La bataille d’un tireur d’élite : l’inquiétude d’un père

 

Avril 2007
 

Résumé

Contexte

La présente enquête spéciale a été menée à la suite du dépôt d'une plainte formulée par M. Patrick Ragsdale concernant le traitement réservé à son fils, le Caporal-chef Graham Ragsdale, tireur d’élite ayant servi au sein du 3e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (3 PPCLI), déployé en Afghanistan de février à juillet 2002, dans le cadre de la Rotation 1 de l’opération Apollo (Op Apollo).
 

L’Op Apollo était la contribution militaire du Canada dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre le terrorisme, laquelle a eu lieu d’octobre 2001 à octobre 2003. Durant cette période, plus précisément en mars 2002, les tireurs d’élite des Forces canadiennes (FC) attachés au groupement tactique du 3 PPCLI ont pris part aux deux opérations suivantes : l’opération Anaconda (Op Anaconda), une coalition menée par les États Unis pour la recherche de membres d’Al Quaïda et de combattants talibans qui s’étaient réfugiés dans les montagnes en Afghanistan; et l’opération Harpoon (Op Harpoon), une opération de ratissage dirigée par le Canada dans la vallée de Shah i Kot pour y évincer les talibans et les membres d’Al Quaïda.
 

Table des matières
 

La plainte

Traitement réservé aux tireurs d’élite

Dans sa plainte, M. Ragsdale prétend que son fils et les autres tireurs d’élite de son équipe ont été ostracisés par leur unité et traités de façon injuste par leur chaîne de commandement sur un certain nombre d’aspects. On leur a entre autres refusé le droit aux séances de verbalisation; on les a ignorés; on ne les a pas pris au sérieux; leur chaîne de commandement ne leur a témoigné aucune reconnaissance; et on les a soumis, sans justification, à des enquêtes criminelles et à d’autres types d’enquêtes. Il estime que c’est en raison de ce traitement que son fils et les autres tireurs d’élite de l’équipe souffrent du syndrome de stress post traumatique (SSPT).
 

Traitement réservé à M. Ragsdale

M. Ragsdale a ensuite prétendu que le ministère de la Défense nationale (MDN) et les Forces canadiennes ne lui ont pas fourni d’information opportune et adéquate afin de répondre à ses demandes de renseignements. M. Ragsdale a formulé ses plaintes dans l’abondante correspondance qu’il a adressée aux fonctionnaires gouvernementaux et aux officiers de grade supérieur des FC.
 

Le 20 septembre 2004, le Chef d’état major de la Défense a décidé de transférer la plainte au Bureau de l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
 

Table des matières
 

Portée

L’enquête a examiné les deux aspects des allégations de M. Ragsdale, notamment la façon dont les tireurs d’élite ont été traités avant, pendant, et après le déploiement en Afghanistan, et la façon dont le Ministère et les FC ont réagi aux préoccupations de M. Ragsdale.
 

Dans le cadre de leur enquête, les enquêteurs de l’Ombudsman ont examiné toutes les directives et publications pertinentes au déploiement des troupes. Ils ont également obtenu et examiné les rapports de missions opérationnelles des tireurs d’élite et ont procédé à l’analyse de la correspondance et des relations entre M. Ragsdale et le Ministère et les FC.
 

En tout, 147 entrevues ont été réalisées par les enquêteurs de l’Ombudsman. La liste des personnes interrogées comprend M. Patrick Ragsdale, les membres de l’équipe de tireurs d’élite et un certain nombre d’autres militaires déployés durant la Rotation 1 de l’Op Apollo. Nous avons également tenu compte des points de vue et des préoccupations soulevés par le personnel soignant et les membres de la famille des tireurs d’élite au moment de formuler nos recommandations.
 

Au cours de l’enquête faisant l’objet du présent rapport, l’équipe d’enquêteurs s’est heurtée à une résistance considérable en tentant d’obtenir, en temps opportun, des documents complets de la part du Ministère et des FC, problème auquel le Bureau de l’Ombudsman n’avait jamais fait face dans le cadre d’une enquête. Même si, finalement, les enquêteurs ont été en mesure d’obtenir et d’examiner toute la documentation pertinente, cette résistance a nui à la capacité du Bureau à traiter cette plainte de façon rapide et efficace.
 

Il ne fait aucun doute que la seule solution appropriée et acceptable à prendre pour empêcher ce genre de situation de se reproduire à l’avenir est d’investir le Bureau de l’Ombudsman des mêmes pouvoirs que les autres ombudsmans fédéraux et provinciaux. Par conséquent, dans notre rapport, nous formulons la recommandation suivante :


Que le Bureau de l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes soit investi de pouvoirs d’enquête législatifs complets.
 

Table des matières
 

Résumé des conclusions

Traitement des tireurs d’élite avant le déploiement

Après l’annonce de la décision de déployer le 3 PPCLI en Afghanistan, des mesures ont été prises pour intégrer un détachement de tireurs d’élite au groupement tactique.
 

Étant donné la volonté de bâtir une équipe de tireurs d’élite efficace, et malgré les contraintes financières, environ 10 p. 100 du budget d’entraînement préalable au déploiement de l’unité a été consacré à de la formation spéciale pour les tireurs d’élite, y compris de la formation visant à perfectionner leurs compétences particulières. Après avoir administré une batterie d’évaluations physiques, mentales et sociales à tous les tireurs d’élite, le groupe d’aide au départ a confirmé qu’ils étaient prêts au déploiement.
 

À la suite de notre enquête, nous avons constaté que les tireurs d’élite disposaient des ressources appropriées et qu’ils ont reçu la formation nécessaire. En ce qui concerne la phase préalable au déploiement, aucune preuve ne vient appuyer les allégations d’un traitement injuste envers les tireurs d’élite.
 

Traitement des tireurs d’élite durant le déploiement

Demande d’une séance de verbalisation après un incident critique

À leur arrivée en Afghanistan, les tireurs d’élite ont d’abord aidé les autres membres du groupement tactique du 3 PPCLI à assurer la protection de l’aérodrome de Kandahar. Par la suite, ils ont pris part à deux missions distinctes, soit Op Anaconda et Op Harpoon, lesquelles ont eu lieu à un intervalle d’environ 24 à 36 heures. Les tireurs d’élite du groupement tactique du 3 PPCLI ont participé à l’Op Anaconda du 2 au 11 mars. Peu de temps après leur retour de l’Op Anaconda, l’ensemble du groupement tactique, y compris les tireurs d’élite, a été déployé dans le cadre de l’Op Harpoon, qui a eu lieu du 13 au 19 mars 2002.
 

À leur retour de l’Op Anaconda les tireurs d’élite n’ont pas reçu de séance de verbalisation après un incident critique, intervention structurée visant à permettre aux personnes témoins d’un incident critique de discuter de leurs expériences dans le but d’en réduire les effets psychologiques néfastes. Une séance de verbalisation suivant un incident critique a normalement lieu dans les 24 à 72 heures qui suivent un incident critique, à moins que le contexte opérationnel ne le permette pas.
 

En tant que chef de l’équipe de tireurs d’élite, le Caporal-chef Ragsdale s’attendait à recevoir une séance de verbalisation après un incident critique et a indiqué aux enquêteurs de l’Ombudsman qu’il en avait fait la demande dans un rapport administratif après une opération (Op Anaconda). Malgré les efforts de l’équipe d’enquête, cette demande n’a pu être trouvée.
 

L’enquête a révélé que la séance de verbalisation n’a pas eu lieu entre l’Op Anaconda et l’Op Harpoon en raison du trop court délai entre les deux opérations, et parce que les tireurs d’élite n’affichaient aucun signe manifeste de stress négatif et qu’ils ont indiqué qu’ils étaient « prêts à partir ». Toutefois, la preuve indique que, après l’Op Harpoon, une personne qualifiée et choisie par le groupe de tireurs d’élite, en l’occurrence un aumônier américain, a animé une séance de verbalisation après un incident critique à l’intention des membres de l’équipe.

 

De façon générale, compte tenu des exigences opérationnelles qui prévalaient immédiatement après l’Op Anaconda, la preuve indique que l’on a répondu de façon convenable aux besoins des tireurs d’élite, que ce soit pour la tenue d’une séance de verbalisation suivant un incident critique ou pour l’apport de soutien psychologique.
 

La preuve recueillie au cours de l’enquête révèle que l’opinion du domaine médical évolue quant à la valeur d’une séance de verbalisation après un incident critique. Certaines recherches prouvent que les séances de verbalisation suivant un seul incident critique ne permettent pas de prévenir le SSPT, et peuvent même avoir des effets néfastes. Par conséquent, dans notre rapport, nous formulons la recommandation suivante :

 
Que la politique actuelle relative à la question du stress provoqué par un incident critique, l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes 34 55, soit examinée de manière à l’harmoniser avec l’approche plus complète, actuellement préconisée à l’égard de cette question.
 

La preuve indique également que, de plus en plus, le personnel médical principal des FC préfère adopter une approche complète qui englobe les responsabilités partagées des chefs, des professionnels de la santé et des membres des FC. La formation des militaires afin qu’ils soient en mesure de fournir des séances de counselling concernant le stress à d’autres militaires est l’un des éléments d’une telle approche complète.
 

En ce qui a trait aux séances de counselling concernant le stress, offertes entre pairs, les membres du 3 PPCLI ont parrainé le concept et ont pris les mesures pour s’assurer qu’une proportion importante des membres de l’unité recevait une formation appropriée. Au dire de tous, ces séances étaient perçues comme une initiative réussie. Néanmoins, en raison de la taille restreinte de l’équipe de tireurs d’élite, aucun membre n’a reçu la formation. Par conséquent, dans notre rapport, nous formulons les recommandations suivantes :

 
Que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes veillent à ce que chaque unité déployée dispense à ses membres une formation adéquate en matière de counselling par les pairs; Que le commandant de l’unité déployée s’assure que, dans la mesure du possible, chaque sous unité et chaque sous groupe opérationnel comptent au moins un membre ayant bénéficié d’une formation en counselling par les pairs.
 

Impact de l’enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes sur les tireurs d’élite

À la fin de l’Op Harpoon, un des tireurs d’élite a formulé une allégation formelle selon laquelle certains de ses collègues auraient profané le corps d’un ennemi. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a été informé de cette sérieuse accusation et a ouvert une enquête. Les tireurs d’élite ont indiqué avoir éprouvé de sérieux problèmes de moral à la suite de l’ouverture de cette enquête.
 

Étant donné que la profanation d’un cadavre constitue un acte criminel en vertu des lois canadiennes, on a, à juste titre, signalé l’incident au Service national des enquêtes, lequel est responsable d’enquêter sur des allégations sérieuses de cette nature.
 

Même si l’enquête subséquente a très bien pu avoir un effet négatif sur le moral de l’équipe, le fait d’avoir signalé les allégations au Service national des enquêtes ne peut être considéré comme un traitement injuste à l’endroit des tireurs d’élite.
 

Étant donné que certaines personnes interrogées ont soulevé des préoccupations particulières au sujet de l’enquête du Service national des enquêtes, elles ont été informées que ce genre de plainte relève de la compétence de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire – une organisation de surveillance indépendante – et ont été renseignées sur la façon d’avoir recours à ce mécanisme. Après avoir reçu des plaintes relatives à ce dossier, la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire a ouvert une enquête, laquelle était toujours en cours au moment de rédiger le présent rapport.
 

But de la période de repos et de récupération

À la suite des événements qui ont suivi l’Op Harpoon, lesquels ont nui au moral des membres de l’équipe de tireurs d’élite, ces derniers ont été envoyés à l’extérieur de l’Afghanistan pour une période de repos et de récupération, du 1er au 6 avril 2002. Selon les tireurs d’élite, le but de la période de repos et de récupération n’était pas de renforcer la cohésion et le moral du groupe. En fait, ils soupçonnaient avoir été envoyés à l’extérieur du théâtre des opérations pour trois raisons : les écarter pendant que l’on rapatriait le commandant adjoint de l’équipe de tireurs d’élite au Canada; pour les empêcher de recevoir la médaille de l’Étoile de bronze des mains de l’armée américaine; et pour les tenir à l’écart durant la visite du ministre de la Défense nationale en Afghanistan.
 

L’enquête n’a révélé aucune preuve venant confirmer le point de vue des tireurs d’élite sur cette question. La preuve montre que le commandant était véritablement et légitimement inquiet de la santé et du bien-être des tireurs d’élite. La preuve recueillie indique que le moral des tireurs d’élite s’est amélioré après la période de repos et de récupération. En somme, étant donné les circonstances, la décision d’envoyer les tireurs d’élite en période de repos et de récupération, à l’extérieur du théâtre des opérations, était juste et raisonnable.
 

Traitement après la période de repos et de récupération, jusqu’à la fin du déploiement

Plusieurs tireurs d’élite se sont dits sous-utilisés et ostracisés durant le reste du déploiement.
 

Après l’Op Harpoon, l’intensité et le rythme opérationnel en Afghanistan ont ralenti pour l’ensemble du groupement tactique du 3 PPCLI. Aucune des personnes interrogées durant l’enquête n’a indiqué avoir traité les tireurs d’élite différemment. En fait, nombre d’entre eux affirment les avoir tenus en haute estime. Nos enquêteurs n’ont trouvé aucune preuve qui montre que les membres du groupement tactique ont ostracisé les tireurs d’élite ou que la chaîne de commandement a encouragé ou causé une telle réaction.
 

Traitement des tireurs d’élite après le déploiement

À la fin de sa mission en juillet 2002, le groupement tactique s’est rendu pendant quelque temps sur une base militaire américaine, à Guam, pour y suivre une série de séances de décompression comprenant des rencontres obligatoires de sensibilisation, d’information et de counselling avec des professionnels. Les militaires sont ensuite retournés à Edmonton, où ils ont pu profiter d’un congé en bloc. Après cette période de congé, tout le personnel a répondu à un sondage post-déploiement et à des entrevues administrées par des professionnels de la santé. Des soins de suivi étaient offerts aux militaires qui en ressentaient le besoin, et on effectuait des interventions psychologiques plus poussées lorsque les résultats des questionnaires et des entrevues laissaient croire à un éventuel problème d’adaptation. Les professionnels de la santé s’intéressaient tout particulièrement à la prévention, au dépistage rapide et au traitement du SSPT. Étant donné qu’on a jugé que le Caporal-chef Ragsdale avait besoin de soutien psychologique après avoir suivi le processus de dépistage, on l’a dirigé vers la ressource appropriée afin de l’aider à traiter son SSPT.
 

Notre enquête a montré que, après la fin de la mission du groupement tactique en juillet 2002, les FC ont pris des mesures raisonnables et ont prodigué des soins adéquats aux tireurs d’élite, y compris le Caporal-chef Ragsdale. La preuve ne fait aucun lien entre les blessures psychologiques des tireurs d’élite et un traitement injuste et inéquitable de la part des FC.
 

Table des matières
 

Réponse du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes aux préoccupations de M. Ragsdale

M. Ragsdale s’est identifié comme étant le père d’un membre des FC qui souffrait du SSPT à la suite de ses expériences en Afghanistan. Comme bon nombre d’autres parents préoccupés par le bien-être de leurs enfants, il a écrit aux hauts gradés des FC et aux hauts fonctionnaires du MDN, y compris le Ministre. La correspondance de M. Ragsdale avec le Ministère et les FC reflète l’angoisse d’un parent faisant face à la maladie invalidante de son fils, contre laquelle il ne peut rien.
 

Bien que les préoccupations de M. Ragsdale aient exigé une réponse opportune et réfléchie, on s’est contenté d’accusé réception de ses lettres de façon polie. On peut faire valoir que, d’un point de vue technique, on a répondu avec exactitude aux lettres de M. Ragsdale. Toutefois, d’un point de vue humain, un membre de la famille proche qui traverse la même situation que M. Ragsdale mérite d'être beaucoup mieux traité. M. Ragsdale n'a pas été traité par le MDN et les FC de manière appropriée et de la façon dont tout membre d’une famille préoccupé par la situation d’un soldat blessé en théâtre d’opérations s'attendrait à être traité.
 

La lettre qu’a adressée M. Ragsdale au Ministre aurait dû mener à un appel téléphonique de la part du Ministère et des FC, au cours duquel une personne informée et compréhensive aurait pu écouter ses préoccupations pour ensuite lui fournir des renseignements contextuels qui auraient pu l'aider, de même que les autres membres de la famille, à faire face au manque d’information, à l'incertitude et au stress entourant leur situation. Par conséquent, dans notre rapport, nous formulons la recommandation suivante :

 
Que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes s’assurent que les membres de la famille qui soulèvent des préoccupations importantes au sujet de la santé ou du bien être d’un membre des Forces canadiennes ou d’un employé du ministère de la Défense nationale soient officiellement reconnus et dirigés vers une intervention de soutien immédiate, personnelle et opportune, au moyen d’un mécanisme établi et solide.
 

Les quatre préoccupations soulevées par M. Ragsdale

M. Ragsdale croyait savoir que tous les tireurs d’élite du 3 PPCLI qui ont participé à l’Op Anaconda avaient été retirés du service actif parce qu’ils souffraient du SSPT, et que ce dernier était attribuable à la façon dont on les avait traités. M. Ragsdale a également demandé si les FC avaient fait un effort sincère pour garder le Caporal-chef Ragsdale et les autres tireurs d’élite en service actif pour qu’ils puissent transmettre leur expérience de combat aux autres soldats.
 

Des six tireurs d’élite faisant partie de l’équipe, trois d’entre eux, y compris le Caporal-chef Ragsdale, ont obtenu un congé pour raisons médicales et ont été inscrits sur la Liste des effectifs du personnel non disponible pendant qu’ils étaient traités pour leur SSPT. Ils furent éventuellement libérés des FC pour raisons médicales.
 

Pendant qu’il se faisait traiter pour son SSPT, le Caporal-chef Ragsdale est demeuré au sein du peloton de reconnaissance du 3 PPCLI jusqu’en juillet 2003. Durant cette période, il a eu l’occasion de mettre à contribution son expérience et son expertise de tireur d’élite à l’École d’infanterie de Gagetown au Nouveau Brunswick, et lorsqu’il a exercé les fonctions d’instructeur dans le cadre d’un cours de reconnaissance, tenu à Edmonton. D’autres membres de l’équipe d’origine de tireurs d’élite ont également enseigné et donné des séances d’information dans le cadre de cours dispensés par les FC.
 

Le principe de l’universalité de service au sein des FC exige que tout militaire soit apte à être un « soldat d’abord ». En raison de leurs limitations médicales, le Caporal-chef Ragsdale et deux autres tireurs d’élite ne pouvaient plus effectuer l’ensemble des tâches normalement attribuées à un soldat. Par conséquent, ils ne pouvaient être maintenus en service et ont été libérés des FC pour des raisons médicales. La preuve indique que des efforts raisonnables ont été faits pour garder le Caporal-chef Ragsdale en service actif, tout en respectant le principe de l’universalité de service. La preuve révèle également que le Caporal-chef Ragsdale et ses collègues tireurs d’élite ont été traités de façon équitable par les FC.
 

M. Ragsdale croyait savoir que son fils a fait l’objet d’accusations au criminel et d’enquêtes non fondées au lieu de recevoir le traitement et la reconnaissance qu’il méritait.
 

Le Caporal-chef Ragsdale et le commandant adjoint de l’équipe de tireurs d’élite ont été relevés de leur fonction durant l’enquête relative à la profanation d’un cadavre ennemi. En fin de compte, l’enquête a été fermée et le Caporal-chef Ragsdale n’a pas été accusé d’actes criminels liés aux allégations formulées à son endroit. Tel qu’il a été indiqué précédemment, le fait d’avoir transféré le dossier au Service national des enquêtes était tout à fait approprié.
 

Le Caporal-chef Ragsdale a été interrogé relativement à d’autres enquêtes qui ont eu lieu pendant et après le déploiement. Le Caporal-chef Ragsdale n’était pas considéré comme suspect. Nous n’avons trouvé aucune preuve que les enquêtes auraient nui à sa carrière.
 

