Allégations contre les Forces canadiennes - Deuxième partie

DEUXIÈME PARTIE : Enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes sur les événements rapportés dans la note de service du 9 juillet 1996 ainsi que sur l'absence de réponse de la part du lieutenant-général Leach

Nonobstant le fait que la plainte du capitaine Poulin porte, entre autres choses, sur la façon dont le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a mené son enquête et qu'elle fait aussi état de ses préoccupations concernant le processus de traitement des plaintes qui a été suivi par la Police militaire, le major-général Penney, Chef - Service d'examen, a demandé que mon Bureau reprenne toute l'affaire et fasse une enquête. Comme l'affaire a débuté avant le 1er décembre 1999, les plaintes du capitaine Poulin ne tombaient pas sous la juridiction de la Commission des plaintes de la Police militaire, mais elles tombaient tout à fait dans le cadre du mandat de mon Bureau défini par les directives ministérielles du 16 juin 1999 concernant le Bureau de l'Ombudsman. Le major-général Penney a référé cette affaire à mon Bureau après avoir réalisé que seule une étude menée par un organisme externe et indépendant pourrait trouver une issue à cette affaire pour le capitaine Poulin et toutes les autres personnes impliquées. Les tentatives de résolution interne n'avaient fait qu'aggraver la situation et donner lieu à d'autres plaintes. Lorsque j'ai accepté de reprendre cette affaire, il était entendu qu'aucune restriction ne serait imposée à mon Bureau. Cette condition avait été acceptée afin de préserver l'impartialité à la fois apparente et réelle de notre enquête.
 

Malheureusement, lorsque mon rapport intérimaire fut publié, l'actuel Grand Prévôt des Forces canadiennes, colonel Dot Cooper, ainsi que le Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, se sont opposés à ce que ma juridiction inclut la revue de l'enquête menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes ainsi que du processus de traitement des plaintes contre la Police militaire. L'opposition à la juridiction de mon Bureau, dans ce domaine, s'est aussi manifestée dans les réponses que nous avons reçues à la suite de mes recommandations particulières.
 

J'en suis désolé et dépité. Des réponses à mes recommandations, qui se cantonnent à des questions de juridiction, occultent le mérite des propositions et amoindrissent inutilement les bénéfices que ces recommandations peuvent engendrer.
 

Ces remises en question de la juridiction de mon Bureau contrastent de façon marquée avec le large endossement qu'a obtenu mon rapport intérimaire et aussi avec le soutien considérable apporté par le chef d'état-major de la Défense. À vrai dire, elles contrastent aussi violemment avec les réponses positives et encourageantes que les recommandations de mon Bureau ont reçues dans le passé de la part du Grand Prévôt des Forces canadiennes, brigadier-général Samson.
 

Ces questions techniques de juridiction, non seulement mettent en péril la finalité même des recommandations, mais elles sont aussi surprenantes. Comme je l'ai mentionné plus haut, cette affaire a été référée à mon Bureau par le Chef - Service d'examen, à la suite de l'échec des mécanismes internes existants. Plus sérieux encore, ces objections techniques constituent une tentative malsaine de créer des poches d'autorité qui demeureront imperméables aux recommandations et au processus de règlement au plus bas niveau préconisés par mon Bureau. Il est clair que ces objections techniques sont le fruit d'une incompréhension de la nature de mon rôle. En tant qu'Ombudsman, je ne dispose d'aucun pouvoir exécutif et je ne peux donc ordonner quoi que ce soit à qui que ce soit. Je ne peux obliger personne à mettre en œuvre mes recommandations. Je ne peux compter que sur la persuasion, sur la sagesse des recommandations elles-mêmes et sur la collaboration des leaders au sein de l'organisation. Je dépends de leur bonne volonté pour instaurer un traitement équitable et pour reconnaître l'injustice lorsqu'elle se produit. C'est là le seul moyen dont je dispose pour promouvoir un changement positif et aider à combattre l'injustice.
 

