History, en ligne, le 30 janvier 2015.
  

[26] c. N-4 RSC 1970

 

 

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