M. Ragsdale demande comment les FC et le gouvernement fédéral vont réparer les torts causés aux tireurs d’élite.
 

Notre enquête a révélé que les tireurs d’élite ont été reconnus pour leur rendement exceptionnel; plus particulièrement, ils ont reçu deux distinctions honorifiques qui n’ont pas été décernées à la plupart des autres membres du groupement tactique : la citation à l’ordre du jour et la médaille de l’Étoile de bronze des États Unis.
 

Toutefois, il y a eu d'importants retards dans la remise de la Mention élogieuse du commandant en chef à l’intention des unités, de la citation à l'ordre du jour et de la médaille de l’Étoile de bronze. Il s’est écoulé 21 mois entre le moment où les actes pour lesquels ils ont été reconnus ont été posés et la présentation de ces décorations. Un tel délai est trop long.
 

Une reconnaissance appropriée ne se limite pas à l’octroi de médailles et de décorations. Elle comprend également une reconnaissance appropriée et opportune des réalisations ou des services rendus, particulièrement ceux comprenant des actes de bravoure. La reconnaissance comprend également des éloges appropriés et opportuns, publics et privés, adressés entre autres par la chaîne de commandement. Le processus militaire actuel pour recommander, approuver et décerner des récompenses n’est ni opportun, ni adapté. Par conséquent, dans notre rapport, nous formulons la recommandation suivante :

 
Que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes examinent leurs politiques et leurs pratiques relatives aux médailles et honneurs, et qu’ils s’assurent que les demandes de reconnaissance et de décorations du Canada sont présentées avec diligence à la chaîne de commandement par les commandants, de façon à ce que, une fois l’approbation obtenue, on les décerne dans les six mois qui suivent la formulation de la recommandation.
 

Table des matières
 

Couverture médiatique

La protection de l’identité était une question importante pour les tireurs d’élite. Ils avaient l'impression que les membres de leur famille ainsi qu’eux-mêmes pouvaient être à risque si leur nom et leur visage étaient révélés. Même s’ils étaient préoccupés par la protection de leur identité, plusieurs tireurs d’élite ont participé à des entrevues avec les médias et ont permis qu’on prenne leur photographie. Ils ont accepté de participer à de telles entrevues en vertu d’une entente verbale avec les journalistes selon laquelle leur identité serait protégée, et parce que la chaîne de commandement croyait que les journalistes étaient fiables. Toutefois, lorsque le visage, le nom et le grade de certains tireurs d’élite ont été divulgués publiquement, la situation a soulevé des préoccupations au sein du groupe. Les journalistes participants ont refusé d'être interrogés; nous n’avons donc pas été en mesure d’évaluer leur propre interprétation de l’entente prise avec les tireurs d’élite.
 

Les médias se sont considérablement intéressés au déploiement en Afghanistan, et les journalistes ont été intégrés à la mission. L’Op Apollo était une nouvelle expérience pour les FC, et l’intégration des journalistes constituait un nouveau concept. Les journalistes intégrés aux FC étaient tenus de suivre les règles des FC établies en fonction de l’entente sur les règles de base utilisées par l’armée américaine. Même si les règles de base des médias intégrés fournissent un cadre général en ce qui a trait aux journalistes intégrés à la mission, les FC ont peu de pouvoir sur eux.
 

Sans formation formelle concernant les risques associés au fait d’accorder une entrevue à un journaliste, que ce soit de façon formelle ou non, les militaires sont exposés à d’éventuels malentendus. Il s’agit d’un domaine où le Ministère et les FC peuvent apporter des améliorations. Par conséquent, dans notre rapport, nous formulons la recommandation suivante :

 
Que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes s’assurent que chaque personne qui se prépare à être déployée bénéficie, à tout le moins, dans le cadre de sa formation préalable au déploiement, d’une séance d’information sur les droits, les responsabilités et les limites à la protection que procurent les règles de base actuelles relatives aux médias intégrés, et sur les risques liés au fait de consentir une entrevue aux médias.
 

Mesures de suivi

Comme toujours, c’est avec grand intérêt que j’attends la réponse du ministre de la Défense nationale et du Chef d’état-major de la Défense relativement aux recommandations formulées dans notre rapport.
 

Environ six mois après la diffusion publique du présent rapport, nous effectuerons un examen de suivi afin de vérifier les progrès réalisés par le Ministère et les FC relativement à la mise en œuvre de nos recommandations.
 

Table des matières
 

Introduction

Contexte

La présente enquête spéciale a été menée à la suite du dépôt d'une plainte formulée par M. Patrick Ragsdale concernant le traitement réservé à son fils, le Caporal-chef Graham Ragsdale, tireur d’élite ayant servi au sein du 3 PPCLI, déployé en Afghanistan de février à juillet 2002.
 

Ce déploiement était connu sous le nom d’Op Apollo. Il s’agit de la contribution militaire du Canada dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre le terrorisme, laquelle a eu lieu d’octobre 2001 à octobre 2003. Durant cette période, plus précisément en mars 2002, les tireurs d’élite des FC attachés au groupement tactique du 3 PPCLI ont pris part à deux opérations : l’Op Anaconda, une coalition menée par les États Unis pour la recherche de membres d’Al Quaïda et de combattants talibans qui s’étaient réfugiés dans les montagnes en Afghanistan; et l’Op Harpoon, une opération de ratissage dirigée par le Canada dans la vallée de Shah i Kot pour s’assurer de l'absence de talibans et de membres d’Al Quaïda. Selon tous les intervenants, les équipes canadiennes de tireurs d’élite se sont fait remarquer pour leur extrême compétence à travailler sous des conditions incroyablement stressantes, et on leur a attribué le mérite d’avoir prévenu ou empêché des attaques qui auraient pu coûter la vie à un grand nombre de soldats de la coalition. Les dates clés des missions et des autres événements vécus par les tireurs d’élite figurent à l’Annexe A du présent rapport.
 

Table des matières
 

La plainte

M. Ragsdale prétend qu’à leur retour de cette mission, son fils et les autres tireurs d’élite de son équipe ont été ostracisés par leur unité et traités de façon injuste par la chaîne de commandement sur un certain nombre d’aspects. On leur avait entre autres refusé le droit aux séances de verbalisation; on les avait ignorés; on ne les avait pas pris au sérieux; la chaîne de commandement ne leur avait témoigné aucune reconnaissance; et on les avait soumis, sans justification, à des enquêtes criminelles et à d’autres types d’enquêtes. Il estime que c’est en raison de ce traitement que son fils et les autres tireurs d’élite de l’équipe souffrent du SSPT. Il a également fait valoir que lorsque les tireurs d’élite sont devenus malades, ils n’ont reçu ni l'attention ni le traitement qu’ils méritaient, et qu’on les a, de fait, évincés des FC. En outre, il reproche au MDN et aux FC de ne pas lui avoir fourni, en temps opportun, des réponses adéquates à ses demandes de renseignements. M. Ragsdale formule ses plaintes dans l’abondante correspondance qu’il a adressée aux fonctionnaires gouvernementaux et aux officiers de grade supérieur des FC. Les faits saillants de certaines lettres sont présentés dans le présent rapport. Un résumé plus détaillé de l’abondante correspondance de M. Ragsdale avec les fonctionnaires du gouvernement figure à l'Annexe B.
 

M. Ragsdale a d’abord soumis ses plaintes au ministre de la Défense nationale le 25 avril 2002. N’ayant reçu aucune réponse, il a écrit de nouveau au ministre, 11 mois plus tard, soit le 19 mars 2003. Il y a eu quelques échanges, par courriel, entre le MDN et M. Ragsdale. Toutefois, ce dernier n’était pas satisfait des réponses qu’on lui a fournies. Il a écrit directement au Chef d’état major de la Défense le 4 décembre 2003. Dans une lettre datée du 21 avril 2004, il demande expressément au Sous ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires) d’ouvrir une enquête pour répondre aux questions suivantes [Traduction] :

  • Pourquoi a-t-on laissé mon fils et les autres tireurs d’élite du 3 PPCLI se faire traiter si mal qu’on a dû les retirer du service actif en raison de problèmes liés au SSPT?
     
  • Pourquoi mon fils a fait l’objet d’accusations au criminel et d’enquêtes non fondées au lieu de recevoir le traitement et la reconnaissance qu’il méritait de la part de l’armée au sein de laquelle il a servi?
     
  • Pourquoi les FC n’ont pas fait un effort sincère pour garder mon fils et les autres tireurs d'élite en service actif afin qu’ils fassent bénéficier d’autres soldats de leur expérience du combat?
     
  • Comment les FC et le gouvernement fédéral vont-ils réparer les torts causés à ces cinq héros canadiens dont on a détruit la vie et la carrière parce qu’ils ont servi leur pays avec honneur?

 
En mai 2004, le Major-général Caron, Chef d'état-major de l'Armée de terre, a répondu aux préoccupations de M. Ragsdale. Le Chef du personnel militaire (anciennement Sous-ministre adjoint (Ressources humaines - Militaires), le Vice-amiral Jarvis, lui a ensuite adressée une lettre, en juin 2004. En août, M. Ragsdale exprimait de nouveau son insatisfaction à l’égard des réponses qu’il avait reçues. Dans le but de fournir au plaignant des réponses qu’il jugera satisfaisantes, le Chef d’état major de la Défense a décidé de transférer les plaintes de M. Ragsdale à mon Bureau afin de fournir un examen indépendant du dossier. Une telle demande a été formulée par écrit à mon prédécesseur, le 20 septembre 2004, par le Chef d’état-major de la Défense. Dans sa lettre, il précisait sa demande de la façon suivante :

Les FC ont abondamment communiqué avec le père du Cplc Ragsdale, mais n’ont pas réussi à régler ses plaintes de façon satisfaisante. […]
 

Par conséquent, je vous demande d’examiner les documents existants et d’y apporter un regard nouveau afin de déterminer si d’autres mesures pourraient être prises dans ce dossier.

 

Une copie de cette lettre est jointe à l’Annexe C du présent rapport. Le 1er octobre 2004, mon prédécesseur a accepté de mener une enquête spéciale dans ce dossier.
 

Table des matières

 

Méthode

Portée

On a demandé à nos enquêteurs de faire deux choses bien précises dans le cadre de cette enquête. Premièrement, ils devaient effectuer un examen et mener une enquête sur la façon dont l’équipe de tireurs d’élite du 3 PPCLI a été traitée par le MDN et les FC avant, pendant, et après son déploiement en Afghanistan. Deuxièmement, on les a chargés d’effectuer un examen et de mener une enquête sur la façon dont le MDN et les FC ont réagi aux préoccupations de M. Ragsdale, énoncées plus haut. Finalement, ils ont examiné tous les faits et renseignements recueillis au cours de l’enquête afin de déterminer si les tireurs d’élite avaient été traités de façon équitable par le MDN et les FC.
 

Méthode

Au cours de cette enquête, nos enquêteurs ont interrogé les six membres de l’équipe de tireurs d’élite du 3 PPCLI, y compris le Caporal-chef Ragsdale. Ces six tireurs d’élite ont été déployés dans le cadre de l’Op Anaconda en mars 2002. Les enquêteurs se sont également entretenus avec les quatre autres tireurs d’élite qui se sont plus tard joints à l’équipe pendant le déploiement. Ils ont aussi interrogé d’autres membres du 3 PPCLI, du personnel soignant, des membres des familles et des professionnels des FC qui ont eu à intervenir durant certains événements concernant les tireurs d’élite, ou qui ont agi à titre d’expert en la matière pour répondre à diverses questions de façon ponctuelle. En tout, 147 entrevues ont été réalisées durant l’enquête, et la documentation pertinente a été recueillie et examinée.
 

Table des matières

 
Preuves recueillies

Dans la présente section, je résume l'information recueillie au cours de l’enquête, et je la regroupe sous les trois périodes distinctes suivantes :
 

  • La préparation des tireurs d’élite pour l’Op Apollo (de septembre 2001 à mars 2002);
     
  • Le traitement des tireurs d’élite en théâtre d’opérations (de mars à juillet 2002); 
     
  • Le traitement des tireurs d’élite après le déploiement (à partir de juillet 2002).
     

Préparation des tireurs d’élite pour l’opération Apollo

De façon historique, l’efficacité et le caractère économique des tireurs d’élite à titre de multiplicateur de force ne font aucun doute. En effet, pendant les deux guerres mondiales, l’effectif de tout bataillon d’infanterie comptait des tireurs d’élite. Pendant la guerre de Corée, l'armée canadienne a intégré les spécialités de tireur d’élite à celles de patrouilleur de reconnaissance. Bien que très efficace pour exercer des fonctions d’éclaireur et d'observateur de champ de bataille, la section de tireurs d’élite a graduellement commencé à perdre une partie des compétences et des aptitudes qui lui étaient propres. Cette détérioration a mené à la réduction naturelle des effectifs de tireurs d’élite qualifiés et activement employés. Il semble qu’on ait laissé l’effectif de tireurs d’élite s’effriter pendant une longue période, et que la doctrine actuelle relative à leur emploi n’ait pas été disponible avant l’Op Apollo.
 

Après l’annonce de la décision de déployer le 3 PPCLI en Afghanistan, le commandant a pris des mesures pour intégrer un détachement de tireurs d’élite à son unité en réactivant ce groupe de tireurs de précision exceptionnels au sein du groupement tactique.
 

Cinq tireurs d’élite du 3 PPCLI, dont le Caporal-chef Ragsdale, ont effectué tous les préparatifs de déploiement et participé à la présélection du groupement tactique, en plus de suivre une formation spécialisée de tir de précision. Un tireur d’élite du 2e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (2 PPCLI) s'est joint à l’équipe pendant la période préalable au déploiement.
 

En général, les tireurs d’élite sont d’excellents soldats qui se distinguent au tir de précision. Ils sont habituellement dirigés par un maître tireur d’élite. Les tireurs d’élite des FC sont soumis à un entraînement rigoureux. Les militaires doivent réussir cette formation pour obtenir leur qualification de tireur d’élite. La plupart des candidats échouent. Les six tireurs d’élite initialement déployés dans le cadre de l’Op Apollo avaient réussi le cours de tireur d’élite des FC ou celui de l’armée britannique.
 

Le tireur d’élite du 2 PPCLI recruté à titre de renfort pour accompagner les cinq tireurs d’élite du 3 PPCLI était un maître tireur d’élite compétent qui possédait une expérience considérable. Avant le déploiement, il a laissé entendre à l’adjudant de peloton qu’on devrait lui confier le commandement de l’équipe de tireurs d’élite. Après avoir envisagé les diverses possibilités, le comandant a décidé de laisser la responsabilité de commander le groupe au Caporal-chef Ragsdale, qui avait déjà été désigné chef de l’équipe de tireurs d’élite. Même s’il ne possédait pas la qualification de maître tireur d’élite, le Caporal-chef Ragsdale dirigeait l’équipe depuis plus d’un an.
 

En raison du caractère particulier de leur travail et de l’intérêt que leur portait le commandant, la chaîne de commandement de l’équipe de tireurs d’élite était quelque peu différente de celle des autres sections. Sur le plan administratif, les tireurs d’élite appartenaient au peloton de reconnaissance, qui faisait partie de la compagnie de soutien au combat du 3 PPCLI. Toutefois, en ce qui concerne les opérations, l’équipe des tireurs d’élite recevait ses ordres directement du commandant ou de l’officier des opérations, sans intermédiaire.
 

Le commandant a déclaré à mes enquêteurs qu’étant donné son désir de bâtir une équipe de tireurs d’élite efficace, et malgré les contraintes financières, il a consacré environ 10 p. 100 de son budget d’entraînement préalable au déploiement à de la formation spéciale pour l’équipe.
 

Table des matières
 

Traitement des tireurs d’élite pendant l’opération Apollo

À leur arrivée en Afghanistan, les tireurs d’élite ont d’abord aidé les autres membres du groupement tactique à assurer la protection de l’aérodrome de Kandahar. Par la suite, comme nous l’avons déjà indiqué, ils ont pris part à deux missions distinctes, à un intervalle d’environ 24 à 36 heures.
 

Seuls les tireurs d’élite du groupement tactique du 3 PPCLI ont participé à l’Op Anaconda menée par les États-Unis, du 2 au 11 mars 2002. Ils étaient détachés auprès d’un régiment américain ayant pour mission de mettre un terme à la présence de combattants ennemis dans la vallée de Shah i Kot. Les tireurs d’élite ont été d’une efficacité exceptionnelle durant l’Op Anaconda, et leurs exploits durant la bataille ont été largement reconnus par les soldats américains; de fait, l'armée américaine leur attribue le mérite d’avoir sauvé de nombreux Américains. L’un des membres de l’équipe a réussi le tir mortel confirmé le plus long jamais réalisé. À leur retour au camp, les Américains les ont accueillis en héros (« comme des vedettes du rock », selon un témoin).
 

Lorsque les tireurs d’élite sont retournés à la base aérienne de Bagram, zone d’étape pour la prochaine opération, peu de Canadiens de leur groupement tactique étaient sur place pour les accueillir et les féliciter de leurs exploits.
 

Le Caporal-chef Ragsdale a déclaré à mes enquêteurs qu’il s’attendait à présenter un compte rendu officiel de la mission au commandant et à l’officier du renseignement, aux fins du renseignement, lorsque les tireurs d’élite sont revenus de l’Op Anaconda. Il s’est dit déçu du fait que cela n’ait pas eu lieu. Mes enquêteurs ont appris que, même s’il n’y a eu aucun compte rendu officiel des tireurs d’élite entre l’Op Anaconda et la mission suivante, Op Harpoon, ils ont effectivement rencontré les membres compétents de la chaîne de commandement, et le Caporal-chef Ragsdale, en sa qualité de chef d’équipe, a effectivement soumis un compte rendu de patrouille écrit. Le Caporal-chef Ragsdale a révélé aux enquêteurs qu’il avait rencontré séparément le commandant, l’officier des opérations, un officier du renseignement et le sergent major régimentaire après l’Op Anaconda. Il a laissé savoir à mes enquêteurs qu’après ces rencontres, il avait la nette impression que ses supérieurs ne s’intéressaient pas aux renseignements fournis par les tireurs d’élite :  « Ils ont dit des choses comme “J’ai entendu dire que vous avez fait du bon travail” […] ils ne voulaient pas d’un compte rendu ou d’autre chose du genre. Ils voulaient seulement savoir s’il faisait froid là bas, et c’est à peu près tout. » 
 

Au cours d’un entretien, l’officier des opérations a confirmé qu’il avait rencontré les tireurs d’élite. Il a également confirmé que le commandant et lui même étaient parmi les premiers Canadiens à les accueillir. Il a déclaré qu’il s’était informé d’aspects techniques liés à l’Op Anaconda, comme la quantité de munitions utilisées et autres. Le commandant a également déclaré qu’il les avait rencontrés pour les féliciter pour leur travail exceptionnel et pour entendre sur place un compte rendu de leur expérience. Un document interne de l'armée prouve que la rencontre entre le commandant, le sergent major régimentaire et les tireurs d’élite a eu lieu le 11 mars 2002. Il importe de souligner que le commandant a déclaré à mes enquêteurs qu’il avait procédé lui même à une évaluation non officielle de l’état d’esprit des tireurs d’élite et déterminé qu’ils étaient en mesure de participer à la mission suivante. De plus, le commandant a ajouté qu’au cours de cette rencontre, le commandant adjoint de l’équipe de tireurs d’élite lui avait confirmé qu’ils étaient  « prêts à partir, monsieur  ».
 

Les tireurs d’élite du 3 PPCLI se sont également plaints du fait qu’il n’y a eu à leur intention aucune séance de verbalisation suivant un incident critique. Il s’agit d’une intervention structurée visant à permettre aux personnes témoins d’un incident critique de discuter de leurs expériences dans le but d’en réduire les effets psychologiques néfastes. Tous les entretiens que nous avons tenus confirment qu’il n’y a eu aucune séance de verbalisation suivant un incident critique entre l’Op Anaconda et l’Op Harpoon. La responsabilité d’organiser une telle intervention incombe au commandant du groupe qui a vécu une expérience traumatisante.
 