Je comprends que faire des changements n'est pas toujours facile ni sans douleur et, dans bien des cas, cela exige un leadership fort de la part de la part de personnes qui sont déterminées à changer. J'encourage fortement l'actuel Grand Prévôt des Forces canadiennes à regarder les buts et objectifs derrière la révision que mon Bureau a entreprise et à évaluer ses recommandations sur un plan substantiel et non juridictionnel. J'espère que le Grand Prévôt, colonel Cooper, saisira cette occasion d'aider à corriger les problèmes de mauvaise administration et d'injustice qui ont été mis en lumière dans cette affaire et qu'elle finira par juger comme positive, la contribution de mon Bureau dans le domaine de la Police militaire et dans le processus de plainte contre cette dernière.
 

Table des matières
 

C. Allégations contre le capitaine Bud Garrick

Le capitaine Garrick était l'enquêteur du Service national des enquêtes chargé de l'enquête sur les allégations contre le colonel Labbé contenues dans la note de service du capitaine Poulin, du 9 juillet 1996. Dans cette note, ce dernier accusait le colonel Labbé, alors commandant du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre, de s'être conduit de façon inappropriée envers une serveuse civile du mess des officiers du Fort Frontenac, le 3 mai 1996.
 

L'enquête sur cette affaire avait débuté le 17 juin 1998, après que la note du capitaine Poulin avait été rendue publique. Ce dernier allègue dans sa plainte écrite, que l'enquête menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes sur ses allégations, n'avait été ni approfondie ni compétente et que des preuves avaient été ignorées.
 

Mon Bureau a donné au capitaine Garrick jusqu'au 28 mars 2001 pour commenter la partie du rapport intérimaire qui le concerne, afin de lui donner le temps de revenir d'un redéploiement opérationnel à l'étranger. Ce dernier a répondu à mes enquêteurs, par téléphone, confirmant qu'il n'avait pas de commentaires particuliers à faire sur les parties du rapport intérimaire qui lui avaient été communiquées. Les commentaires fournis par l'actuel Grand Prévôt des Forces canadiennes relativement à la revue effectuée par mon Bureau, seront traités plus loin dans ce rapport.
 

Allégation 1 : Enquête insuffisante sur les allégations d'inconduite sexuelle contre le colonel Labbé

Dans sa plainte, le capitaine Poulin prétend que :

Vers le 27 juillet 1998, au cours de l'après-midi, le capitaine " Bud " Garrick (officier des opérations, Service national des enquêtes - Région centrale) m'avait appelé pour m'apprendre, sans vouloir compromettre l'enquête, qu'il avait trouvé la femme à laquelle je faisais allusion dans ma note du 9 juillet 1996.
 

Le capitaine Garrick avait ajouté que la femme en question [...] avait présenté un témoignage au Service national des enquêtes, dans lequel elle corroborait les affirmations contenues dans ma note de service. Le capitaine Garrick avait aussi mentionné qu'elle ne voulait pas porter d'accusation contre le colonel Labbé. Elle ne travaillait plus au ministère de la Défense nationale et elle considérait que l'incident était clos. Si le capitaine Garrick avait trouvé la serveuse en question et que celle-ci corroborait mes dires (en termes différents) comment pouvait-on alors conclure qu'il n'y avait pas de preuve. Il y avait des témoins!

 
Le capitaine Poulin prétend aussi que :
 

Vers le 27 juillet 1998, le capitaine Garrick m'avait assuré avoir trouvé la serveuse de qui je disais tenir l'information au sujet des agissements du colonel Labbé. Pourtant, il ne m'avait jamais demandé de confirmer l'identité de cette femme afin de s'assurer qu'il s'agissait bien de la serveuse à laquelle je faisais allusion dans ma note du 9 juillet 1996; et ce, malgré le fait que la serveuse qu'il avait trouvée ne correspondait pas à la description physique que j'en avais fait lors de mon témoignage aux enquêteurs du Service national des enquêtes.

 
Le capitaine Poulin ajoute que :

Dans le rapport d'enquête d'août 1998 du Service national des enquêtes, sur les allégations contenues dans ma note du 9 juillet 1996, le capitaine Garrick affirmait qu'il n'y avait pas de preuve que le colonel Labbé avait commis une infraction d'ordre militaire le 3 mai 1998. Je lui avais indiqué que la date de l'incident était le 3 mai 1996.
 

Évidemment, il n'y aurait pas de preuve à trouver contre le colonel Labbé le 3 mai 1998 étant donné que la date était inexacte et qu'aucune des parties impliquées était même au mess des officiers de Fort Frontenac à cette époque, en 1998.

Le capitaine Poulin avait écrit dans son journal, à la date du 28 juillet 1998 :
 

Hier après-midi, le capitaine Bud Garrick (Service national des enquêtes) m'a appelé et, sans compromettre son enquête, m'a confirmé que la femme à laquelle je faisais allusion dans ma note du 9 juillet 1996 s'était fait connaître et avait corroboré mes dires. Elle a déclaré ne pas vouloir porter d'accusation contre le colonel Labbé.

 
Mes enquêteurs ont rencontré le capitaine Garrick le 27 juillet 2000 dans la salle de réunion au 5ème étage du 55, rue Murray; ils ont enregistré l'entrevue sur bande audio. Ils avaient fourni au capitaine Garrick, avant l'entrevue, une copie des allégations que le capitaine Poulin avait faites contre lui.
 

Au cours de notre enquête sur cette affaire, mes enquêteurs ont eu plein accès au dossier d'enquête du Service national des enquêtes et ils ont pu examiner tous les documents, rapports, enregistrements audio et vidéo recueillis et produits par le Service national des enquêtes pendant sa propre enquête.
 

Pendant son entrevue avec mes enquêteurs, le capitaine Garrick a reconnu avoir appelé le capitaine Poulin le 27 juillet 1998 pour l'informer qu'ils avaient trouvé la serveuse et qu'il voulait confirmer son identité. Il avait donné le nom de cette femme au capitaine Poulin qui ne l'avait pas reconnu. Il a aussi déclaré qu'il n'avait pas indiqué au capitaine Poulin que la femme avait corroboré ses dires, mais qu'il avait plutôt essayé de confirmer qu'elle était bien la serveuse à laquelle le capitaine Poulin faisait allusion dans sa note du 9 juillet 1996.
 

Le capitaine Garrick a indiqué en outre à mes enquêteurs, que l'aspect physique de la femme avait changé car elle avait fait couper ses cheveux et leur avait redonné leur couleur naturelle. Le capitaine Garrick a affirmé qu'il n'avait aucun doute sur l'identité de cette femme car d'autres témoins interrogés avaient confirmé qu'elle s'était elle-même présentée après que la note du 9 juillet 1996 avait été rendue publique.

 

Mes enquêteurs ont ensuite rencontré l'ancienne serveuse du mess, le 18 juillet 2000 à sa résidence et ils ont enregistré l'entrevue sur bande audio. Elle a indiqué qu'elle s'était rendue au barbecue de la classe en mai 1996, mais qu'elle ne se rappelait pas que le colonel Labbé ou quelqu'un d'autre lui avait frotté le dos.
 

Le 24 juillet 2000 mes enquêteurs ont interrogé un collègue de classe du capitaine Poulin au Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre. Il a confirmé être sorti avec la serveuse du mess pendant son séjour au Collège mais il a aussi déclaré qu'elle ne lui avait jamais parlé d'un quelconque incident impliquant le colonel Labbé.
 

En réponse à la plainte du capitaine Poulin selon laquelle il (le capitaine Garrick) avait indiqué dans son rapport qu'il n'y avait pas de preuve que le colonel Labbé ait commis une quelconque infraction d'ordre militaire, le 3 mai 1998 (alors que l'année en question était 1996), le capitaine Garrick a rétorqué qu'il ne s'agissait que d'une erreur typographique. Une revue du rapport complet du Service national des enquêtes ainsi que du dossier d'enquête, montre bien que la référence à l'année 1998 était une erreur alors que les événements sur lesquels le Service national des enquêtes avait enquêté, se situaient bien en 1996.
 