Le Caporal-chef Ragsdale a déclaré à mes enquêteurs qu’en sa qualité de chef d’équipe, il s’attendait à ce qu’on tienne une séance de verbalisation suivant un incident critique, et qu’il avait demandé expressément qu’on tienne une telle séance dans un rapport administratif rédigé après l’opération. Cependant, nous n’avons pas réussi à trouver ce rapport.
 

En outre, au cours de leur enquête, mes enquêteurs n’ont trouvé aucune preuve selon laquelle les tireurs d'élite auraient, à ce moment là, qualifié de traumatisantes les expériences qu’ils ont vécues durant l’Op Anaconda.
 

Dans les 24 à 36 heures qui ont suivi leur retour au camp de Bagram, l’ensemble du groupement tactique était déployé dans le cadre de l’Op Harpoon, du 13 au 19 mars 2002. L’un des membres de l’équipe de six tireurs d'élite a été remplacé avant le départ pour l’Op Harpoon, pour des raisons opérationnelles sans lien avec la présente enquête. C’est donc cinq membres de l’équipe d’origine, à laquelle s’est joint un nouveau tireur d’élite, qui sont retournés dans la vallée de Shah i Kot pour participer à l’Op Harpoon.
 

L'Op Harpoon avait pour but de veiller à ce que tous les combattants ennemis aient quitté la zone; à cette fin, il fallait ratisser les cavernes et structures utilisées comme positions ennemies. Il s’agissait d’une mission très dangereuse, car il était bien possible que l’on tombe sur de petits groupes de combattants ennemis.
 

Finalement, l’ennemi avait pratiquement abandonné la vallée, et la mission s’est déroulée pour ainsi dire sans incident. Les entrevues que nous avons menées nous ont permis de constater que de nombreux membres du groupement tactique étaient déçus de cela, et que cette mission faisait contraste avec l’expérience des tireurs d’élite, vécue durant l’Op Anaconda.
 

Au début de l’Op Harpoon, une équipe de reconnaissance du 3 PPCLI a repéré une position de mortiers à l'embouchure d’une caverne sur la montagne Tergul Ghar – (la « Baleine »). Une compagnie américaine sous le commandement du groupement tactique du 3 PPCLI a attaqué la position et l’a détruite. Après cette intervention, on a découvert trois cadavres dans les décombres : un à l'intérieur de la caverne, et deux à l’extérieur. Une équipe de médecins légistes américains a examiné les cadavres et déterminé que l’un des deux qui se trouvaient à l’extérieur de la caverne était celui d’une personne décédée depuis un certain temps (et partiellement enterrée), mais que l'autre personne était probablement décédée durant l’attaque. Les soldats américains ont fait exploser l’embouchure de la caverne, la rendant inaccessible et laissant un cadavre à l'intérieur. Les deux autres cadavres sont demeurés bien en vue, près de celui d’un âne.
 

Deux sous unités constituées de trois tireurs d'élite se sont placées de part et d'autre des deux cadavres, car la « Baleine » constituait un excellent poste d'observation sur toute la vallée. On a révélé à mes enquêteurs qu’un certain nombre de personnes, y compris des soldats et des journalistes, sont venues voir les cadavres et prendre des photos. L’une des photographies montrait un corps décapité et un corps intact avec une cigarette entre les lèvres et une enseigne sur laquelle était inscrit un message obscène.
 

Certains tireurs d’élite ont fait des blagues au sujet des cadavres et ont donné un surnom à l’un d’entre eux. Ils ont expliqué à mes enquêteurs qu’il s'agissait pour eux d’un moyen de composer avec le fait de devoir vivre à proximité des cadavres. L’un des tireurs d’élite interrogés a déclaré que le Caporal-chef Ragsdale et le commandant adjoint parlaient, pour plaisanter, de ramener un « trophée », soit une oreille ou un doigt, de l’un des cadavres. Le 17 mars 2002, pendant que l'équipe se préparait à quitter la vallée pour retourner au camp de base, on a vu les deux tireurs d’élite gravir la colline jusqu’au point d’observation et revenir avec un sac de plastique tenu par le commandant adjoint, et contenant un objet brun. Ils ont déclaré, à la blague, qu’il s’agissait d’un doigt.
 

Les tireurs d'élite canadiens étaient parmi les derniers à quitter la « Baleine » en vue de retourner au camp de base de Kandahar, le 19 mars 2002. À la fin de cette deuxième mission, l’un des tireurs d’élite de l’équipe a soumis un rapport officiel selon lequel des collègues tireurs d’élite, soit le Caporal-chef Ragsdale et son commandant adjoint, auraient profané l’un des cadavres ennemis. Étant donné qu’il s’agit d’une accusation grave, le commandant, après avoir consulté l’Assistant du Juge avocat général (AJAG), avisait le Service national des enquêtes, le 18 mars 2002. Le Service national des enquêtes a ouvert une enquête relative à deux allégations : outrage envers un cadavre humain (infraction à l’alinéa 182b) du Code criminel du Canada) et conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline (infraction à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale).
 

Vers le 19 mars 2002, très peu de temps après le retour de l’unité à Kandahar après l’Op Harpoon, le Caporal-chef Ragsdale a été relevé de son commandement. Bien qu’on lui ait permis de demeurer au sein de l’équipe de tireurs d’élite, il agissait désormais à titre de commandant adjoint. Selon son remplaçant, il s’agissait uniquement d’un changement temporaire, jusqu’à la fin de l’enquête du Service national des enquêtes. Le Caporal-chef Ragsdale a été remplacé dans ses fonctions de commandement par le tireur d'élite à l'origine des allégations qui ont mené à l’enquête du Service national des enquêtes.
 

Le Service national des enquêtes exerce ses fonctions en marge de la chaîne de commandement, de sorte qu’à partir de ce moment là, le commandant n’avait aucun contrôle sur les événements entourant le dossier. Le Service national des enquêtes, sous le commandement du Grand prévôt des Forces canadiennes (GPFC), a pour mandat de faire enquête sur les infractions militaires et criminelles de nature grave ou délicate commises à l’égard de biens et de personnes. Le Service national des enquêtes a autorité sur toute personne soumise au Code de discipline militaire, quel que soit son grade ou son statut et peu importe l’endroit où les FC sont établies ou déployées dans le monde.
 

Le tireur d’élite qui a formulé les allégations a déclaré à mes enquêteurs qu’il avait rassemblé les tireurs d’élite, qu’il les avait informés du fait qu’il était à l’origine de la plainte déposée, et qu’il les a encouragés à faire preuve d’ouverture et d’honnêteté. Le Caporal-chef Ragsdale a dit à mes enquêteurs qu’il ne se souvient pas de la tenue d’un tel événement.
 

Les rapports fournis à nos enquêteurs par la police militaire montrent que, au moment où le tireur d’élite à l’origine des allégations a été interrogé par le Service national des enquêtes, il a dit aux enquêteurs que le seul événement dont il avait vraiment été témoin est le moment où le Caporal-chef Ragsdale et le commandant adjoint ont placé la cigarette dans la bouche du cadavre. Le 21 mars 2002, des enquêteurs du Service national des enquêtes se sont rendus sur les lieux en hélicoptère pour une brève visite. Ils ont trouvé le cadavre et confirmé que la cigarette était toujours là. Ils ont également trouvé une affiche portant un message obscène, et constaté qu’il manquait un doigt au cadavre. Or, une photo prise le 16 mars 2002 confirme que la main du cadavre était intacte à cette date.
 

Les 25 mars et 27 mars 2002, respectivement, les enquêteurs du Service national des enquêtes avaient averti le Caporal-chef Ragsdale et le commandant adjoint du fait qu’ils faisaient l'objet d’une enquête criminelle concernant la profanation présumée. Le commandant adjoint a refusé de répondre aux questions des enquêteurs, alors que le Caporal-chef Ragsdale y a consenti et a été interrogé. Le Caporal-chef Ragsdale aurait déclaré aux enquêteurs du Service national des enquêtes qu’il ignorait ce qui se trouvait dans le sac. Selon les rapports de la police militaire, les autres tireurs d’élite interrogés ont dit aux enquêteurs du Service national des enquêtes qu’ils n’avaient pas observé le contenu du sac d’assez près pour déterminer avec certitude ce qu’il contenait.
 

Conformément aux conditions d'un mandat de perquisition, on a fouillé la tente du commandant adjoint le jour où il a refusé d’être interrogé. Les enquêteurs ont recueilli certains objets aux fins d’une expertise judiciaire, mais aucune preuve permettant de conclure qu’il a participé à la profanation n’a été trouvée. Les tentes des autres tireurs d’élite n’ont pas fait l’objet d’une perquisition.
 

Le 28 mars 2002, après que le Caporal-chef Ragsdale a été destitué de son commandement du détachement, le commandant a rencontré tous les tireurs d’élite. Il a tenté d’expliquer l’enquête du Service national des enquêtes et de parler de leur situation et du moral. Le nouveau chef de l’équipe de tireurs d’élite a indiqué à mes enquêteurs que la rencontre ne s’était pas bien déroulée, car aucun des autres tireurs d’élite n’était disposé à parler. Il a expliqué que, en sa qualité de chef, il estimait qu’il était de son devoir d’aviser le commandant du fait que l’équipe, aux prises avec des divisions internes et un moral très bas, n’était pas en mesure de fonctionner. Selon lui, l’ancien commandant adjoint était furieux contre lui après la rencontre. Il a dit à mes enquêteurs que l'ancien commandant adjoint  « est sorti de ses gonds, a lancé quelque chose par terre, s’est retourné pour me faire face, et s’est mis à crier : “Ne parle plus jamais en mon nom. Que je ne te reprenne plus à parler pour moi.” »  L’ancien commandant adjoint a confirmé à mes enquêteurs qu’il était très en colère et qu’il s’était « défoulé ».
  

Cette scène s’est déroulée dans l’aire commune, à l’extérieur des tentes des tireurs d’élite. Un aumônier des FC qui passait par là a été attiré par les voix. Il a regardé sous le filet de camouflage qui protégeait l’aire au moment même où l’ancien commandant adjoint a prononcé et ensuite répété une obscénité. L’aumônier a révélé à mes enquêteurs que le commandant adjoint avait dit  « qu’il aille se faire foutre », et a ajouté  « il m’a pointé du doigt et m’a regardé droit dans les yeux.»  L’aumônier a dit craindre pour sa propre sécurité. Il a également laissé savoir à mes enquêteurs que, durant la sélection préalable au déploiement, l’ancien commandant adjoint lui avait dit qu’il détestait les aumôniers. Le lendemain, soit le 29 mars 2002, l’aumônier décidait de déposer une plainte officielle, et le détachement de la police militaire a ouvert une enquête. À ce moment là, il était évident que l’équipe avait perdu toute cohésion et que les tireurs d’élite étaient démoralisés.
 

Le 29 mars 2002, cinq des tireurs d’élite (y compris le Caporal-chef Ragsdale et l’ancien commandant adjoint) qui avaient participé à l’Op Anaconda ont pris part à une séance de verbalisation suivant un incident critique tenue, à leur demande, par un aumônier américain qui était avec eux durant cette opération, et auquel ils faisaient confiance. Au moment même où cette séance avait lieu, la police militaire déterminait que les allégations de l'aumônier des FC étaient assez graves pour justifier l’arrestation de l'ancien commandant adjoint. Selon leur évaluation, il était tout à fait raisonnable, de la part de l’aumônier, de craindre pour sa sécurité. Ils ont donc demandé un mandat d’arrestation au commandant et sont allés chercher l’ancien commandant adjoint dans la tente où se tenait la séance de verbalisation suivant un incident critique. Lorsque la séance de verbalisation a pris fin, on l’a arrêté et mis en détention. Il a été accusé de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale.
 

Plus tard, ce jour là, le commandant a annoncé aux autres tireurs d’élite qu’il les retirait du théâtre des opérations pour quelques jours afin qu’ils puissent récupérer, se reposer et resserrer leurs liens, sous la supervision d’un officier, également tireur d’élite qualifié et qui avait l’expérience du combat. Le commandant pensait que cette période de repos et de récupération en compagnie d’un officier qui avait vécu des expériences comparables aiderait peut être les tireurs d’élite à se ressaisir et à se remettre sur pied. Ils sont partis le 1er avril et sont revenus le 6 avril 2002.
 

Pendant que les autres tireurs d’élite étaient partis, on a donné à l’ancien commandant adjoint, conformément à la Loi sur la défense nationale, le choix de subir immédiatement un procès sommaire, dont la présidence serait normalement assurée par le commandant, ou de comparaître devant une cour martiale, au Canada, devant un juge militaire. Le 3 avril, il décidait de retourner au Canada pour comparaître devant une cour martiale. Il a quitté l’Afghanistan le 4 avril, pendant que les autres tireurs d’élite étaient toujours en voyage de repos et de récupération.
 

Lorsque les tireurs d’élite sont retournés au camp, le 6 avril, l’ancien commandant adjoint était parti. Plus tôt ce jour là, avant leur arrivée, l’armée des États Unis avaient tenu une cérémonie de remise de médailles au cours de laquelle leurs collègues américains qui les avaient côtoyés durant l’Op Anaconda ont reçu la médaille de l’Étoile de bronze, laquelle est remise par les États Unis pour souligner la bravoure, l’héroïsme ou le service méritoire.
 

Les tireurs d’élite avaient appris plus tôt, de la bouche de leurs homologues américains, qu’on leur remettrait également cette médaille importante. Toutefois, au moment où les tireurs d’élite ont quitté le théâtre des opérations pour une période de repos et de récupération, le gouvernement du Canada n’avait pas encore approuvé la remise de cette médaille. L’officier chargé de superviser la période de repos et de récupération a confié à mes enquêteurs qu’il espérait que ce séjour leur épargne la peine de ne pas recevoir la médaille de l’Étoile de bronze avec les tireurs d’élite américains.
 

Ce n’était pas le cas. Certains membres du groupe, y compris le Caporal-chef Ragsdale, ont dit à nos enquêteurs qu’ils percevaient ce séjour comme une façon de les écarter pendant que l’on remettait la médaille de l’Étoile de bronze aux soldats américains et que l’on retournait l’ancien commandant adjoint au Canada pour son procès devant une cour martiale.
 

D’autres croyaient que leur période de repos et de récupération avait été prévue de façon à coïncider avec la visite du ministre de la Défense nationale. En effet, le Ministre a rendu visite aux troupes en Afghanistan le 4 avril 2002, et les tireurs d’élite ont entendu parler de sa visite au retour de leur séjour. Certains tireurs d’élite avaient l’impression d’être ostracisés par l’unité. Par conséquent, certains ont dit croire que la période de repos et de récupération visait également à écarter l’équipe pendant la visite du Ministre.
 

Lorsque les tireurs d’élite sont revenus de leur voyage de repos et de récupération, les opinions étaient partagées quant à leur moral et à la façon dont on les employait.
 

Vers le 29 mars 2002, un autre tireur d’élite du 3 PPCLI s’est joint à l’équipe pour remplacer l’ancien commandant adjoint lorsqu’il a été rapatrié au Canada. Plus tard pendant la rotation, le nouveau chef d’équipe est également retourné à la maison pour des raisons familiales et a été remplacé par un maître tireur d’élite du 2 PPCLI.
 

Le reste du déploiement s’est déroulé sans incident. L’officier qui a supervisé la période de repos et de récupération des tireurs d’élite a dit à mes enquêteurs que le groupe avait fonctionné efficacement après la période de repos et de récupération et la destitution du commandant adjoint. Toutefois, le Caporal-chef Ragsdale et d’autres tireurs d’élite interrogés durant l’enquête ont déclaré qu’ils se sentaient isolés du reste du groupement tactique, et qu’ils avaient l’impression d’être sous-utilisés.
 

Le commandant, qui nie avoir laissé de côté les tireurs d’élite, a dit ce qui suit à mes enquêteurs :  « Aucun des tireurs d’élite, que ce soit le Cplc Ragsdale ou tout autre membre de l’équipe, n’a jamais été marginalisé ou laissé de côté. Pendant l’Op Harpoon, il est devenu clair que le 3 PPCLI avait besoin d’un maître tireur d’élite mûr et expérimenté capable de diriger la section et de me prodiguer des conseils à titre de commandant du groupement tactique. Nous avons donc fait appel à un sergent du 2 PPCLI pour qu’il exerce ces fonctions, et cela a miné les bons rapports que j’entretenais avec les tireurs d’élite jusqu’à ce moment là. »  
 

Table des matières
 

Traitement des tireurs d’élite après l’opération Apollo

Une série de procédures post-déploiement avaient été mises au point à l’intention de tous les membres des forces qui avaient servi durant l’Op Apollo. Ce processus, visant à faciliter le retour des militaires à la vie normale, était fondé sur l’expérience des FC et sur les leçons apprises au cours des dix dernières années pour ce qui est de gérer la transition parfois difficile du théâtre des opérations à la maison, après la guerre du Golfe (1991) et la mission des Nations Unies en Bosnie (2002).
 

À la fin de sa mission en juillet 2002, le groupement tactique du 3 PPCLI s’est rendu pendant quelque temps sur une base américaine située à Guam, près des Philippines, pour une série de séances de décompression prévoyant des rencontres obligatoires de sensibilisation, d’information et de counselling avec des professionnels. Les militaires sont ensuite retournés à Edmonton, où ils ont pu profiter d’un congé en bloc. Après cette période de congé, tout le personnel a répondu à un sondage post-déploiement et à des entrevues administrées par des professionnels de la santé. Des soins de suivi étaient offerts aux militaires qui en ressentaient le besoin, et on effectuait des interventions psychologiques plus poussées lorsque les questionnaires et les entrevues laissaient croire à un éventuel problème d’adaptation. Les professionnels de la santé s’intéressaient tout particulièrement à la prévention, au dépistage rapide et au traitement du SSPT, lequel reconnu comme blessure.
 

Selon l’officier de sélection du personnel1 (travailleur social de formation déployé avec le groupement tactique), ce processus de décompression et de réintégration semble, en grande partie, avoir réussi à aider les membres à faire la transition des opérations militaires actives à la vie normale. D’ailleurs, il a déclaré à mes enquêteurs que, à sa connaissance, il s’agissait de l’une des premières missions de déploiement où, au retour à la maison des militaires, il n’y avait eu aucun incident lié à la consommation d’alcool, à des bagarres, à de la violence familiale ou à des querelles.
 

Tous les tireurs d’élite qui ont terminé leur mission en Afghanistan ont été traités de la même façon que les autres membres du groupement tactique. Ils ont participé aux séances de décompression à Guam, reçu leur congé en bloc, rempli les questionnaires et participé aux entretiens pour les encourager à signaler tout problème d’adaptation ou tout problème psychologique possible.
 

Le Caporal-chef Ragsdale a suivi les mêmes processus post-déploiement que tous les autres membres du groupement tactique. Avec le reste du groupement tactique, il a participé, le 9 août 2002, à la parade de bienvenue organisée par la Ville d’Edmonton pour féliciter les soldats de leur contribution à l’Op Apollo.
 

De son propre aveu, le Caporal-chef Ragsdale a fait fi des symptômes du SSPT pendant un certain temps, après son retour de l’Afghanistan, et n’a pas cherché à obtenir de l’aide des FC à cet égard. Il voyait une travailleuse sociale privée, dont les services avaient été retenus par les FC, afin de traiter certains problèmes personnels qu’il vivait avant son déploiement en Afghanistan. Au cours du processus de dépistage post-déploiement, on a déterminé que le Caporal-chef Ragsdale avait besoin de soutien psychologique. Les FC l’ont dirigé vers la travailleuse sociale qu’il consultait déjà afin qu’elle traite son SSPT.
 