Conclusions

Je suis convaincu que le témoin identifié par le Service national des enquêtes pendant son enquête était bien l'ancienne serveuse du mess à laquelle le capitaine Poulin faisait allusion dans ses allégations d'inconduite contre le colonel Labbé. L'ancienne serveuse et son ami n'avaient rien dit aux enquêteurs du Service national des enquêtes qui aurait pu supporter les allégations d'inconduite faites contre le colonel Labbé. Les informations retenues par les enquêteurs du Service national des enquêtes et sur lesquelles ils avaient basé leurs conclusions, ont ultérieurement été confirmées par mes enquêteurs, de façon indépendante et directement auprès des témoins. Je suis convaincu qu'il n'existe aucune base qui permette de conclure que le Service national des enquêtes n'a pas mené une enquête approfondie et adéquate sur les allégations d'inconduite sexuelle faites contre le colonel Labbé.
 

Allégation 2 : Défaut d'interroger des témoins au cours de l'enquête du Service national des enquêtes et de vérifier la déclaration d'un témoin auprès du capitaine Poulin

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :

Le capitaine Garrick ne s'est pas assuré que les personnes suivantes soient interrogées, même si leur témoignage était pertinent à l'enquête du Service national des enquêtes, démontrant une fois de plus que ses actions étaient en violation directe des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 107.02.03. qui stipulent que : "...une enquête menée en vertu de ce chapitre (chapitre 107) doit, à tout le moins, recueillir toutes les preuves raisonnablement disponibles permettant de prouver la culpabilité ou l'innocence de la personne sur laquelle porte l'enquête. "
 

Le capitaine Liam Porter - Il était mon voisin de dortoir au Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne pendant le cours 9601 et j'ai souvent discuté de sujets sensibles avec lui. J'avais délibérément souligné l'importance de son témoignage au lieutenant-commander S. Moore, sans résultat. Vers le 21 juin 1999, j'avais envoyé un courriel au major L. Porter pour lui demander si le Service national des enquêtes l'avait interrogé. Le 25 juin 1999, il m'avait répondu en déclarant que le Service national des enquêtes "...ne m'a jamais appelé au sujet de ces trucs..."
 

Le capitaine Marc Bossi - Il se souvenait que j'avais discuté avec lui de l'incident impliquant le colonel Labbé, au cours du printemps de 1996, bien avant la fin du cours et avant que je connaisse ma note de cours finale. Bien que j'ai fourni cette information au lieutenant-commander Moore, le capitaine Bossi n'avait jamais été interrogé.
 

Le capitaine Isabelle Compagnon - Elle était membre du personnel du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne. Elle se rappelait que, à la même époque en 1996, on l'avait prévenue du comportement du colonel Labbé avec les femmes. Elle avait déclaré avoir pris cet avertissement très au sérieux, au point d'avoir modifié ses activités sociales, le soir, s'arrangeant toujours pour quitter tôt les activités du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne.
 

Le caporal-chef (alors) M.C. Tremblay - Elle travaillait dans la salle des rapports du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne et, contrairement à l'adjudant-maître Parker, elle m'avait écrit vers le 16 juin 1999, pour me dire qu'elle m'avait trouvé "...très gentil, pendant toute la durée du cours..." (Le rapport du Service national des enquêtes avait seulement tenté de dépeindre mon comportement dans la salle des rapports du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne comme étant négatif). Le lieutenant-colonel Robertson l'avait blâmé pour l'incident de consommation d'alcool dans l'autobus, mais le capitaine Garrick n'avait jamais tenté de vérifier la version du lieutenant-colonel Robertson auprès du caporal-chef M.C. Tremblay.
 

Des documents, obtenus dans le cadre de l'Accès à l'information, ont révélé que le lieutenant-colonel D. Chupick (un membre du personnel de direction du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne) avait été interrogé par le Service national des enquêtes vers le 3 juillet 1998. Il avait déclaré : " qu'il ne voyait pas ce qui avait pu inciter le capitaine Poulin à faire ça - selon lui (le lieutenant-colonel), il n'y avait pas de raison de faire ça. Si un étudiant avait un problème...il n'avait qu'à se présenter au personnel d'instruction du bureau (le capitaine Poulin aurait pu venir voir le lieutenant-colonel Chupick, mais il ne l'avait pas fait en autant qu'il pouvait se souvenir). Le capitaine Poulin n'avait jamais laissé entendre, au lieutenant-colonel, qu'il avait l'intention de faire ça."
 

Vous remarquerez que le lieutenant-colonel Chupick n'était pas dans ma chaîne de commandement et que je ne l'avais pas revu depuis Gagetown en 1983! Si je l'avais approché, il aurait dû enquêter sur les agissements du colonel Labbé qui avait une autorité réelle et apparente sur lui.
 

Le lieutenant-colonel Chupick était aussi l'officier qui avait accepté de prendre le soldat Kyle Brown sous son commandement au Royal Canadian Horse Artillery, en provenance du Régiment aéroporté du Canada, au cours de l'hiver 1993-1994.
 

Le lieutenant-colonel Chupick était aussi la personne qui avait rapidement porté plainte contre le soldat Brown très peu de temps après l'arrivée de ce dernier dans l'unité, en provenance du Régiment aéroporté du Canada. Le lieutenant-colonel Chupick était la même personne qui avait rencontré le représentant du Juge-avocat général, pour discuter du cas Brown et qui avait exclu l'avocat du soldat Brown de la réunion (collusion?). L'ensemble de ces facteurs m'avait incité à conclure très tôt que je ne pouvais pas me tourner vers lui pour obtenir de l'aide.
 

Le capitaine Garrick n'avait jamais vérifié les affirmations du lieutenant-colonel Chupick à mon endroit, et n'avait pas non plus tenté de savoir pourquoi je ne m'étais pas adressé à ce dernier pour avoir de l'aide.

 
Le 1er août 2000, mes enquêteurs ont interrogé le major Liam Porter dans la salle de réunion, au 5ème étage du 55 rue Murray. Il a déclaré être un ami du capitaine Poulin et qu'ils avaient discuté de nombreuses fois du Collège et du cours pendant leur séjour au Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne, mais que le capitaine Poulin n'avait jamais fait mention de sa note de service du 9 juillet 1996. Il a déclaré qu'il en avait entendu parler pour la première fois lorsque les médias en avaient parlé.
 

Le 24 février 2000, mes enquêteurs ont interrogé le capitaine (à la retraite) Marc Bossi, à son bureau. M. Bossi a indiqué que, vers la fin de mai 1996, il avait rendu visite au capitaine Poulin au Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne lorsqu'il y avait séjourné pour un cours de deux ou trois jours. Il s'est rappelé qu'au cours d'une de leurs soirées ensemble, le capitaine Poulin avait parlé de l'incident de la consommation d'alcool à bord d'un autobus et de ce qu'il avait vu se passer entre la serveuse et le colonel Labbé. Il croyait que le capitaine Poulin n'avait fourni aucun détail sur ce qu'il avait vu. Il a aussi indiqué qu'il ne se trouvait pas personnellement au Collège lorsque ces incidents avaient soi-disant eu lieu.
 

Le 19 novembre 1999, mes enquêteurs ont interrogé le capitaine Isabelle Compagnon dans la salle d'entrevue du 55 rue Murray. En mai 1996, le capitaine Compagnon avait été affectée au Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne à Kingston, à titre d'officier d'administration du mess. Elle a toutefois indiqué qu'elle n'avait jamais été confrontée à, ni n'avait été témoin de quoique ce soit qui serait allé dans le sens des rumeurs à propos du colonel Labbé.
 