Pendant qu’il se faisait traiter pour son SSPT, le Caporal-chef Ragsdale est demeuré au sein du peloton de reconnaissance du 3 PPCLI jusqu’en juillet 2003. Pendant cette période, il a eu l’occasion de mettre à contribution son expérience et son expertise de tireur d’élite, acquises durant l’Op Apollo, à l’École d’infanterie de Gagetown au Nouveau Brunswick en septembre 2002, et lorsqu’il a exercé les fonctions d’instructeur dans le cadre d’un cours de reconnaissance tenu à Edmonton du 28 octobre au 10 décembre 2002.
 

Selon la travailleuse sociale du Caporal-chef Ragsdale, ce dernier a commencé à se sentir agité au travail en novembre 2002. La travailleuse sociale a dit à mes enquêteurs que le Caporal-chef Ragsdale se sentait ostracisé et isolé, et qu’il sentait sa colère monter. À l’époque, il résidait dans l’une des casernes de la base, et sa travailleuse sociale a révélé qu’un jour il est demeuré dans la caserne plutôt que de se rendre au travail. La travailleuse sociale du Caporal-chef Ragsdale a déclaré à mes enquêteurs que, selon elle, personne ne s’était même donné la peine d’aller le voir pour déterminer ce qui n’allait pas. Elle a dit à mes enquêteurs que le Caporal-chef Ragsdale s’était replié sur lui même et que, un peu avant Noël, il n’arrivait plus à quitter la caserne pour aller manger au mess. Peu après, il quittait la base pour s’installer avec des amis.
 

Après son congé de Noël en 2002, le Caporal-chef Ragsdale a consulté sa travailleuse sociale, qui a recommandé un congé pour raisons médicales. On a consenti à un tel congé en janvier 2003, car le militaire était inapte au service. Toutefois, il a continué de faire partie de l’unité pendant quelques mois. On l’a ensuite inscrit sur la Liste des effectifs du personnel non disponible le 22 juillet 2003. La Liste des effectifs du personnel non disponible est un outil administratif qui facilite le soutien d’un membre de la Force régulière malade ou blessé. Elle vise à offrir aux membres des FC un cadre optimal pour les préparer adéquatement à leur retour au travail ou à leur libération du service militaire. Lorsqu’un membre des FC est inscrit sur la liste des effectifs du personnel non disponible, son poste est libéré au sein de l’unité. Cette dernière peut donc remplacer le militaire dans le poste laissé vacant. Ce processus permet aux FC de se faire une idée plus claire quant au personnel apte à être déployé.
 

Le Caporal-chef Ragsdale a été libéré des FC pour des raisons médicales en janvier 2005. Au moment d’écrire ces lignes, il continuait de recevoir un traitement et de bénéficier du soutien d’Anciens combattants Canada. En août 2005, il a dit à mes enquêteurs qu’il était satisfait des soins médicaux qu’il avait reçus et qu’il recevait encore.
 

Parce qu’il avait été rapatrié plus tôt, l’ancien commandant adjoint n’a pas rempli les questionnaires de suivi médical et psychologique après le déploiement. Cependant, il a fait l’objet d’une évaluation psychologique et a bénéficié de traitements à son retour au Canada, en avril 2002. On lui a attribué des tâches restreintes le 9 mai, en raison des accusations portées contre lui. Le 29 juillet, l’ancien commandant adjoint a été informé que les accusations qui pesaient contre lui relativement aux allégations formulées par l’aumônier, le 29 mars 2002, n’allaient pas être poursuivies, faute de preuve.
 

L’enquête du Service national des enquêtes relative à la profanation de cadavre a duré neuf mois et s’est terminée en décembre 2002. Finalement, aucune accusation n’a été portée, faute de preuve. On a ordonné à l’ancien commandant adjoint de reprendre son service le 7 février 2003. Le même jour, après avoir consulté son médecin, il a obtenu un congé pour raisons médicales.
 

Du 17 mars au 16 avril 2003, le Secteur de l’Ouest de la Force terrestre a tenu une Commission d’enquête (CE) pour déterminer s’il était approprié de garder l’ancien commandant adjoint au sein des FC et, dans l’affirmative, de déterminer quelles fonctions il exercerait. La CE a entendu 31 témoins (y compris les six tireurs d’élite de l’équipe originale). Le rapport de la CE a été présenté au Chef d’état-major de l’Armée de terre, mais, après examen du rapport, aucune des recommandations n’a été retenue. De fait, en juillet 2004, le Chef d’état-major de l’Armée de terre a déterminé que la CE comportait des vices de procédure et que les conclusions et recommandations de la CE n’étaient pas fiables aux fins prévues.
 

Le Chef d’état major de l’Armée de terre n’a pas approuvé la CE, et a recommandé les options suivantes à l’autorité convocatrice :
 

  • reprendre la CE avec un nouveau mandat;
     
  • ordonner qu’on effectue un examen administratif; ou
     
  • ne prendre aucune mesure supplémentaire, puisqu’on avait signifié à l’ancien commandant adjoint un avis selon lequel on allait bientôt le libérer des FC pour des raisons médicales.
     

Étant donné que l’ancien commandant adjoint allait bientôt obtenir sa libération des FC pour des raisons médicales, aucune autre mesure n’a été prise. Après avoir été inscrit sur la Liste des effectifs du personnel non disponible le 23 juin 2003, il a été libéré des FC pour des raisons de santé le 19 avril 2005.
 

Pour ce qui est des quatre autres membres de l’équipe d’origine de six tireurs d’élite, trois sont retournés à leurs tâches normales et n’ont gardé aucune séquelle apparente de leurs expériences en Afghanistan. Deux de ces trois soldats sont toujours dans les FC, et l’autre a quitté la vie militaire pour faire carrière au sein d’une autre organisation. Le quatrième avait d’abord demandé une libération volontaire, mais a finalement obtenu sa libération pour le motif médical 3(b) en juillet 20032.
 


 

1. L’officier de sélection du personnel dispense des services liés aux Sciences du comportement pour aider les membres des Forces canadiennes dans leur carrière, dispense des services de counselling en matière d’apprentissage et de carrière, et prodigue des conseils en matière de ressources humaines à la chaîne de commandement. L’officier de sélection du personnel déployé durant l’Op Apollo était un travailleur social, et faisait donc partie des ressources en santé mentale mises à la disposition des membres du groupement tactique.
 

2. En vertu du Chapitre 15 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, il y a libération pour des raisons médicales lorsqu’un membre est « invalide et inapte à remplir les fonctions de sa présente spécialité ou de son présent emploi, et qu’il ne peut pas être employé à profit de quelque façon que ce soit en vertu des présentes politiques des Forces armées ».
 

Table des matières

 

Analyse

J’ai analysé l’information recueillie dans le cadre de l’enquête dans le but de déterminer si, à n’importe quel moment avant, pendant ou après l’Op Apollo, les tireurs d’élite, et en particulier le Caporal-chef Ragsdale, ont été traités de façon injuste ou inappropriée par le MDN et les FC. J’ai aussi tenté de déterminer si le MDN et les FC ont donné suite de façon appropriée aux préoccupations de M. Ragsdale.
 

Traitement des tireurs d’élite avant le déploiement

L’équipe de tireurs d’élite a reçu une formation et des ressources complètes. Ils ont bénéficié d’une formation spéciale en Saskatchewan afin d’aiguiser leurs compétences particulières en matière de tir de précision. Après avoir administré une batterie d’évaluations physiques, mentales et sociales à tous les tireurs d’élite, le Groupe d’aide au départ (GAD) a confirmé qu’ils étaient prêts au déploiement.
 

Notre enquête relative à la période antérieure au déploiement nous a permis de cerner les deux problèmes éventuels suivants : la décision de ne pas affecter un maître tireur d’élite pour superviser l’équipe; et le fait qu’aucun membre de l’équipe de tireurs d’élite n’avait suivi une formation de pair conseiller.
 

Absence d’un maître tireur d’élite

Le commandant a décidé de ne pas confier l’équipe à un maître tireur d’élite. Ainsi, le chef d’équipe des tireurs d’élite, le Caporal-chef Ragsdale, a exercé certaines des fonctions habituellement confiées à un maître tireur d’élite. Le commandant était d’avis que le Caporal-chef Ragsdale était le meilleur candidat pour diriger l’équipe. Même s’il était du même grade que les autres tireurs d’élite, il était très expérimenté, et avait enseigné le cours élémentaire de tireur d’élite à Wainwright, en 2001. Il avait également réussi son cours de Qualification élémentaire en leadership, et avait la confiance de ses supérieurs.
 

Un maître tireur d’élite contribue de façon importante à la capacité d’un commandant d’utiliser des tireurs d’élite sur le champ de bataille. Le maître tireur d’élite est un conseiller : il doit donc bien connaître les tactiques au niveau du groupement tactique et comprendre le concept de l’opération du commandant. On doit lui donner l’occasion de planifier de façon proactive le rôle des tireurs d’élite dans le cadre de toutes les opérations, et on s’attend à ce qu’il le fasse. La décision de ne pas attribuer le commandement de l’équipe à un maître tireur d’élite était fondée sur des priorités opérationnelles.
 

À la lumière des « leçons apprises » de l’Op Apollo, on a recommandé que les tireurs d’élite forment une cellule distincte du peloton de reconnaissance, dirigée par un maître tireur d’élite. Je constate que les FC ont apporté les changements recommandés.
 

Pair conseiller

En ce qui concerne la formation de pair conseiller, environ 20 p. 100 du groupement tactique avaient bénéficié de cette formation ayant pour but d’aider les membres des unités à s’aider les uns les autres à gérer le stress lié au déploiement, grâce à un soutien par les pairs. Un certain nombre de personnes interrogées par mes enquêteurs ont qualifié cette formation de bénéfique. Or, aucun tireur d’élite n’avait pris part à la formation de pair conseiller.
 

Au cours de l’entretien avec mes enquêteurs, les tireurs d’élite ont dit qu’ils ne se sentaient pas limités par le fait qu’aucun d’eux n’avait bénéficié d’une formation formelle, car, pour eux, il était courant de tenir des séances de verbalisation entre eux et de s’entraider de façon informelle en discutant de leurs opérations. Ils ont également indiqué qu’ils pouvaient consulter des pairs conseillers dûment formés, faisant partie du groupement tactique et, plus particulièrement, du peloton de reconnaissance.
 

Vu que j’estime que le counselling par les pairs peut avoir un effet bénéfique, j’en parlerai plus en détail dans mon analyse relative aux séances de verbalisation suivant un incident critique.
 

Conclusion

Dans l’ensemble, je conclus que les décisions prises par le commandant quant à la composition, à la structure et à la préparation de l’équipe de tireurs d’élite semblent avoir été raisonnables, compte tenu de son évaluation des renseignements et des ressources dont il disposait à ce moment là. Je conclus que, pendant la préparation préalable au déploiement, chaque tireur d’élite a été traité de façon équitable et appropriée, que ce soit par rapport aux tireurs d’élite entre eux ou en comparaison aux autres membres du 3 PPCLI.
 

Table des matières
 

Traitement des tireurs d’élite pendant le déploiement

L’enquête nous a permis de cerner quatre questions problématiques et préoccupantes :
 

  1. Le chef des tireurs d’élite, le Caporal-chef Ragsdale, a demandé qu’on tienne une séance de verbalisation suivant un incident critique immédiatement après l’Op Anaconda, mais on n’a pas accédé à sa demande.
     
  2. L’enquête du Service national des enquêtes a miné le moral des membres de l’équipe de tireurs d’élite.
     
  3. Les tireurs d’élite estimaient que la chaîne de commandement avait envoyé l’équipe en période de repos et de récupération non pas pour les aider, mais bien pour les écarter.
     
  4. Les tireurs d’élite estimaient qu’on avait commencé à les traités différemment dès leur retour de la période de repos et de récupération jusqu’à leur retour au Canada, à la fin de l’Op Apollo, en juillet 2002.
     

Chacune de ces questions sera examinée.
 

Demande relative à la séance de verbalisation suivant un incident critique

Comme je l’ai déjà indiqué, les tireurs d’élite relevaient initialement du commandement des Forces américaines responsables de l’Op Anaconda. À leur retour, ils ont présenté un compte rendu de vive voix aux officiers concernés, et le Caporal-chef Ragsdale a produit les rapports administratifs nécessaires, y compris une demande écrite relative à la tenue d’une séance de verbalisation suivant un incident critique. Nous n’avons pas été en mesure de trouver cette demande au cours de notre enquête, mais il n’y a pas lieu de remettre en question la crédibilité du témoignage du Caporal-chef Ragsdale, qui affirme qu’une telle demande écrite a été présentée.
 

L’OAFC 34 55 prévoit qu’une séance de verbalisation suivant un incident critique doit avoir lieu dans les 24 à 72 heures qui suivent un incident critique, à moins que le contexte opérationnel ne le permette pas. On qualifie d’incident critique un événement qui va au delà de l’expérience de vie normale et qui bouleverse le sentiment de maîtrise des événements d’une personne. Il suppose la perception d’un danger de mort. Il s’agit habituellement d’un événement imprévu susceptible de mener à des bouleversements physiques ou affectifs en temps de paix ou au combat.3
 

Dans le cas qui nous occupe, il y avait très peu de temps pour une intervention officielle entre l’Op Anaconda et l’Op Harpoon. Le commandant a parlé aux tireurs d’élite et déterminé qu’ils étaient en mesure de participer à l’Op Harpoon sans qu’on tienne une séance de verbalisation suivant un incident critique. Outre le Caporal-chef Ragsdale, les autres tireurs d’élite ne semblent pas avoir indiqué que leurs expériences dans le cadre de l’Op Anaconda nécessitaient une intervention. Ils ont également déclaré qu’ils étaient impatients de repartir pour l’Op Harpoon. D’ailleurs, le Caporal-chef Ragsdale a confirmé à mes enquêteurs que, vu l’intervalle très court entre les deux missions, il savait qu’une séance de verbalisation suivant un incident critique ne pouvait avoir lieu entre les deux opérations, et qu’elle devrait attendre jusqu’à la fin de l’Op Harpoon.
 

Même s’il n’y a pas eu de séance de verbalisation suivant un incident critique entre l’Op Anaconda et l’Op Harpoon, plusieurs personnes interrogées ont déclaré à mes enquêteurs que les tireurs d’élite avaient effectivement besoin d’une telle séance après l’Op Harpoon :
 

  • Selon deux membres de la chaîne de commandement de l’équipe, un tireur d’élite leur aurait fait part verbalement de ses préoccupations et aurait dit que le groupe avait besoin d’une séance de verbalisation suivant un incident critique après l’Op Harpoon.
     
  • Le commandant a dit à mes enquêteurs que l’adjudant du peloton de reconnaissance avait également suggéré aux tireurs d’élite de prendre part à une séance de verbalisation suivant un incident critique, mais il croyait savoir que la réponse du commandant adjoint était :  « Si vous n’y étiez pas avec nous, vous n’êtes pas digne d’animer notre séance de verbalisation.  » 
     
  • L’officier de sélection du personnel a constaté que les tireurs d’élite auraient avantage à participer à une séance de verbalisation suivant un incident critique peu après leur retour de l’Op Harpoon.
     

Lorsqu’on les a consultés, les tireurs d’élite ont dit préférer que la séance soit animée par un aumônier américain qui était avec eux pendant l’Op Anaconda. L’officier de sélection du personnel a donc planifié une séance de verbalisation suivant un incident critique, laquelle a été tenue le 29 mars 2002, soit dix jours après le retour des tireurs d’élite de l’Op Harpoon.
 

Une personne qualifiée, choisie par le groupe de tireurs d’élite, a animé une séance de verbalisation suivant un incident critique après l’Op Harpoon. La séance n’a pas eu lieu entre l’Op Anaconda et l’Op Harpoon parce que le trop court délai entre les deux opérations ne le permettait pas, et parce que, selon le commandant, les tireurs d’élite n’affichaient aucun signe manifeste de stress négatif. Une fois de plus, le Caporal-chef Ragsdale a convenu du fait qu’il n’était pas possible de tenir une séance de verbalisation suivant un incident critique entre les deux opérations. Par conséquent, compte tenu des circonstances qui prévalaient immédiatement après l’Op Anaconda, des ressources mises à leur disposition après l’Op Harpoon et des besoins opérationnels du moment, je conclus qu’on a répondu de façon convenable aux besoins des tireurs d’élite, que ce soit pour la tenue d’une séance de verbalisation suivant un incident critique ou pour l’apport de soutien psychologique. Même si la séance de verbalisation suivant un incident critique n’a pas eu lieu au cours de la période prévue de 24 à 72 heures, je suis d’avis qu’il était raisonnable de tenir la séance dix jours plus tard, vu les circonstances et le fait que les tireurs d’élite avaient demandé que leur séance de verbalisation suivant un incident critique soit animée par une personne en particulier, en l’occurrence un aumônier américain.
 

Impact de l’enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes sur les tireurs d’élite

Ce n’est qu’après l’Op Harpoon et l’ouverture de l’enquête du Service national des enquêtes que les tireurs d’élite ont fait état de problèmes graves concernant leur moral. Les problèmes de moral qui affligeaient les tireurs d’élite à ce moment là étaient évidents pour leur entourage. Pour cette raison, je vais me pencher spécifiquement sur la décision de renvoyer les allégations de profanation au Service national des enquêtes afin de déterminer si cette décision était injuste envers les tireurs d’élite.
 

Du moment où l’un des tireurs d’élite a fait l’allégation, le commandant avait le devoir d’y donner suite. Étant donné la nature et la gravité des allégations, il était indiqué de porter l’affaire à l’attention du Service national des enquêtes, organisation ayant pour responsabilité d’enquêter sur des allégations graves d’une telle nature. Comme je l’ai déjà indiqué, la profanation d’un cadavre est un acte criminel en vertu des lois canadiennes. Il aurait été tout à fait justifié de critiquer le commandant s’il avait omis de donner suite à une telle allégation. La décision du commandant d’informer le Service national des enquêtes ne pourrait être qualifiée d’injuste; toutefois, on ne saurait nier que l’enquête a très bien pu avoir un impact négatif sur le moral de l’équipe. D’ailleurs, puisque l’auteur de l’allégation contre les deux tireurs d’élite était un collègue, on pouvait normalement s’attendre à des répercussions sur les relations interpersonnelles au sein du groupe, ce qui influerait également sur le moral de personnes qui devaient travailler en étroite collaboration.
 

Comme je l’ai déjà indiqué, le Service national des enquêtes, même s’il fait partie de l’appareil militaire, exerce ses fonctions en marge de la chaîne de commandement. Par conséquent, il mène ses enquêtes sans qu’il y ait d’intervention extérieure; il gère lui même tous les aspects liés à l’enquête, il doit rendre compte au Grand prévôt et se plier à ses directives. En ce qui concerne le renvoi des allégations au Service national des enquêtes, je conclus que l’initiative de la chaîne de commandement n’était pas injuste envers les tireurs d’élite.
 

Je tiens à signaler que mon mandat ne me permet pas d’enquêter sur des questions relatives au dépôt d’accusations par la chaîne de commandement, le Service national des enquêtes ou le Directeur – Poursuites militaires. Mon mandat m’empêche également d’enquêter sur toute question relative à la police militaire ayant déjà été traitée en vertu de la Partie IV de la Loi sur la défense nationale (Plaintes concernant la police militaire).
 

Durant notre enquête, certaines personnes qui ont accepté de répondre à nos questions se sont dites préoccupées par plusieurs points, y compris certaines allégations générales relatives au caractère injuste d’enquêtes menées par la police militaire pendant la période qui nous intéresse. En vertu de notre mandat, nous avons le devoir d’agir comme source directe d’information, d’orientation et de sensibilisation pour aider les personnes à recourir aux services existants d’aide et de redressement de griefs au sein du MDN et des FC. Par conséquent, lorsque des personnes soulevaient des préoccupations à l’égard de l’enquête policière et évoquaient la possibilité de porter plainte contre la police militaire, on les informait du fait que la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire est l’organisation responsable du traitement de plaintes de ce genre. Les personnes souhaitant amorcer une telle démarche ont été mises en communication avec la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire.
 

La Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire, créée conformément à la Loi sur la défense nationale, a pour mandat d’examiner le traitement des plaintes relatives à l’inconduite d’un policier militaire dans l’exercice des ses fonctions de nature policière et de traiter les plaintes d’ingérence ou d’interférence dans le cours de leurs enquêtes policières. Je crois savoir que, au moment de la publication du présent rapport, la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire avait amorcé une enquête d’intérêt public relative à des plaintes liées aux événements décrits dans le présent rapport.
 

Je ne veux pas me pencher sur l’enquête du Service national des enquêtes, mais je peux commenter le fait que l’ouverture de l’enquête ait déclenché un ensemble complexe d’événements liés entre eux durant la période du 19 mars au 4 avril 2002. Au cours de ces deux semaines :
 

  • l’enquête du Service national des enquêtes commence;
     
  • le Caporal-chef Ragsdale est relevé de son commandement et devient le nouveau commandant adjoint;
     
  • le Caporal-chef Ragsdale est remplacé à titre de commandant par le tireur d’élite à l’origine des allégations visées par l’enquête du Service national des enquêtes;
     
  • la tente de l’ancien commandant adjoint fait l’objet d’une fouille;
     
  • le commandant du groupement tactique tente de débreffer les tireurs d’élite, mais seul le nouveau chef d’équipe prend la parole;
     
  • après ce débreffage, l’ancien commandant adjoint exprime sa colère, ce qui mène au dépôt d’une plainte officielle par un aumônier et, finalement, à une enquête par la police militaire;
     
  • l’ancien commandant adjoint est arrêté, mis en détention, et accusé de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline;
     
  • le groupe est envoyé en période de repos et de récupération à l’extérieur du théâtre des opérations, sans l’ancien commandant adjoint;
     
  • l’ancien commandant adjoint opte pour un procès devant une cour martiale, au Canada, et on le rapatrie pendant que les autres tireurs d’élite sont en période de repos et de récupération.
     

L’accumulation de ces événements a anéanti la cohésion et le moral de l’équipe de tireurs d’élite. De façon générale, je conclus que la chaîne de commandement, à partir du moment où elle a pris connaissance des problèmes du groupe, a réagi convenablement, compte tenu des circonstances opérationnelles qui prévalaient. Par exemple, comme je l’ai indiqué plus haut, le commandant a rencontré les membres de l’équipe, a expliqué l’enquête du Service national des enquêtes et a tenté de les amener à s’ouvrir et à parler des choses qui minaient leur moral. On a également planifié une séance de verbalisation suivant un incident critique pour les tireurs d’élite. Je prends note du fait que le commandant s’est intéressé personnellement aux tireurs d’élite et a veillé à ce que les mesures décrites plus haut soient prises pour les aider, alors qu’il commandait un groupement tactique de 850 personnes en milieu opérationnel.
 

En résumé, compte tenu des circonstances qui régnaient, je conclus que la chaîne de commandement a agi de façon appropriée en ce qui concerne le renvoi de l’allégation au Service national des enquêtes.
 

Toutefois, il reste à examiner une autre situation où on a remis en question les intentions de la chaîne de commandement : le but de la période de repos et de récupération.
 

But de la période de repos et de récupération

Le commandant a envoyé les tireurs d’élite à l’extérieur du théâtre des opérations pour une période de repos et de récupération, du 1er au 6 avril 2002. Le commandant a fait valoir que cette période avait pour but d’aider l’équipe à se ressaisir à la suite des événements survenus après l’Op Harpoon, qui ont miné le moral du détachement de tireurs d’élite.
 

Les tireurs d’élite estimaient qu’on leur avait caché les motifs réels de leur période de repos et de récupération. Par exemple, le Caporal-chef Ragsdale s’est dit d’avis que la période de repos et de récupération visait à sortir l’équipe du pays pendant qu’on rapatriait l’ancien commandant adjoint au Canada, à empêcher l’équipe de recevoir la médaille de l’Étoile de bronze que voulait leur remettre l’armée américaine, et à les tenir à l’écart à l’occasion de la visite du ministre de la Défense nationale en Afghanistan. Les autres tireurs d’élite interrogés par mes enquêteurs ont abondé dans le même sens.
 

On ne peut déterminer clairement ce que les tireurs d’élite savaient au sujet de la possibilité de rapatriement de l’ancien commandant adjoint au Canada. Toutefois, mes enquêteurs ont appris que le commandant avait expliqué la nature des accusations portées contre l’ancien commandant adjoint aux autres tireurs d’élite, à l’occasion de leur dernière rencontre avant le départ de l’équipe en période de repos et de récupération. Le 3 avril, pendant que les autres tireurs d’élite étaient à l’extérieur du théâtre des opérations, l’ancien commandant adjoint a opté pour un procès devant une cour martiale au Canada. Par conséquent, ils n’ont pu être informés de sa décision de retourner au Canada avant leur départ puisque l’ancien commandant adjoint n’avait pas encore pris cette décision.
 

Pour ce qui est des médailles de l’Étoile de bronze, l’officier qui a accompagné les tireurs d’élite pendant la période de repos et de récupération a dit à mes enquêteurs qu’il leur avait expliqué, pendant ce séjour, les problèmes protocolaires liés aux médailles étrangères et les retards que cela a occasionné au chapitre de la remise des médailles. Les tireurs d’élite ne semblaient pas tous bien comprendre cette situation, de sorte qu’ils se sont sentis lésés. Cependant, je conclus que l’officier était conscient de la confusion qui régnait au sein de l’équipe de tireurs d’élite quant à la remise des médailles de l’Étoile de bronze, et qu’il a tenté de leur expliquer la situation. Je crois que, vu les circonstances, l’officier accompagnateur a fait tout ce qu’il pouvait pour clarifier la situation auprès des tireurs d’élite. D’ailleurs, je ne crois pas que la chaîne de commandement des tireurs d’élite ait pu en faire davantage pour les aider à recevoir leur médaille de l’Étoile de bronze. Je reviendrai à la question des médailles plus loin.
 

Enfin, je ne trouve aucun élément de preuve permettant de conclure que les tireurs d’élite ont été envoyés en période de repos et de récupération dans le but de les tenir à l’écart du théâtre des opérations durant la visite du ministre de la Défense nationale. En outre, aucun élément de preuve ne me porte à croire que cette perception des tireurs d’élite a été portée à l’attention de quiconque dans la chaîne de commandement.
 

Par conséquent, je conclus que la décision du commandant de sortir les tireurs d’élite du théâtre des opérations en vue d’une période de repos et de récupération était juste et raisonnable. À la suite des événements survenus après l’Op Harpoon, lesquels ont miné le moral de l’équipe de tireurs d’élite, je suis d’avis que le commandant était véritablement et légitimement préoccupé par le bien être et la santé de ses tireurs d’élite. De plus, mes enquêteurs ont entendu des témoignages selon lesquels le moral de l’équipe s’était amélioré après la période de repos et de récupération, et l’officier qui avait accompagné les tireurs d’élite estimait qu’ils étaient de nouveau aptes à être déployés. Il semble que l’initiative consistant à envoyer les tireurs d’élite en période de repos et de récupération ait porté fruit.
 

Traitement après la période de repos et de récupération, jusqu’à la fin du déploiement

Le Caporal-chef Ragsdale a déclaré à mes enquêteurs que les autres tireurs d’élite et lui même avaient été sous utilisés pendant le reste du déploiement. En outre, les tireurs d’élite ont déclaré qu’ils se sentaient ostracisés ou traités différemment par le reste du groupement tactique à la suite de l’enquête du Service national des enquêtes. Je remarque, par contre, qu’après l’Op Harpoon, l’intensité et la cadence opérationnelle étaient à la baisse pour l’ensemble du groupement tactique.
 

En ce qui concerne l’impression des tireurs d’élite d’avoir été traités différemment, mes enquêteurs ont interrogé un certain nombre de personnes qui avaient été en contact avec les tireurs d’élite pendant le déploiement, y compris du personnel de la chaîne de commandement et des membres du peloton de reconnaissance. Nous leur avons posé toute une série de questions visant à déterminer comment les divers événements ont influé sur leurs relations avec les tireurs d’élite. Aucune des personnes interrogées n’a déclaré avoir traité les tireurs d’élite différemment; de fait, nombre d’entre elles ont déclaré les tenir en haute estime. Mes enquêteurs n’ont trouvé aucune preuve permettant de conclure que les tireurs d’élite ont été ostracisés par les membres du groupement tactique ou par la chaîne de commandement.
 

Néanmoins, il est raisonnable de croire que les tireurs d’élite ont été traités différemment par les autres membres du groupement tactique, en raison des rumeurs qui circulaient concernant la profanation de cadavres. Il est possible que certaines personnes aient craint que ces allégations ne ternissent l’image des FC. Il est tout à fait possible, par conséquent, que ces personnes aient cherché à se distancier des tireurs d’élite. Toutefois, rien ne me permet de conclure que la chaîne de commandement aurait encouragé ou causé une telle réaction. De fait, au cours de cette période, on avait soumis le nom des tireurs d’élite en vue d’une distinction éventuelle, soit une citation à l’ordre du jour, concernant leur participation à l’Op Anaconda.
 

Table des matières
 

Traitement des tireurs d’élite après le déploiement

Les quatre membres de l’équipe de tireurs d’élite d’origine qui sont demeurés en Afghanistan, y compris le Caporal-chef Ragsdale, ont été traités de la même façon que les autres membres du groupement tactique à la fin du déploiement. Ce traitement comprenait une période de décompression à Guam avant leur retour au Canada, le congé en bloc, les questionnaires médicaux, les entrevues et, le cas échéant, des soins de suivi.
 

À titre de reconnaissance des services qu’ils ont rendus dans le cadre de l’Op Apollo, l’ambassadeur des États Unis a présenté la médaille de l’Étoile de bronze à cinq des six tireurs d’élite de l’équipe d’origine, le 8 décembre 2003, à l’occasion d’une cérémonie privée tenue à Edmonton. À la même occasion, le Chef d’état major de la Défense leur a présenté l’insigne des citations à l’ordre du jour et la Mention élogieuse du commandant en chef à l’intention des unités. La cérémonie a été tenue en privé, à la demande de l’un des tireurs d’élite, afin de protéger leur identité. Par conséquent, les FC et les États Unis ont tous deux reconnu officiellement les services extraordinaires des tireurs d’élite. Le même jour, on a souligné les efforts des autres membres du groupement tactique du 3 PPCLI à l’occasion d’une cérémonie publique. Le sixième tireur d’élite n’a pas pris part à la cérémonie, mais il a subséquemment reçu la reconnaissance et les distinctions auxquelles il avait droit à titre de membre du groupement tactique.
 

Étant donné la reconnaissance qu’on leur a témoignée et les décorations et distinctions honorifiques qu’on leur a remises pour souligner leurs réalisations, je suis d’avis que les tireurs d’élite ont été traités de façon équitable. Cependant, même si leur reconnaissance était juste, je ne peux arriver à la même conclusion en ce qui concerne le processus menant à cette reconnaissance, lequel a duré 21 mois. Un tel retard est à la fois déraisonnable et non souhaitable. Je reviendrai à cette question dans une section subséquente.
 

Pour ce qui est du Caporal-chef Ragsdale en particulier, comme je l’ai déjà indiqué, le processus de dépistage après le déploiement a révélé l’existence de problèmes de santé mentale, et on l’a renvoyé à sa travailleuse sociale qui a traité son SSPT.
 

Quand sa travailleuse sociale a recommandé qu’on lui accorde un congé de maladie, il l’a obtenu. En juillet 2003, le Caporal-chef Ragsdale a été inscrit sur la Liste des effectifs du personnel non disponible. Quand son état de santé s’est aggravé, on l’a admis dans un établissement de soins de santé, le 27 novembre 2003. Après avoir obtenu son congé de cet établissement, il a continué de consulter sa travailleuse sociale, qui a déterminé qu’il était incapable de tolérer le contact avec le personnel militaire. Sa travailleuse sociale a dit aux membres de son unité de ne pas communiquer avec lui. Comme je l’ai déjà signalé, il a été libéré des FC pour des raisons de santé en janvier 2005. Depuis sa libération, il continue de recevoir des traitements et du soutien, sous la coordination du MDN et d’Anciens combattants Canada.
 

On ne saurait nier que l’histoire du Caporal-chef Ragsdale est extrêmement douloureuse, mais on pourrait difficilement conclure que les FC l’ont traité de façon inéquitable après le déploiement. Ses expériences en théâtre des opérations ont presque certainement mené ou contribué à sa détresse psychologique, mais cette détresse a été diagnostiquée et traitée. Il semble que des efforts raisonnables aient été déployés pour faciliter sa réintégration dans la vie militaire normale : on a reconnu sa vaillance et ses exploits à l’occasion d’événements publics et privés; on lui a consenti un congé pour raisons médicales et on lui a dispensé des soins; et les FC lui ont offert du soutien durant un certain nombre de transitions douloureuses.
 


 

3. Exemples d’incidents critiques : être témoin d’une catastrophe naturelle ou d’un accident aérien, être victime d’une agression, être témoin d’un suicide et voir un collègue mourir ou se faire grièvement blesser dans l’exercice de ses fonctions.
 

Table des matières

 

Les quatre préoccupations soulevées par M. Ragsdale

Je vais maintenant me pencher sur les quatre préoccupations soulevées par M. Ragsdale dans sa lettre du 21 avril 2004, au sous ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires).
 

  1. Pourquoi a-t-on a laissé le Caporal-chef Ragsdale et les autres tireurs d’élite du 3 PPCLI, se faire traiter si mal qu’on a dû les retirer du service actif en raison de problèmes liés au SSPT?
     

M. Ragsdale croyait savoir que tous les tireurs d’élite du 3 PPCLI qui ont participé à l’Op Anaconda avaient été retirés du service actif parce qu’ils souffraient du SSPT, et que ce dernier était attribuable à la façon dont on les avait traités.
 

Or, des six tireurs d’élite, deux ont continué de servir après leur retour de l’Afghanistan, et sont encore en service à ce jour; un autre est demeuré en service actif jusqu’à sa libération volontaire des FC. Les trois autres, y compris le Caporal-chef Ragsdale, ont fait l’objet d’un diagnostic de SSPT et ont reçu des traitements médicaux de façon continue. Ces derniers ont finalement été libérés des FC.
 

Le principe de l’universalité de service au sein des FC exige que tout militaire soit apte à être un « soldat d’abord ». Cependant, pour diverses raisons, les membres des FC peuvent, pour des raisons qui ne sont pas nécessairement liées au SSPT, ne pas être en mesure de s’acquitter de tous les devoirs que leur confient les FC. À l’époque, 4 la politique des FC prévoyait qu’il fallait prendre des mesures d’adaptation à l’égard des membres qui n’étaient pas conformes au principe de l’universalité du service. Dans le cas des tireurs d’élite visés par un diagnostic de SSPT, les FC ont eu recours aux mécanismes disponibles (comme le congé pour raisons médicales et la Liste des effectifs du personnel non disponible) pour les maintenir au sein de l’effectif le plus longtemps possible, dans l’espoir qu’ils seraient en mesure de reprendre le service. Lorsqu’on a conclu qu’ils ne seraient pas en mesure de retourner à l’unité, les FC les ont libérés et leur ont consenti les traitements médicaux et les avantages financiers auxquels ils avaient droit.
 

Le SSPT est une maladie grave et demeure, malheureusement, un risque inévitable du service actif pour les soldats. Le diagnostic du SSPT est un processus complexe, et il est parfois difficile d’en déterminer exactement la cause. Dans le cas qui nous occupe, trois des six tireurs d’élite ont fait l’objet d’un diagnostic de SSPT. Toutefois, rien ne me porte à croire que le traumatisme psychique des tireurs d’élite découle d’un traitement injuste ou inéquitable par les FC.
 

  1. Pourquoi le Caporal-chef Ragsdale a fait l’objet d’accusations au criminel et d’enquêtes non fondées au lieu de recevoir le traitement et la reconnaissance qu’il méritait de la part de l’armée au sein de laquelle il a servi?
     

Comme je l’ai signalé dans le présent rapport, des allégations ont été faites selon lesquelles le Caporal-chef Ragsdale et son commandant adjoint auraient profané le cadavre d’un ennemi. Comme je l’ai indiqué plus haut, ces allégations ont fait l’objet d’une enquête.
 

Le Caporal-chef Ragsdale et le commandant adjoint ont été relevés de leurs fonctions jusqu’à ce que cette enquête soit terminée. À la fin de l’enquête, aucune accusation n’a été portée, faute de preuves permettant d’attribuer cette infraction à quiconque. Même s’il n’a pas fait l’objet d’accusations au criminel relativement à l’allégation le concernant, le Caporal-chef Ragsdale a été remplacé à titre de chef du détachement de tireurs d’élite. Compte tenu de la nature et la gravité de l’allégation, je suis d’avis qu’il était indiqué de soumettre l’affaire au Service national des enquêtes.
 

En outre, je crois savoir que d’autres enquêtes ont été menées, pendant et après le déploiement, et que le Caporal-chef Ragsdale a été interrogé dans le cadre de ces enquêtes. L’une d’elles concernait l’enquête de la police militaire relative à la plainte de l’aumônier, et l’autre concernait la perte d’équipement. Le Caporal-chef Ragsdale n’était pas un suspect dans le cadre de ces enquêtes, et rien ne me porte à croire que les enquêtes auraient nui à sa carrière.
 

Enfin, comme je l’ai déjà signalé, je crois savoir que la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire a accepté de se pencher sur cet aspect de la plainte du Caporal-chef Ragsdale.
 

  1. Pourquoi les FC n’ont pas fait un effort sincère pour garder le Caporal-chef Ragsdale et les autres tireurs d’élite en service actif afin qu’ils fassent bénéficier d’autres soldats de leur expérience du combat?
     

Comme je l’ai dit dans ma réponse à la première question de M. Ragsdale, chaque membre des FC doit être apte à exercer les fonctions de soldat d’abord et avant tout. Or, deux des tireurs d’élite déployés dans le cadre de l’Op Anaconda ont été retirés du service actif pour des raisons médicales. Pendant son traitement, on a déployé tous les efforts possibles pour intégrer le Caporal-chef Ragsdale aux opérations. Il a participé à la formation des tireurs d’élite et a eu l’occasion de partager son expérience de combat avec les autres. De même, d’autres membres de l’équipe d’origine de tireurs d’élite ont également enseigné et tenu des séances d’information dans le cadre de cours des FC. Lorsqu’il n’était plus possible de maintenir en effectif le Caporal-chef Ragsdale et l’autre tireur d’élite en raison de leur état de santé, les FC les ont libérés.
 

À cet égard, je considère que des efforts authentiques et raisonnables ont été déployés afin que le Caporal-chef Ragsdale demeure en service actif, selon le concept du principe de l’universalité du service. Je conclus que le Caporal-chef Ragsdale et son collègue ont été traités équitablement par les FC.
 

  1. Comment les FC et le gouvernement fédéral vont réparer les torts causés à ces cinq héros canadiens dont on a détruit la vie et la carrière parce qu’ils ont servi leur pays avec honneur?
     

Selon moi, il ne fait aucun doute que les compétences des tireurs d’élite et leur contribution à l’Op Apollo ont été appréciées. Cette contribution a été grandement soulignée et médiatisée. Les tireurs d’élite ont été reconnus pour leur rendement exceptionnel; plus particulièrement, ils ont reçu deux distinctions qui n’ont pas été décernées à la plupart des autres membres du groupement tactique : la citation à l’ordre du jour et la médaille de l’Étoile de bronze des États Unis. Toutefois, il est évident que cette reconnaissance n’a pas été manifestée en temps opportun. Je traiterai de cette question particulière un peu plus loin.
 