Le capitaine Garrick et l'adjudant-maître Peter MacFarlane ont consigné dans leur carnet, le 3 juillet 1998, leur entrevue avec le lieutenant-colonel Chupick. Ce dernier était membre du groupe de direction du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne ainsi que le conseiller de la branche Artillerie du Collège. Il avait déclaré ne pas se rappeler que le capitaine Poulin l'ait approché au sujet d'une inconduite d'ordre sexuel, et il avait ajouté qu'à titre de conseiller de la branche Artillerie, il aurait été une ressource pour le capitaine Poulin qui était lui-même officier d'artillerie à l'époque. Il se rappelait toutefois que le capitaine Poulin avait été extrêmement mécontent de la note finale qu'il avait obtenu à son cours. L'adjudant-maître MacFarlane avait aussi noté dans son carnet que le lieutenant-colonel Chupick s'était rappelé la réaction du capitaine Poulin lorsqu'il avait reçu sa note finale; il aurait dit  « vous n'avez pas fini d'entendre parler de moi  ».
  

Le capitaine Garrick a déclaré qu'il n'avait pas de raison ou d'obligation de rendre compte au capitaine Poulin de son entrevue avec le lieutenant-colonel Chupick pour vérifier la justesse de ses constatations, surtout à la lumière des autres preuves obtenues au cours de l'enquête du Service national des enquêtes.
 

Conclusions

Comme je l'ai déjà souligné, les informations recueillies par mes enquêteurs, ainsi que l'examen du dossier d'enquête du Service national des enquêtes n'ont rien montré qui permette de conclure que l'enquête du Service national des enquêtes, sur les allégations d'inconduite sexuelle faites contre le colonel Labbé, n'avait pas été adéquate. Je peux comprendre que le capitaine Poulin soit sensible au fait que le lieutenant-colonel Chupick ait fait allusion au mécontentement que lui avait causé sa note finale de cours et qu'il ait implicitement suggéré que c'était peut-être là, le véritable motif derrière ses allégations contre le colonel Labbé. Je ne suis cependant pas convaincu, à la lumière de toutes les autres preuves recueillies par le Service national des enquêtes, au cours de son enquête, que ces commentaires ont influé de quelque manière que ce soit sur la conclusion de l'enquête selon laquelle rien ne permettait d'accuser le colonel Labbé d'infraction d'ordre pénal ou militaire.
 

Allégation 3 : Défaut d'enquêter sur l'allégation, contenue dans la note du 9 juillet 1996, contre le colonel Labbé, à propos de consommation d'alcool dans un autobus

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Le rapport d'enquête du capitaine Garrick (NCN 118-01-98), daté d'août 1998, a fait état de la consommation d'alcool dans un autobus à laquelle j'avais fait allusion dans ma note du 9 juillet 1996, mais il n'a fait aucune recommandation sur cette question, quand bien même " l'ivresse " constitue une infraction d'ordre militaire en vertu de l'article 97 de la Loi sur la Défense nationale. Le capitaine Garrick a aussi accepté la version du lieutenant-colonel A.F. Robertson sur cet incident, laquelle concluait que c'était le (alors) caporal-chef M.C. Tremblay qui était fautive, sans même prendre la peine de vérifier auprès de cette dernière, la validité des affirmations du lieutenant-colonel Robertson.
 

Ironiquement, vers le 17 mai 1996, le lieutenant-colonel (alors major) Robertson avait rédigé une lettre indiquant que la performance du caporal-chef, pendant ce voyage, avait été " excellente " et qu'à son avis "...elle était maintenant prête à assumer des responsabilités beaucoup plus importantes et elle possédait manifestement les qualités requises pour être promue bien au-delà du grade de sergent. " Les actions du capitaine Garrick ont été en violation directe des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 107.02.03. qui stipulent que " ...une enquête menée en vertu de ce chapitre (Chapitre 107) doit, à tout le moins, recueillir toutes les preuves raisonnablement disponibles permettant de prouver la culpabilité ou l'innocence de la personne sur laquelle porte l'enquête. "

 
Le capitaine Poulin prétend aussi que :
 

Le capitaine Garrick a aussi accepté la version du lieutenant-colonel A.F. Robertson sur cet incident, laquelle concluait que c'était le (alors) caporal-chef M.C. Tremblay qui était fautive, sans même prendre la peine de vérifier auprès de cette dernière, la validité des affirmations du lieutenant-colonel Robertson.

 
Le rapport d'enquête du Service national des enquêtes, compilé par le capitaine Garrick, indique que :
 

(Le colonel Labbé) avait reçu une lettre du lieutenant-colonel ROBERTSON, dont une copie a été fournie; dans cette lettre, le lieutenant-colonel avait abordé le sujet des officiers qui avaient consommé de l'alcool à bord d'un autobus. Il déclarait, qu'au fond, toute cette affaire avait été montée en épingle, que le colonel Labbé n'était pas au mess lors de cet incident et qu'un caporal-chef avait la responsabilité d'assurer que les étudiants montaient tous à bord de l'autobus. Malheureusement certains étudiants avaient apporté un verre d'alcool à bord de l'autobus.

 
Le capitaine Garrick s'est rappelé avoir examiné les allégations du capitaine Poulin à propos de consommation d'alcool dans des autobus, en 1996. Il avait inscrit dans son carnet, son entrevue avec le lieutenant-colonel Robertson, le 2 septembre 1998 à 13 h 15. Le lieutenant-colonel Robertson faisait partie du personnel du colonel Labbé au Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne, en 1996.
 

Le capitaine Garrick a souligné que, lors de son entrevue avec le lieutenant-colonel Robertson, ce dernier avait déclaré s'en tenir à sa lettre du 28 juillet 1998 au colonel Labbé. Dans cette lettre, il avait reconnu sa responsabilité dans l'absence d'une supervision adéquate; il a ajouté qu'il avait été réprimandé pour ne pas s'être assuré de la présence d'un officier de grade suffisant pour superviser cette activité.
 

Dans sa lettre du 28 juillet 1998 au colonel Labbé, le lieutenant-colonel Robertson avait déclaré :
 

Le capitaine Garrick a souligné que, lors de son entrevue avec le lieutenant-colonel Robertson, ce dernier avait déclaré s'en tenir à sa lettre du 28 juillet 1998 au colonel Labbé. Dans cette lettre, il avait reconnu sa responsabilité dans l'absence d'une supervision adéquate; il a ajouté qu'il avait été réprimandé pour ne pas s'être assuré de la présence d'un officier de grade suffisant pour superviser cette activité.

 
Conclusions

Les enquêteurs de police gardent la prérogative de décider d'enquêter ou non sur les allégations d'inconduite qui sont portées à leur attention. Beaucoup de facteurs entrent en jeu dans l'exercice de cette prérogative. Dans ce cas-ci, il semble que le capitaine Garrick ait choisi de ne pas enquêter sur les allégations du capitaine Poulin contre le colonel Labbé, pour un certain nombre de raisons dont le fait que l'affaire semblait avoir été réglée en 1996 par le Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne. Je suis convaincu que, dans ce cas, la décision du capitaine Garrick de ne pas enquêter sur ces allégations, a été un exercice tout à fait approprié de sa prérogative.
 

Allégation 4 : Défaut d'enquêter sur l'allégation selon laquelle le colonel Labbé aurait organisé le transport de ses officiers qui se rendaient dans une boîte de striptease, dans les années 1980

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Dans ma note du 9 juillet 1996, adressée au lieutenant-général Leach (alors major-général), j'ai déclaré que  « lorsque j'étais commandant de bataillon à la Base des Forces canadiennes de Valcartier (Québec), à la fin des années 1980, le colonel Labbé avait organisé le transport des officiers, habillés en uniforme de combat, qui se rendaient dans un club local de striptease. Le numéro d'une des danseuses consistait à revêtir un des uniformes d'officier. »  Cette allégation a été incluse dans le rapport d'enquête du capitaine Garrick (NCN 118-01-98) d'août 1998 mais, à ma connaissance, le capitaine Garrick n'a pas fait d'enquête. Cette inaction est en violation directe des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 107.02(1) qui stipulent que :  « Lorsqu'il y a plainte ou qu'il existe d'autres raisons de croire qu'une infraction d'ordre militaire a été commise, une enquête doit normalement être faite, aussitôt que possible, afin de déterminer s'il existe des raisons suffisantes de porter des accusations. » 
 