Comme je l’ai déjà indiqué, j’ai conclu que les FC ont pris des mesures raisonnables et appropriées pour employer et fournir des soins à ces tireurs d’élite, y compris au Caporal-chef Ragsdale, chez qui on a diagnostiqué le SSPT, aussi longtemps que cela était possible sur le plan opérationnel.
 

La guerre et le combat sont des situations extrêmement difficiles et, très souvent, traumatisantes. Malheureusement, il est inévitable qu’il y ait différents types de victimes, notamment des victimes du SSPT, comme ce fut le cas ici.
 

Il est essentiel que le gouvernement du Canada, les FC et Anciens Combattants Canada s'assurent que ces victimes – et les membres de leur famille, le cas échéant – reçoivent en tout temps une attention, des soins et des traitements de grande qualité, en plus des avantages adéquats. De façon générale, j’en conclus que c’est le cas en ce qui concerne ces tireurs d’élite. Toutefois, l'affaire est tout autre pour le plaignant, M. Ragsdale, comme nous le verrons dans la section suivante du présent rapport.
 

Les FC auraient elles pu en faire davantage pour ces soldats? Même si je reconnais le malaise de M. Ragsdale en tant que père, je suis d’avis que le MDN et les FC, de même que le gouvernement du Canada, ont reconnu de façon adéquate la contribution des tireurs d'élite à l’Op Apollo. De plus, j’en arrive aussi à la conclusion que les efforts déployés par les FC pour les maintenir en poste furent raisonnables.
 

De plus, comme je l’ai déjà mentionné, une fois que l'on a reconnu que certains tireurs d’élite seraient incapables de continuer à servir dans les FC en raison du SSPT découlant des opérations, ils ont eu droit à des bénéfices et à des avantages, comme des pensions médicales et l’accès à des soins médicaux, avantages que le gouvernement du Canada continue de leur fournir.
 

Il est important de souligner que, au cours de notre enquête, le Caporal-chef Ragsdale a indiqué qu’il était satisfait des services médicaux qu’il avait reçus, en tant que membre des FC et depuis sa libération.
 


 

4. Le 8 mai 2006, la DOAD 5023 1 (Critères minimaux d’efficacité opérationnelle liés à l’universalité du service) remplaçait la Politique sur les mesures d’adaptation.

 

Table des matières

 

Réponse du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes aux préoccupations de M. Ragsdale

Même si mon enquête m'a permis de conclure que les FC ont, en grande partie, traité les tireurs d'élite de façon juste et équitable, je suis conscient des préoccupations de M. Ragsdale concernant son fils. Il a fait part de ses préoccupations directement au ministre de la Défense nationale et par la suite au Chef d’état-major de la Défense. En ce qui concerne cette partie de l’enquête, la principale question consiste à savoir si l’on a tenu compte de façon appropriée des préoccupations d’un membre de la famille proche.
 

M. Ragsdale, qui demeure en Ontario, s’est naturellement préoccupé de la situation de son fils, de qui il était séparé par une distance géographique considérable, que ce soit pendant le déploiement du Caporal-chef Ragsdale en Afghanistan ou à son retour à Edmonton. Il a mentionné à mes enquêteurs que, lorsqu’il a rencontré son fils le jour de Noël en 2002, il a subi un choc en constatant l’état d'esprit dans lequel il se trouvait et la mesure dans laquelle il avait changé sur le plan physique.
 

Comme bon nombre d'autres parents préoccupés par le bien être de leurs enfants, il a écrit au ministre de la Défense nationale. Une lettre envoyée à un ministre enclenche normalement un processus bureaucratique qui entraîne une réponse prudente et parfois défensive à l’égard des questions précises soulevées. Il est peu probable qu’une telle correspondance permette de bâtir une relation fondée sur la confiance mutuelle – et elle ne donnera probablement pas au membre de la famille les réponses qu’il a réellement besoin d’entendre.
 

La correspondance de M. Ragsdale avec le MDN et les FC reflète l’angoisse d’un parent faisant face à la maladie invalidante de son fils, contre laquelle il ne peut rien. Ces préoccupations exigeaient une réponse rapide et réfléchie. Par contre, on a plutôt accusé réception de ses lettres de façon polie et répétée, sans jamais y répondre de façon appropriée. Le 19 mars 2003, M. Ragsdale a écrit de toute urgence au Ministre pour lui indiquer que l’on n’avait pas accusé réception de sa lettre précédente, envoyée le 25 avril 2002, et qu’il venait tout juste de recevoir un courriel troublant de son fils. Voici la réponse qu’on lui a fait parvenir en date du 28 mars 2003 [Traduction] :  « Au nom du ministre de la Défense nationale, j’aimerais accuser réception de votre lettre. Nous vous assurons que votre correspondance sera examinée. »  
 

Il s’agissait de la première de quatre lettres semblables envoyées au nom du Ministre, lesquelles étaient les seules réponses aux demandes de renseignements présentées de façon continue, jusqu’à la réception d’un courriel du Ministre daté du 28 juillet 2003, dans lequel on pouvait y lire ce qui suit [Traduction]:  « Je vous remercie de vos lettres du 24 mars, du 4 avril, du 11 juin et du 1er juillet 2003 concernant les problèmes auxquels votre fils, le Caporal-chef Ragsdale, a fait face depuis sa participation à l’Op Anaconda en Afghanistan. Veuillez m’excuser du retard de ma réponse. Je suis désolé d’apprendre que votre fils éprouve des problèmes de santé, mais on m’a assuré qu’il recevait les meilleurs soins médicaux possibles. La nature grave de l’allégation soulevée par l’un des tireurs d’élite ayant servi en Afghanistan en 2002 a exigé la tenue de plusieurs processus d'enquête, et nous n’avons pas terminé toutes les enquêtes connexes. Par conséquent, il serait inapproprié pour moi de formuler des commentaires concernant ces dossiers. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le MDN ne divulgue aucun renseignement personnel aux tierces parties, y compris des membres de la famille, sans le consentement écrit exprès de la personne concernée. J’ai donc joint à cette lettre un formulaire de consentement que doit remplir le Caporal-chef Ragsdale. Une fois son consentement obtenu, je serai en mesure de vous donner davantage de détails. »
 

Malgré sa correspondance exhaustive avec le Ministre et les officiers supérieurs du Quartier général de la Défense nationale à Ottawa, M. Ragsdale n'a jamais reçu de renseignements qui auraient pu lui donner confiance à l’égard des FC – par exemple des renseignements sur la séance de verbalisation suivant un incident critique, des renvois à l’expérience des FC à l'égard du SSPT et des conseils sur la façon dont les membres de la famille peuvent soutenir les soldats souffrant de cette maladie liée au combat. Aucun de ces renseignements ne requiert un formulaire de consentement ni ne dépend de la conclusion d’enquêtes particulières.
 

Il semble qu’aucun officier supérieur ne lui ait téléphoné ni n’ait tenté de l’écouter. À plusieurs occasions, M. Ragsdale a fait allusion, avec dédain, aux allégations faisant l’objet d’une enquête du Service national des enquêtes. Personne n’a tenté de lui expliquer que l’infraction présumée – la profanation d’un corps humain – était suffisamment grave pour justifier la tenue d'une enquête.
 

On peut faire valoir que, d’un point de vue technique, on a répondu avec exactitude aux lettres de M. Ragsdale. Toutefois, d’un point de vue humain, un membre de la famille proche qui traverse la même situation que M. Ragsdale mérite d'être mieux traité.
 

Sa lettre au Ministre aurait dû mener à un appel téléphonique non-officiel et direct de la part du MDN et des FC, au cours duquel une personne informée et compréhensive aurait pu écouter ses préoccupations pour ensuite lui fournir des renseignements contextuels qui auraient pu l'aider, de même que les autres membres de la famille, à faire face au manque d’information, à l'incertitude et au stress entourant leur situation.
 

Dans de tels dossiers, qui sont de nature émotive et si importants pour les personnes concernées, il faut transcender les règles bureaucratiques. Je remarque que, à la suite des demandes de renseignements qu’il a présentées à la base d’Edmonton, M. Ragsdale a réagi positivement à une conversation téléphonique qu’il a eue le 28 novembre 2003 avec le médecin militaire de la base, de même qu’à une conversation avec le personnel soignant de son fils. Le même genre de réponse donnée personnellement de façon non-officielle, mais faisant autorité et, par dessus tout, en temps opportun, aux autres préoccupations de M. Ragsdale concernant des questions d’équité aurait réglé la situation sans que nous ayons recours à l’enquête faisant l’objet du présent rapport.
 

Je considère que M. Ragsdale n'a pas été traité par le MDN et les FC de manière appropriée et de la façon dont tout autre membre de la famille préoccupé par la situation d’un soldat blessé en théâtre d’opérations s'attendrait à être traité5. Par conséquent,
 

Je recommande que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes s’assurent que les membres de la famille qui soulèvent des préoccupations importantes au sujet de la santé ou du bien être d’un membre des Forces canadiennes ou d’un employé du ministère de la Défense nationale soient officiellement reconnus et dirigés vers une intervention de soutien immédiate, personnelle et opportune, au moyen d’un mécanisme établi et solide.
 

Les FC se sont engagées à prendre soin de leurs militaires. Je crois que cela doit comprendre le fait de prêter attention aux membres d’une famille qui expriment d'importantes préoccupations concernant le bien être du militaire en service. Notre Bureau a déjà abordé quelques unes de ces questions dans le rapport spécial intitulé Quand tombe un soldat, dans lequel nous avons conclu que les membres de la famille d’un soldat des Forces armées, décédé à la suite d’un accident survenu au cours d'une formation, ont personnels de façon ouverte et utile. Il semble que les FC aient toujours du travail à accomplir à cet égard, comme en fait foi la façon dont elles ont abordé les préoccupations de M. Ragsdale et le fait que mon Bureau a récemment reçu une plainte du père d'un soldat décédé en Afghanistan concernant les difficultés importantes qu’il a eues à obtenir des renseignements fondamentaux sur le décès de son fils.
 


 

5. Depuis le déploiement en Afghanistan en 2002, je constate que le système de soutien pour les pertes subies au cours d’opérations s’est développé. En 2005, les Forces canadiennes ont créé des postes de coordonnateurs régionaux du soutien aux familles des militaires, qui œuvrent au sein de la structure du Soutien social aux victimes de stress opérationnel.
 

Table des matières

 

Quatre questions particulières

En raison de l'enquête et des expériences vécues par les tireurs d’élite pendant et après l’Op Apollo, quatre questions supplémentaires devraient faire l'objet de discussions, puisque nous pourrions, à cet égard, améliorer les politiques et pratiques du MDN et des FC, et ainsi nous assurer que les membres des FC sont mieux servis à l'avenir.
 

Décorations et reconnaissance

La pratique consistant à décerner des décorations est profondément enracinée dans l’histoire et fait partie intégrante de la culture militaire. Le chapitre 18 des Ordonnances et règlements royaux explique en détail la politique et la pratique des FC à cet égard applicables aux FC. On définit les « distinctions honorifiques » comme tous les genres de décorations nationales que les militaires des FC peuvent se voir décerner par le gouverneur général au nom de la Reine. Ces distinctions honorifiques permettent de reconnaître des réalisations particulières et s’assortissent d’un certain prestige. 
 

Pour s'assurer que les distinctions honorifiques et les décorations sont décernées de façon équitable et crédible, les FC ont mis en place un processus de mise en candidature et ont créé le Comité consultatif sur les décorations et sur les mentions élogieuses des FC afin qu’il surveille le processus. Le Comité passe en revue et recommande la remise de toutes les décorations. Une fois formulées par le Comité consultatif sur les décorations et sur les mentions élogieuses des FC, les recommandations concernant des distinctions honorifiques nationales sont envoyées par le Chef d’état-major de la Défense à la Chancellerie des distinctions honorifiques afin que la gouverneure générale les approuve.
 

Les FC ont également établi une politique (OAFC 18 6, Médailles, décorations et ordres du Commonwealth et des pays étrangers) interdisant à leurs membres d’accepter un ordre, une décoration ou une médaille d’un pays étranger sans l’approbation préalable du gouvernement du Canada. Dans le cadre de ce processus, le pays étranger doit envoyer une demande par l'entremise de l’ambassade canadienne appropriée au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui la fait parvenir à la Chancellerie des distinctions honorifiques afin de recevoir l’approbation de la gouverneure générale. Après l'approbation, la dernière étape consiste en la publication dans la Gazette du Canada. Par la suite, les FC décernent l’ordre, la décoration ou la médaille dans le cadre d'un événement approprié.
 

Cinq membres du groupe initial des tireurs d’élite qui ont servi durant Op Anaconda ont reçu les quatre décorations et médailles suivantes :
 

  • La Médaille du service en Asie du Sud Ouest, qui reconnaît la participation des membres des FC déployés dans le cadre d’opérations de lutte contre le terrorisme en Asie du Sud Ouest ou qui offrent un soutien direct à ces opérations;
     
  • La Mention élogieuse du commandant en chef à l’intention des unités, qui peut être décernée à toute unité ou sous unité des FC pour ses hauts faits ou les activités qu'elle a menées avec un degré d’excellence exceptionnel dans des circonstances extrêmement dangereuses;
     
  • La citation à l’ordre du jour, qui peut être remise aux membres des FC et à d’autres personnes qui travaillent avec, ou en collaboration avec les FC pour des actes de bravoure et de dévouement au devoir ou tout autre service distingué;
     
  • La médaille de l’Étoile de bronze, décoration de l’armée américaine qui peut être décernée à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions dans les Forces armées américaines ou auprès de celles ci, se distingue par son héroïsme, ses réalisations extraordinaires ou son service exceptionnel.
     

Il y a eu d'importants retards dans la remise de la Mention élogieuse du commandant en chef à l’intention des unités, de la citation à l'ordre du jour et de la médaille de l’Étoile de bronze. Il s’est écoulé 21 mois entre le moment où les actes pour lesquels ils ont été reconnus ont été posés et la présentation de ces décorations. Ce n’est que le 16 avril 2003 que le Comité consultatif sur les décorations et sur les mentions élogieuses des FC a approuvé les mises en candidature pour les distinctions honorifiques canadiennes. Entre temps, la mise en candidature pour la médaille de l’Étoile de bronze s’est déroulée de façon adéquate, ce qui comprend l'approbation par un conseil au Quartier général de l’armée américaine, l’acceptation de l’ambassade américaine à Ottawa, la production de la décoration et de la médaille aux États Unis, l’envoi du produit fini à l'ambassade américaine au Canada, le renvoi au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et l’examen par la gouverneure générale. L’avis concernant la citation à l’ordre du jour et à la médaille de l’Étoile de bronze n’a paru dans la partie I de la Gazette du Canada que le 8 novembre 2003; comme je l’ai précisé ci dessus, elles ont été remises aux cinq tireurs d’élite le 8 décembre 2003 au cours d’une cérémonie privée, durant la remise des décorations du groupement tactique.
 

Il n'est pas inhabituel que le processus de remise des distinctions honorifiques à nos soldats prenne autant de temps, et non seulement les tireurs d’élite, mais également tous les membres des FC ayant pris part à l’Op Apollo ont vécu la même situation.
 

Toutefois, je considère qu’un tel délai est trop long. De même, je crois que la reconnaissance suppose bien plus que des médailles et des décorations. 6 Il est important, dans le cadre du processus, que le gouvernement du Canada reconnaisse les réalisations ou les services, particulièrement ceux comprenant des actes de bravoure, de manière opportune. L'actuel programme de décorations et de distinctions honorifiques semble ne pas être appliqué de façon uniforme et ne pas être bien connu. Bon nombre de commandants ne savent pas qu’il existe une procédure spéciale que l’on peut appliquer pour accélérer le processus dans certaines circonstances opérationnelles. Il en résulte que le délai d’approbation varie de très rapide à extrêmement lent, et que très peu de personnes reçoivent une reconnaissance en temps opportun. Je sais que les officiers supérieurs des FC s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un domaine où des améliorations sont nécessaires. Je les presse de procéder rapidement à cet égard et de s’assurer que le processus de reconnaissance des réalisations des membres des FC est opportun et efficient.
 

En conclusion, je considère que les tireurs d’élite ont finalement été reconnus de la façon dont ils le méritaient. Toutefois, je ne crois pas que le processus des FC pour recommander, approuver et décerner des décorations est opportun. En conséquence,
 

Je recommande que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes examinent leurs politiques et leurs pratiques relatives aux médailles et honneurs, et qu’ils s’assurent que les demandes de reconnaissance et de décorations du Canada sont présentées avec diligence à la chaîne de commandement par les commandants, de façon à ce que, une fois l’approbation obtenue, on les décerne dans les six mois qui suivent la formulation de la recommandation.
 

Table des matières
 

Couverture médiatique

Les médias se sont considérablement intéressés au déploiement en Afghanistan, et les journalistes ont été intégrés à la mission. La politique des FC concernant les contacts de leurs membres avec les médias peut se résumer ainsi :
 

  • On encourage les militaires à répondre aux questions des médias qui relèvent de leur domaine d'expertise;
     
  • Ils ne sont pas tenus d’accepter des entrevues ou des demandes des médias;
     
  • Ils ne doivent pas formuler de commentaires ni spéculer sur la politique gouvernementale.
     

Les journalistes intégrés aux FC devaient accepter de suivre certaines règles établies par les FC en fonction de l’Entente sur les règles de base (« Ground Rules Agreement ») utilisée par l’armée américaine. Entre autres, l’entente protégeait le personnel de la publication d’information qui pourrait menacer leur sécurité ou leur sûreté.
 

Dès le début, les journalistes furent extrêmement intéressés par les tireurs d’élite, qui faisaient l’objet de plusieurs articles. Un officier des affaires publiques des FC et quelques représentants de la chaîne de commandement ont rencontré rapidement quelques uns des tireurs d'élite pour discuter de la façon de traiter les demandes de renseignements des médias tout en protégeant leur identité. La protection de l’identité était une question importante pour le groupe. Les tireurs d’élite avaient l'impression qu’ils pouvaient être à risque, de même que les membres de leur famille, si leur nom et leur visage étaient révélés. Toutefois, la politique des FC n’englobe pas la protection de l’identité des membres, à moins qu’il n’y ait une raison de sécurité officielle pour le faire, comme c'est le cas pour les forces spéciales du Canada, particulièrement la Deuxième Force opérationnelle interarmées.
 

Même s’ils étaient préoccupés par la protection de leur identité, plusieurs tireurs d’élite ont participé à des entrevues dans les médias et ont permis qu’on prenne leur photographie. Toutefois, ils ont expliqué à mes enquêteurs qu’ils ont accepté cela en vertu d’une entente verbale avec les journalistes selon laquelle leur identité serait protégée. Dans un cas particulier, on a tourné des images vidéo dans lesquelles on pouvait voir le visage des tireurs d’élite. Une fois de plus, il semble y avoir eu une entente selon laquelle leur nom ne serait par divulgués, leur visage ne serait pas visible et ils auraient l’occasion de visualiser le matériel avant qu’il ne soit diffusé.
 

Selon certains tireurs d’élite, le commandant les a encouragés à participer à ce tournage. Par contre, au cours d’une entrevue distincte, le commandant a exprimé des doutes concernant le fait qu’il aurait explicitement fourni un tel encouragement, mais a déclaré à mes enquêteurs qu’il a peut être mentionné que le journaliste en question était fiable. Comme les journalistes participants ont refusé d'être interrogés, nous n’avons pas été en mesure d’évaluer leur propre interprétation de l’entente avec les tireurs d’élite.
 

En ce qui concerne la bande vidéo, le visage de certains des tireurs d’élite a été révélé au public. Dans certains cas, leur nom et leur grade ont été divulgués dans la presse écrite, et, dans deux autres cas, on a publié une photographie de tous les tireurs d'élite. Cela a soulevé des préoccupations au sein du groupe des tireurs d'élite. L’un d’eux a déclaré [Traduction] :  « Mes parents recevaient des appels téléphoniques de gens que je n’avais pas vu depuis des années. Ils m’ont vu à la une du journal en tant que tireur d’élite. Personnellement, je préfère qu’ils ne sachent pas précisément ce que je fais. Je suis exposé. C’est une très grosse conséquence – les membres de ma famille et moi devons nous préoccuper de certaines choses parce que j’ai été exposé. » 
 

Comme je l’ai déjà indiqué, certains tireurs d'élite ont déclaré à mes enquêteurs qu’ils avaient compris qu’ils auraient l’occasion de visionner le documentaire avant qu’il ne soit rendu public. Contrairement à ce qu’ils croyaient avoir conclu dans l’entente, le journaliste qui a produit le documentaire n'a pas permis aux tireurs d'élite de visionner la bande vidéo. Cette dernière, qui a été diffusée dans le cadre d’une série de trois épisodes portant sur les opérations en Afghanistan, à l’insu des tireurs d’élite, montrait très clairement le visage de certains membres de l’équipe.
 

Je crois comprendre que, après le déploiement, plusieurs tireurs d’élite ont volontairement accordé des entrevues aux représentants des médias, dans lesquelles ils acceptaient de rendre leur identité publique. Je souligne toutefois que cela a eu lieu après que leur identité était déjà connue du public, malgré les efforts déployés pour empêcher une telle divulgation. De plus, les tireurs d’élite avaient déjà pris leur retraite des FC à ce moment là.
 

Les membres des FC, qu’ils soient déployés à l’étranger ou au Canada, sont vulnérables à de tels malentendus. De plus, en théâtre d'opération, ils travaillent très près des journalistes, qu’ils apprennent souvent à connaître. Certains membres peuvent faire des commentaires dans un contexte qu’ils jugent non officiel, tandis que les journalistes peuvent considérer qu’il s’agit d'une entrevue. Les membres des FC sont, à juste titre, fiers de ce qu’ils accomplissent, et il est naturel de profiter de la reconnaissance qu’apporte l’attention des médias. Je suis d’avis que les membres des FC bénéficieraient grandement de la mise en place de lignes directrices précises et explicites qui établiraient clairement les conditions d’une entente entre les FC, et les journalistes intégrés aux missions et qui expliqueraient la mesure dans laquelle le matériel serait visionné avant sa diffusion, s’il y a lieu.
 

Le désir d’ouverture et de transparence exprimé par les FC en permettant l’intégration des journalistes aux déploiements est louable. Toutefois, les expériences vécues par les tireurs d’élite montrent qu’il existe une lacune grave dans le système. Chaque personne a le droit de refuser une entrevue. Cela dit, lorsqu’elle l’accepte, elle doit être pleinement consciente du fait que l’anonymat n'est pas garanti. Dans le contexte d’une entrevue avec des journalistes intégrés aux opérations, la protection de l’identité d’un membre des FC devient encore plus compliquée, puisque son nom et son grade sont connus du journaliste. De plus, une fois que les journalistes ne sont plus intégrés à la mission, le MDN et les FC n’ont aucun pouvoir sur ce qu’ils publient.
 

L’Op Apollo était une nouvelle expérience pour les FC, et l’intégration des journalistes constituait un nouveau concept. Comme je l’ai précédemment expliqué, les journalistes étaient tenus de suivre les règles des FC établies en fonction de l’entente sur les règles de base utilisées par l’armée américaine. Depuis, les FC ont créé leurs propres règles de base des médias intégrés (SMA (AP)/J5AP, Instruction 0301, publiée le 12 novembre 2003, puis révisée en juin 2006). Les règles de base énoncent le genre de conduite à laquelle on s’attend de la part des journalistes intégrés, et un feuillet d'information distinct dresse la liste des types de renseignements dont la diffusion doit être interdite ou retardée pour des raisons de sécurité opérationnelle. Les journalistes intégrés aux FC signent une  « entente sur les règles de base et l’intégration des médias », dans laquelle ils acceptent de se conformer aux règles de base. L’actuelle liste des renseignements pouvant être diffusés ou non précise que le matériel suivant ne peut être communiqué : images ou bandes vidéo d’unités opérationnelles spéciales et tout autre renseignement dont la diffusion peut être interdite par le commandant de la force opérationnelle pour des raisons opérationnelles. En plus de cette entente, les journalistes signent  « une entente avec le ministre de la Défense nationale  », dans laquelle ils acceptent de se soumettre au Code de discipline militaire, de même qu’à  « toutes les ordonnances et instructions du commandant de la force opérationnelle  » à laquelle ils sont intégrés.
 

Même si les règles de base des médias intégrés fournissent un cadre général en ce qui a trait aux journalistes intégrés à la mission, le MDN et les FC ont, au bout du compte, peu de pouvoir sur eux. Cela dit, compte tenu des conséquences éventuelles pour les militaires et les membres de leur famille, je crois que le MDN et les FC doivent tout de même s’assurer que chaque personne déployée reçoit une formation officielle et appropriée concernant les risques associés au fait d’être interviewé par un journaliste, que ce soit de façon officielle ou non. Il s’agit là d’un domaine où, selon moi, le Ministère peut apporter des améliorations. En conséquence,
 

Je recommande que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes s’assurent que chaque personne qui se prépare à être déployée bénéficie, à tout le moins, dans le cadre de sa formation préalable au déploiement, d’une séance d’information sur les droits, les responsabilités et les limites à la protection que procurent les règles de base actuelles relatives aux médias intégrés, et sur les risques liés au fait de consentir une entrevue aux médias.
 

Table des matières
 

Séance de verbalisation suivant un incident critique

La politique en vigueur (l’OAFC 34 55) exige une intervention structurée connue sous le nom de séance de verbalisation suivant un incident critique lorsque des membres font face à un « incident critique ». Comme je l’ai souligné précédemment, la séance de verbalisation suivant un incident critique vise à réduire l’intensité et la durée des réactions physiques et psychologiques à l’incident, notamment dans le cas où on est témoin d’un décès au combat. La politique énonce que de telles séances de verbalisation suivant un incident critique ne peuvent être offertes que par un personnel qualifié – un travailleur social, un membre du personnel infirmier ou un médecin, un officier de sélection du personnel ou un aumônier. Toujours selon cette politique, l’intervention devrait avoir lieu, lorsque cela est possible, dans les 24 à 72 heures suivant l’incident – même si l’on doit tenir compte des situations opérationnelles.
 

Dans une situation normale, les tireurs d’élite auraient été de bons candidats pour une séance de verbalisation suivant un incident critique peu après l’Op Anaconda. Toutefois, ils ont été redéployés presque immédiatement dans le cadre de l’Op Harpoon, et on n’a donc pas pu tenir une telle séance. Comme il est indiqué plus haut, on a offert une séance de verbalisation suivant un incident critique aux tireurs d’élite 10 jours après leur retour de l’Op Harpoon.
 

L’opinion du domaine médical à l’égard des séances de verbalisation suivant un incident critique continue d’évoluer. Selon un médecin et épidémiologiste du MDN et des FC, des séances de verbalisation suivant un incident critique ont été grandement utilisées dans bon nombre d’organisations et dans de nombreuses situations de crise au début des années 90, avant que l’utilité et l’efficacité des séances n’aient été évaluées scientifiquement. Certaines recherches ont prouvé que les séances de verbalisation suivant un seul incident critique ne permettent pas de prévenir le SSPT – et peuvent même avoir des effets néfastes. De plus en plus, le personnel médical principal des FC préfère adopter une approche complète qui englobe les responsabilités partagées des chefs, des professionnels de la santé et des membres des FC. La formation des militaires afin qu’ils soient en mesure de fournir des séances de counselling concernant le stress à d’autres militaires constitue l’un des éléments d’une telle approche complète. Le milieu médical des FC ne soutient ni n’encourage plus le recours aux séances de verbalisation suivant un incident critique. Toutefois, je fais remarquer que la politique qui oriente les membres quant à son utilisation – l’OAFC 34 55 – demeure en vigueur. Selon moi, cela reflète un manque de cohésion entre la politique des FC et la façon de penser de la médecine actuelle. En conséquence,
 

Je recommande que la politique actuelle relative à la question du stress provoqué par un incident critique, l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes 34-55, soit examinée de manière à l’harmoniser avec l’approche plus complète, actuellement préconisée à l’égard de cette question.
 

En ce qui a trait aux séances de counselling concernant le stress offertes entre pairs, nous soulignons que les membres du 3 PPCLI ont parrainé le concept et se sont assurés du fait qu’une proportion importante des membres de l’unité recevait une formation appropriée. Au dire de tous, ces séances étaient perçues comme une initiative réussie. Néanmoins, en raison de la taille restreinte de l’équipe de tireurs d’élite, aucun membre n’a reçu la formation. L’École d’infanterie des FC recommande maintenant la formation d’un détachement de 18 tireurs d’élite en tant que modèle pour les opérations futures. En fonction de ce nouveau modèle, j’encourage les FC à s’assurer qu’au moins un membre du détachement reçoit la formation de soutien aux pairs. J’encourage également les autres sous groupements opérationnels susceptibles de faire face à des incidents critiques en théâtre d’opérations à faire de même. En conséquence,
 

  • Je recommande que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes veillent à ce que chaque unité déployée dispense à ses membres une formation adéquate en matière de counselling par les pairs. 
  •  
  • Je recommande que le commandant de l’unité déployée s’assure que, dans la mesure du possible, chaque sous unité et chaque sous groupe opérationnel comptent au moins un membre ayant bénéficié d’une formation en counselling par les pairs.
     

Problèmes survenus au cours de l’enquête

Au cours de l’enquête faisant l’objet du présent rapport, mon Bureau s’est heurté à une résistance considérable en tentant d’obtenir rapidement des documents complets, problème auquel nous n’avions jamais fait face dans le cadre d’une enquête.
 

Le 20 septembre 2004, le Chef d’état-major de la Défense a demandé au Bureau de mener enquête. Les documents joints à la lettre du Chef d’état-major de la Défense faisaient allusion à une CE créée pour examiner la carrière de l’un des tireurs d’élite avant et après sa participation à l’Op Apollo. Mes enquêteurs ont demandé et reçu une copie du mandat de la CE et de son rapport. Après avoir examiné ces documents, les enquêteurs ont déterminé que la plupart des renseignements présentés devant la CE étaient pertinents à l’enquête.
 

Par conséquent, en octobre 2004, le personnel du Chef d’état-major de l’Armée de terre a demandé des transcriptions de la déposition des témoins devant la CE. Les enquêteurs ont été informés du fait que les transcriptions devaient être passées en revue et que les renseignements personnels ne seraient pas divulgués. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le MDN et les FC ont passé en revue les documents et ont retiré les renseignements personnels qu’ils jugeaient non pertinents à notre enquête avant que les documents ne soient remis au personnel de mon Bureau aux fins de l’enquête.
 

Les transcriptions de la CE ont finalement été communiquées en février 2005; elles renfermaient des prélèvements importants. Dans certains cas, des pages entières étaient rayées. Après les avoir examinées, les enquêteurs se sont préoccupés du fait que les renseignements prélevés étaient peut être pertinents à l’enquête et que, sans eux, nous ne serions pas en mesure d’enquêter sur la question de façon complète et exhaustive, ce qui aurait des répercussions sur la qualité et la crédibilité de nos conclusions. L’état-major de l’Armée de terre a maintenu qu’aucun des renseignements prélevés des documents n’était pertinents à notre enquête. Toutefois, après un grand nombre de discussions, nous avons finalement réussi, en novembre 2005, à persuader l’état-major de fournir aux enquêteurs un accès absolu à ces renseignements.
 

De plus, en novembre 2004, on a présenté une demande directement au 3 PPCLI pour obtenir les journaux de guerre du groupement tactique, qui sont en fait des dossiers liés à un déploiement et conservés à des fins historiques. Encore une fois, les enquêteurs ont appris que tous les documents demandés devaient être examinés par le personnel de l’armée, en consultation avec le directeur de l’Accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, afin qu’il prélève des renseignements en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels avant que les documents ne puissent être remis au Bureau. Mes enquêteurs n’ont reçu un accès illimité à ces documents qu’en novembre 2005.
 

Je respecte l’engagement du MDN et des FC à protéger les renseignements personnels de chacun. Mon Bureau est également assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et nous traitons tous les renseignements de cette nature, recueillis par nos enquêteurs, conformément à cette Loi et en faisant preuve du même engagement que le MDN et les FC. Toutefois, compte tenu de la fonction du Bureau, cette pratique n’est pas défendable. L’organisme qu’un ombudsman est chargé d’examiner ne devrait pas avoir le pouvoir de déterminer les documents qu’un ombudsman a besoin ou qu’il a le droit d’examiner dans le cadre d’une enquête. Afin que nos enquêtes soient exhaustives et crédibles, et qu’elles soient considérées comme telles, le MDN et les FC ne peuvent établir cette détermination, responsabilité qui revient plutôt à mon Bureau. De plus, cette approche a retardé notre processus d’enquête. Des retards dans l’obtention des renseignements et des documents peuvent également avoir des répercussions sur l’exhaustivité et la crédibilité du processus d’enquête.
 

L’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes est nommé en vertu de l’article 5 de la Loi sur la défense nationale, à titre de délégué du ministre de la Défense nationale. Le Bureau mène ses activités en vertu des Directives ministérielles concernant l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des FC (le mandat). Le mandat accorde à l’Ombudsman le pouvoir d’enquêter sur les plaintes, et, en menant ces enquêtes, l’Ombudsman est tenu d’ « effectuer un examen approfondi de la plainte  ». Pour mener ces enquêtes de façon objective, impartiale et approfondie, il doit avoir accès à tous les renseignements, y compris les gens et les documents, considérés comme nécessaires à l’enquête. De même, en tant que délégué du ministre, je dois avoir accès aux mêmes documents et renseignements auxquels le Ministre aurait accès s’il menait lui même ses enquêtes. Toute suggestion selon laquelle le MDN et les FC devraient avoir le pouvoir discrétionnaire de déterminer les renseignements nécessaires au Bureau aux fins de l’enquête n’est simplement pas raisonnable. Il ne s’agissait certainement pas de l’intention visée au moment de la création du Bureau de l’Ombudsman. Cette pratique limite notre indépendance et notre impartialité dans la tenue des enquêtes.
 

Au bout du compte, dans ce dossier particulier, les enquêteurs ont été en mesure d’examiner tous les documents pertinents. Par contre, l’approche utilisée par le MDN et les FC a retardé l’enquête. Même si je ne crois pas que le retard était délibéré, cette méthode limite la capacité du Bureau de traiter les plaintes de façon rapide et efficace. De plus, la méthode du MDN et des FC exige beaucoup de temps pour les responsables de ces examens et fait inutilement appel à des ressources internes qui pourraient être utilisés ailleurs.
 

Je crois que la seule solution appropriée et acceptable dans cette situation est de conférer des pouvoirs d’enquête particuliers découlant d’une loi à l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes afin qu’il ait un accès absolu à tous les documents. Mon Bureau devrait avoir le pouvoir de sommer toute personne de fournir des renseignements et des documents requis dans le cadre d’une enquête. Rien n’empêche notre Bureau d’avoir les mêmes pouvoirs que les autres ombudsmans nommés aux niveaux fédéral et provincial afin qu’il puisse assumer ses fonctions. En conséquence,
 

  • Je recommande que le Bureau de l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes soit investi de pouvoirs d’enquête législatifs complets.
     

 

6. La reconnaissance comprend également des éloges appropriés et opportuns, publics et privés, adressés, entre autres, par la chaîne de commandement. Quelques tireurs d’élite – particulièrement le Caporal chef Ragsdale et le commandant adjoint – croyaient manifestement qu’ils n’avaient pas reçu une telle reconnaissance verbale pour leurs réalisations dans le cadre de l’Op Anaconda de la part des Forces canadiennes, comparativement à leurs collègues américains. Même si je comprends qu’ils aient pu se sentir ainsi, notre enquête a révélé que les tireurs d’élite ont reçu la reconnaissance de leur commandant et d’autres officiers immédiatement après l’Op Anaconda. Je crois que ce sont la reconnaissance officielle et le processus de remise des décorations qui les ont déçus.
 

 Table des matières
 

Conclusions et recommandations

L’enquête faisant l’objet du présent rapport mettait l’accent sur deux questions centrales :
 

  • Les tireurs d’élite ont ils été traités de façon équitable par la chaîne de commandement?
     
  • Le MDN et les FC ont ils tenu compte de façon appropriée des préoccupations particulières soulevées par M. Ragsdale?
     

À la suite de mon enquête, je conclus que les tireurs d’élite, en tant que groupe, ont été traités de façon équitable par les FC avant, pendant et après leur service en Afghanistan.
 

J’en arrive à une conclusion moins favorable en ce qui concerne le traitement des préoccupations très légitimes de M. Ragsdale à l’égard du bien être de son fils. Les membres de la famille méritent beaucoup plus qu’un processus bureaucratique ministériel normal. On devrait prêter une attention immédiate, personnelle et empreinte de compassion aux préoccupations graves, comme celles exprimées par M. Ragsdale.
 

Je tire également une conclusion moins favorable concernant le programme actuel de décorations et de distinctions honorifiques. Plus précisément, je ne crois pas que le processus des FC pour recommander, approuver et décerner des décorations est opportun.
 

Enfin, je conclus qu’il existe un manque de cohésion important entre les tendances de la médecine actuelle et la politique des FC en vigueur, en ce qui a trait à l’intervention la plus appropriée à l’égard du stress lié à un incident critique.
 

Par conséquent, je formule les recommandations officielles suivantes :
 

  1. Je recommande que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes s’assurent que les membres de la famille qui soulèvent des préoccupations importantes au sujet de la santé ou du bien être d’un membre des Forces canadiennes ou d’un employé du ministère de la Défense nationale soient officiellement reconnus et dirigés vers une intervention de soutien immédiate, personnelle et opportune, au moyen d’un mécanisme établi et solide.
     
  2. Je recommande que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes examinent leurs politiques et leurs pratiques relatives aux médailles et honneurs, et qu’ils s’assurent que les demandes de reconnaissance et de décorations du Canada sont présentées avec diligence à la chaîne de commandement par les commandants, de façon à ce que, une fois l’approbation obtenue, on les décerne dans les six mois qui suivent la formulation de la recommandation.
     
  3. Je recommande que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes s’assurent que chaque personne qui se prépare à être déployée bénéficie, à tout le moins, dans le cadre de sa formation préalable au déploiement, d’une séance d’information sur les droits, les responsabilités et les limites à la protection que procurent les règles de base actuelles relatives aux médias intégrés, et sur les risques liés au fait de consentir une entrevue aux médias.
     
  4. Je recommande que la politique actuelle relative à la question du stress provoqué par un incident critique, l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes 34 55, soit examinée de manière à l’harmoniser avec l’approche plus complète, actuellement préconisée à l’égard de cette question.
     
  5. Je recommande que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes veillent à ce que chaque unité déployée dispense à ses membres une formation adéquate en matière de counselling par les pairs.
     
  6. Je recommande que le commandant de l’unité déployée s’assure que, dans la mesure du possible, chaque sous unité et chaque sous groupe opérationnel comptent au moins un membre ayant bénéficié d’une formation en counselling par les pairs.
     

De plus, pour accroître l’efficience de la phase de collecte des éléments de preuve au cours d’enquêtes systémiques futures, je formule la recommandation suivante :
 

  1. Je recommande que le Bureau de l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes soit investi de pouvoirs d’enquête législatifs complets.
     

Table des matières

 

Réflexions finales

En demandant à mon Bureau de faire enquête, le Chef d’état-major de la Défense a demandé la tenue d’un nouvel examen indépendant du dossier, puisque les FC n’ont pas été capables de tenir compte des préoccupations de M. Ragsdale et de régler la situation à sa satisfaction. Par conséquent, je souhaite adresser mes derniers commentaires à M. Ragsdale.
 

À la suite de notre enquête approfondie, je remarque que mes constatations sont, pour la plupart, conformes à celles du Chef d’état-major de la Défense. J’espère que cela pourra rassurer M. Ragsdale du fait que son fils a bel et bien été traité avec l’équité et le respect qu’il mérite.
 

Le Caporal-chef Ragsdale est un héros militaire et il a reçu, du pays qu’il a servi, les distinctions honorifiques le démontrant. Par ailleurs, peu avant l’impression du présent rapport, le Caporal-chef Ragsdale a indiqué à mes enquêteurs qu’il était honoré d’avoir récemment reçu son galon de blessé7 et ses certificats de départ de l’armée (celui du Régiment, du Chef d’état-major de l’Armée de terre et du Chef d’état-major de la Défense) des mains du commandant en chef du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry Regiment, lors d’une parade avec le 3 PPCLI, tenue le 28 août 2006 à Edmonton.
 

Sa maladie découle de son service. Il s’agit d’un fait reconnu par le gouvernement du Canada, qui l’a soutenu tout au long du diagnostic et du traitement, en plus de lui verser des prestations d’invalidité. Le SSPT est un trouble psychologique, moins visible et, d’une certaine façon, plus difficile à comprendre et à accepter que la perte d’un membre ou d’un œil. Toutefois, les FC lui ont offert un soutien médical et physique approprié tout au long de sa longue et pénible épreuve. Chacun peut comprendre les sentiments de M. Ragsdale et, par dessus tout, ceux du Caporal-chef Ragsdale, lorsqu’ils prennent conscience de la dure réalité de la situation.
 

Toutefois, au terme de l’enquête, je n’ai pas trouvé de solutions simples, car il n’y en a pas. Je peux seulement espérer que les lacunes soulignées dans le présent rapport – en particulier la façon dont le MDN et les FC ont abordé les préoccupations des membres de la famille – peuvent servir de leçons à l’avenir. Même si nous ne pouvons assainir les effets du combat, nous pouvons certainement faire notre possible pour être ouverts et compréhensifs lorsque nous traitons avec des personnes qui souffrent de ses effets.
 


 

7. Un galon de blessé est décerné par les Forces canadiennes en reconnaissance d’une blessure physique ou d’un préjudice psychologique subi au combat par un membre des Forces canadiennes, qui peut porter le galon en tant que distinction vestimentaire.
 

Table des matières

 

 


Annexe A : Chronologie des principaux événements

  • Le 7 octobre 2001 : Le Premier ministre Jean Chrétien a annoncé que le Canada contribuerait à la force internationale créée pour mener la campagne de lutte contre le terrorisme en offrant la participation des forces aériennes, terrestres et maritimes.
     
  • D’octobre 2001 à octobre 2003 : Op Apollo.
     
  • Début de février 2002 : Le groupement tactique du 3 PPCLI est déployé à Kandahar, en Afghanistan.
     
  • Du 2 au 11 mars 2002 : Op Anaconda.
     
  • Du 13 au 19 mars 2002 : Op Harpoon.
     
  • Le 18 mars 2002 : Début de l’enquête du Service national des enquêtes sur l’allégation relative à la profanation d’un corps.
     
  • Le 28 mars 2002 : Incident menant à l'accusation d’insubordination du commandant adjoint.
     
  • Le 29 mars 2002 : Début de l’enquête de la police militaire sur l’accusation d’insubordination; arrestation et mise en détention du commandant adjoint.
     
  • Du 1er au 6 avril 2002 : Période de repos et de récupération des tireurs d’élite.
     
  • Le 3 avril 2002 : Le commandant adjoint choisit de retourner au Canada pour comparaître devant une cour martiale.
     
  • Le 4 avril 2002 : Le commandant adjoint quitte l’Afghanistan pour retourner au Canada.
     
  • Le 21 juin 2002 : Annonce du redéploiement du groupement tactique du 3 PPCLI au Canada.
     
  • Du 20 au 29 juillet 2002 : Période de décompression à Guam.
     
  • Du 28 au 30 juillet 2002 : Arrivée des troupes au Canada en deux contingents.
     
  • Le 29 juillet 2002 : Le commandant adjoint apprend que les accusations d’insubordination ne seront pas portées.
     
  • Le 9 août 2002 : Parade soulignant le retour au pays des troupes, organisée par la Ville d’Edmonton en reconnaissance de leur contribution à l’Op Apollo.
     
  • En décembre 2002 : Fin de l’enquête du Service national des enquêtes; aucune accusation n'est portée en raison du manque de preuves.
     
  • En janvier 2003 : Le Caporal-chef Ragsdale obtient un congé de maladie.
     
  • Le 23 juin 2003 : Le commandant adjoint est inscrit sur la Liste des effectifs du personnel non disponible.
     
  • Le 22 juillet 2003 : Le Caporal-chef Ragsdale est inscrit sur la Liste des effectifs du personnel non disponible.
     
  • Le 8 décembre 2003 : Les tireurs d’élite reçoivent la Médaille du service en Asie du Sud Ouest, la citation à l’ordre du jour et la médaille de l’Étoile de bronze.
     
  • Du 17 mars au 19 avril 2003 : Création de la CE sur la carrière du commandant adjoint.
     
  • En juillet 2004 : Le Chef d’état-major de l’Armée de terre n’approuve pas la décision de la CE; il renvoie l’affaire à l’autorité convocatrice.
     
  • Le 9 janvier 2005 : Le Caporal-chef Ragsdale est libéré des FC.
     
  • Le 19 avril 2005 : Le commandant adjoint est libéré des FC.
     

Table des matières
 

 


Annexe B : Correspondance entre M. Ragsdale et le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes

Le 25 avril 2002, M. Ragsdale envoie une lettre au ministre de la Défense nationale, alors l’honorable Arthur C. Eggleton, faisant part du traitement réservé à son fils et aux autres tireurs d’élite. M. Ragsdale était particulièrement préoccupé par la façon dont son fils et les tireurs d’élite avaient été traités à leur retour de l’Op Anaconda.
 

Rien n’indique que le Ministre ou le personnel de l’Unité de la correspondance du Ministre (UCM) ait accusé réception de la lettre ou pris quelque mesure que ce soit.
 

Le 19 mars 2003, une deuxième lettre est adressée au ministre de la Défense nationale, à l’époque, l’honorable John McCallum. M. Ragsdale a indiqué qu’il n’avait reçu aucune réponse à sa première lettre et a demandé au Ministre de mener une enquête sur le traitement accordé à son fils et aux autres tireurs d’élite à la suite de l’Op Anaconda.
 

Le 28 mars 2003, un adjoint spécial au ministre de la Défense nationale a répondu à M. Ragsdale; il a accusé réception de sa lettre le 24 mars 2003 et l’a assuré du fait que sa correspondance serait examinée.
 

Le 3 avril 2003, M. Ragsdale a envoyé un courriel au ministre de la Défense nationale, et a fait parvenir une copie conforme à son fils. Dans ce courriel, il déclarait ce qui suit : [Traduction]  « J’apprécie la réponse rapide, mais j’espérais une mesure un peu plus encourageante que “Nous vous assurons que votre correspondance sera examinée. »   Une fois de plus, M. Ragsdale a demandé la tenue d'une enquête.
 

Le 4 avril 2003, le gestionnaire de l’UCM a répondu ainsi au courriel de M. Ragsdale :  « Au nom du [ministre de la Défense nationale], j’aimerais accuser réception de votre courriel. Nous vous assurons que votre correspondance sera examinée. » 
 

Le 10 juin 2003, M. Ragsdale a envoyé un deuxième courriel au ministre de la Défense nationale, indiquant qu’il attendait toujours une réponse. Il y réaffirmait sa préoccupation à l’égard de son fils et demandait une réponse avant la fin du mois.
 

Le 11 juin 2003, le gestionnaire de l'UCM a répondu à M. Ragsdale par courriel en ces termes :  « Au nom du [ministre de la Défense nationale], j’aimerais accuser réception de votre courriel. Nous vous assurons que votre correspondance sera examinée. »
 

Le 1er juillet 2003, M. Ragsdale a envoyé un troisième courriel au ministre de la Défense nationale, de même que des copies conformes au Chef d’état-major de la Défense, à son député et au chef de l’opposition, courriel qui se lisait comme suit [Traduction] :  « Malheureusement, je n’ai reçu aucune réponse personnelle de votre part en ce qui concerne ma lettre du 19 mars 2003. Vous, le ministre de la Défense nationale n’avez pas fait preuve de la plus élémentaire politesse ni ne m’avez avisé du fait que mes préoccupations étaient prises en compte. Par conséquent, je l’intention d’exprimer mes préoccupations devant les médias… et de dire qu’il est évident, selon moi, que vous, un membre élu du gouvernement, n’avez manifestement aucun intérêt à l’égard de la situation de mon fils et de ses pairs. » 
 

Le 2 juillet 2003, le gestionnaire de l'UCM a encore une fois répondu à M. Ragsdale par courriel de la façon suivante :  « Au nom du [ministre de la Défense nationale], j’aimerais accuser réception de votre courriel. Nous vous assurons que votre correspondance sera examinée. » 
 

Le 28 juillet 2003, le ministre de la Défense nationale, John McCallum, a répondu à M. Ragsdale par courriel. Il s’est excusé du retard, a exprimé des préoccupations concernant le Caporal-chef Ragsdale et a déclaré ce qui suit :  « on m’a assuré qu’il recevait les meilleurs soins médicaux possibles. La nature grave de l’allégation soulevée par l’un des tireurs d’élite ayant servi en Afghanistan en 2002 a exigé la tenue de plusieurs processus d'enquête, et nous n’avons pas terminé toutes les enquêtes connexes. Par conséquent, il serait inapproprié pour moi de formuler des commentaires sur les enquêtes. »  Il a également fourni à M. Ragsdale un formulaire de consentement en mentionnant que, à moins que le Caporal-chef Ragsdale ne le signe, il ne pourrait pas discuter de ses renseignements personnels avec son père.
 

Le 27 novembre 2003, M. Ragsdale a envoyé au ministre de la Défense nationale un quatrième courriel, demandant l’aide du Ministre pour permettre au Caporal-chef Ragsdale de retourner dans sa famille en Ontario. Il a déclaré [Traduction]:  « Mon fils n’était pas disposé à signer un formulaire de consentement pour vous autoriser à me divulguer des renseignements. » Il a également écrit qu’il ne croyait pas que son fils [Traduction]  « recevait les meilleurs soins médicaux possibles. Au contraire, je crois que l’armée l'a laissé de côté, puisqu’il est maintenant inscrit sur une “liste des effectifs du personnel non disponible". Il ne reçoit aucun soutien. »  
 

Le 29 novembre 2003, M. Ragsdale a envoyé au ministre de la Défense nationale un cinquième courriel, dans lequel il indiquait ce qui suit [Traduction] :  « Monsieur, veuillez ne pas tenir compte du courriel ci joint [daté du 27 novembre 2003]. J’ai passé la majeure partie du vendredi 28 novembre à discuter de la question avec les personnes qui s’occupent du dossier de mon fils à Edmonton et je suis rassurer qu’il reçoit actuellement des soins adéquats. »   
 

Le 1er décembre 2003, le gestionnaire de l'UCM a répondu à M. Ragsdale par courriel ainsi :  « inline quote content here » 
 

Le 4 décembre 2003, M. Ragsdale a écrit au Chef d’état-major de la Défense pour lui demander la tenue d'une enquête sur le traitement de son fils et des autres tireurs d’élite.
 

Le 17 décembre 2003, l’officier d’état major du Chef d’état-major de la Défense a écrit une lettre à M. Ragsdale pour accuser [Traduction]  « réception de votre lettre du 4 décembre 2003 concernant le traitement et les soins accordés à votre fils. »  Il a déclaré que le Chef d’état major de la Défense avait fait parvenir la lettre au Sous ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires) à des fins d’enquête et que M. Ragsdale obtiendrait une réponse une fois l’examen terminé.
 

Le 15 janvier 2004, le gestionnaire de l’UCM a écrit une lettre à M. Ragsdale au nom du ministre de la Défense nationale, l’honorable David Pratt, pour faire part de ce qui suit : [Traduction]  « J’aimerais vous remercier de m’avoir envoyé, le 9 décembre 2003, la copie de votre lettre adressée au Général Raymond Henault. Le Ministre apprécie d’être tenu au courant de vos préoccupations.  » 
 

Le 6 avril 2004, le Sous ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires) a écrit à M. Ragsdale (et a envoyé des copies au Ministre et au Chef d’état-major de la Défense) pour expliquer que [Traduction] :  « Même si nous ne pouvons pas formuler de commentaires sur certains aspects des soins offerts à votre fils sans son consentement… Nous avons demandé au personnel médical des FC d’examiner le traitement reçu par votre fils et de s'assurer qu’il reçoit les meilleurs soins médicaux possibles. » 
 

Le 21 avril 2004, M. Ragsdale a écrit une lettre au Sous ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires) pour lui demander la tenue d'une enquête sur des questions particulières relatives au traitement de son fils.
 

Toujours le 21 avril 2004, M. Ragsdale a écrit une lettre au Ministre, en y joignant la lettre du 21 avril 2004 adressée au Sous ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires), pour lui demander de [Traduction]  « reconnaître l’injustice qu’a subie son fils et les autres tireurs d’élite et de s’assurer que ses préoccupations sont abordées par les personnes responsables. »  La deuxième lettre de M. Ragsdale a été envoyée en copie conforme au Premier ministre, au chef de l’opposition et à l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
 

Le 4 mai 2004, le gestionnaire de l’UCM a écrit une lettre à M. Ragsdale au nom du Ministre dans laquelle il a déclaré ce qui suit :  « J’aimerais accuser réception de votre lettre du 29 avril 2004. Nous vous assurons que votre correspondance sera examinée. »  La lettre était accompagnée d’un formulaire de consentement de tierce partie.
 

Le 6 mai 2004, le Sous ministre (Ressources humaines – Militaires) a répondu à la lettre de M. Ragsdale du 21 avril 2004 de la façon suivante [Traduction]:  « Le personnel médical des FC continuera de s’assurer que votre fils reçoit les meilleurs soins médicaux possibles. En fait, j’ai de nouveau parlé au personnel médical récemment pour confirmer que telle est la situation. Les membres du personnel m’ont encore une fois assuré que votre fils continue de recevoir le traitement et les soins appropriés dont il a besoin. » Il a conclu ainsi :  « En ce qui concerne votre deuxième préoccupation, j’ai fait parvenir votre lettre au commandant de l'Armée de terre afin qu’il l’examine. Ces allégations ne relèvent pas de mes responsabilités et de mes compétences. »   Le Sous ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires) a envoyé des copies de sa lettre au Ministre et au Chef d’état-major de la Défense.
 

Le 14 juin 2004, le Chef d’état-major de l’Armée de terre par intérim a répondu à M. Ragsdale en lui adressant une lettre, dans laquelle il l’informait qu’on lui avait demandé d'examiner la deuxième préoccupation soulevée dans sa lettre du 21 avril 2004 concernant le traitement des tireurs d’élite. Il a expliqué le déploiement des tireurs d’élite pendant l’Op Anaconda et l’Op Harpoon, a formulé des commentaires sur les actes admirables qu’ils ont accomplis dans des conditions difficiles et a également parlé du retrait de l’un des tireurs d’élite pendant l’Op Anaconda. Il a convenu qu’on ne leur avait pas offert de séance de verbalisation suivant un incident critique à leur retour de l’Op Anaconda, mais qu’ils ont rencontré le commandant de l’époque pour se préparer à l’Op Harpoon. Il a indiqué qu’aucun des tireurs d’élite n’avait l’impression d’être affecté par ses expériences récentes. Il a également expliqué brièvement les séances de verbalisation suivant un incident critique et a précisé que cette question faisait actuellement l’objet d’un examen, puisqu’une controverse importante entourait son utilité et les préjudices potentiels découlant de son utilisation. Il a par la suite expliqué ces événements, l’Op Harpoon, l’enquête du Service national des enquêtes, la séance de verbalisation suivant un incident critique demandée par les tireurs d’élite et tenue par l’aumônier des États Unis, le repos et la récupération et le processus de décompression et de réintégration à Guam. Il a indiqué que, comme ces événements étaient bien documentés, il ne croyait pas qu’une enquête plus approfondie sur cette question était justifiée ou bénéfique.
 

Le 5 août 2004, M. Ragsdale a répondu au Chef d’état-major de l’Armée de terre par intérim pour le remercier d’avoir répondu à la lettre qu’il avait envoyée au Sous ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires). M. Ragsdale a déclaré qu’il n’était pas satisfait de la réponse, puisqu’il savait déjà tout ce qu’on lui a dit. Il a expliqué les divers problèmes auxquels ont fait face les tireurs d’élite dans le cadre des missions et à leur retour au pays.
 

Le 20 septembre 2004, le Chef d’état-major de la Défense a transmis la plainte de M. Ragsdale à l’Ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
 

Table des matières

 


 

Annexe C : Lettre de septembre 2004 du Chef d’état-major de la Défense

Septembre 2004
 

M. André Marin Ombudsman
100, rue Metcalfe, 12e étage
Ottawa (Ontario) K1P 5M1
 

Monsieur Marin,
 

Vous trouverez ci-joint une série de documents traitant de plusieurs questions concernant le Cplc Ragsdale, membre des FC qui a été déployé avec l’équipe de tireurs d’élite du 3 PPCLI à Kandahar en Afghanistan, en 2002. Un certain nombre de plaintes ont été déposées auprès des FC par son père, M. Patrick Ragsdale, à la suite du déploiement. Le Cplc Ragsdale est actuellement employé par le secteur de la Force terrestre à Edmonton.
 

Les FC ont abondamment communiqué avec le père du Cplc Ragsdale sans toutefois être en mesure de résoudre ses plaintes à sa satisfaction. J’ai ensuite demandé au Sous-ministre adjoint (Ressources humaines - Militaires) de s’assurer que son fils recevait des soins médicaux appropriés, comme nous nous sommes engagés à le faire. J’ai également demandé au Chef d’état-major de l’Armée de terre de s’assurer que des leçons ont été tirées de cette opération, et de faire en sorte qu’elles soient appliquées dans le cadre de nos déploiements opérationnels futurs. Par ailleurs, je ne vois pas quelles autres mesures pourraient être prises, s’il en existe, pour satisfaire aux préoccupations persistantes de M. Ragsdale.
 

Je suis au courant que vous avez communiqué avec M. Ragsdale et que vous avez reçu des copies d’une grande partie de la correspondance envoyée aux FC. Je vous demande donc d’examiner les documents disponibles en y apportant un regard nouveau, et d’évaluer toute autre mesure que nous pourrions prendre dans ce dossier. Je vous invite à communiquer directement avec M. Ragsdale ou avec le Cplc Ragsdale, si nécessaire, afin de traiter leurs préoccupations.
 

J’attends votre réponse avec grand intérêt.
 

R.R. Henault
 

p.j. Documents de correspondance
 

c.c. Sous-ministre adjoint (Ressources humaines - Militaires) Chef d’état-major de l’Armée de terre
 

Table des matières
 


Annexe D : Acronymes et abréviations

Présentation en ordre alphabétique. 
 

Acronymes et abréviationsSignification
2 PPCLI 2e Battalion, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry
3 PPCLI 3e Battalion, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry
CE Commission d’enquête
Cplc caporal-chef
DAOD Directives et ordonnances administratives de la Défense
MDN Ministère de la Défense nationale
MDN et FC Ministère de la Défense nationale et Forces canadiennes
Op Anaconda opération Anaconda
Op Apollo opération Apollo
Op Harpoon opération Harpoon
Service national des enquêtes Sous ministre adjoint (Affaires publiques)
SMA (AP) Reconnaissance
SSPT Syndrome de stress post-traumatique
UCM Unité de la correspondance du Ministre

 

Table des matières

 

Date de modification :