Lors de son entrevue avec mes enquêteurs, le 27 juillet 2000, le capitaine Garrick a déclaré que le Service national des enquêtes avait examiné cette allégation relative à un incident qui s'était apparemment produit vers la fin des années 1980. Il a indiqué que l'information du capitaine Poulin n'était qu'une rumeur et qu'il n'avait pas été personnellement témoin de ce prétendu incident.
 

Dans sa note du 9 juillet 1996, le capitaine Poulin avait déclaré avoir obtenu cette information en discutant avec d'autres étudiants, lors de son séjour à Fort Frontenac. Il avait déclaré plus précisément que :
 

...lorsque d'autres étudiants (sic) ont été mis au courant des faits présumés, mentionnés précédemment, ils n'ont pas semblé (sic) surpris du comportement du colonel Labbé. Au lieu, ils m'ont mis au courant d'un autre incident (sic) dont ils avaient été directement témoins...


Conclusions

Comme je l'ai dit précédemment, les enquêteurs de police gardent la prérogative de décider d'enquêter ou non sur les allégations d'inconduite qui sont portées à leur attention. Dans l'exercice de cette prérogative, beaucoup de facteurs peuvent être pris en considération comme l'âge d'une plainte, l'existence ou non de témoins, le fait que l'allégation repose ou non sur une rumeur difficile à prouver. Je ne suis pas convaincu que le capitaine Garrick a exercé sa prérogative d'officier de police d'une manière inappropriée.
 

Table des matières
 

D. Allégation contre l'adjudant-maître Peter MacFarlane

L'adjudant-maître MacFarlane est un enquêteur de la Police militaire qui avait été assigné à l'enquête sur les allégations contre le colonel Labbé, aux côtés du capitaine Garrick. Ces allégations étaient contenues dans la note du capitaine Poulin, du 9 juillet 1996, laquelle avait été rendue publique le 17 juin 1998. Le capitaine Poulin prétend que l'adjudant-maître MacFarlane n'a pas fait de suivi lorsqu'il (le capitaine Poulin) a demandé que le Service national des enquêtes vérifie si le colonel Labbé bénéficiait ou non d'une représentation et de conseils juridiques, aux frais de l'État, pendant l'enquête. L'adjudant-maître MacFarlane a répondu, le 14 mars 2001, à la partie du rapport intérimaire qui le concerne. Ses commentaires ont été soigneusement étudiés et des éclaircissements ont été apportés au rapport final, lorsque c'était approprié.
 

Allégation : Refus d'enquêter pour vérifier si le colonel Labbé bénéficiait ou non des services d'un conseiller juridique, aux frais du gouvernement

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 3 juillet 1998, je (le capitaine Poulin) me suis rendu à l'édifice de la Constitution pour y rencontrer l'adjudant MacFarlane (analyste d'enquête du Service national des enquêtes-Région centrale) et lui remettre une coupure de presse ainsi qu'une note adressée au lieutenant-commander S. Moore. Après avoir lu mes commentaires et accusé réception d'un vidéo que je lui avais remis, l'adjudant MacFarlane m'a dit qu'ils détermineraient qui payait les honoraires de l'avocat du colonel Labbé et pourquoi les services d'un avocat avaient été retenus à ce stade du processus.
 

J'ai cru comprendre, à partir de ses commentaires, que personne au Service national des enquêtes n'avait indiqué clairement au colonel Labbé s'il était " témoin " ou " sujet " dans cette enquête du Service national des enquêtes. L'adjudant MacFarlane avait poursuivi en laissant entendre que s'il s'avérait que le ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes payait les honoraires de Me Hendin, le Service national des enquêtes devrait alors entreprendre une autre enquête sur cet aspect du cas.
 

Je n'ai jamais été informé d'une quelconque enquête du Service national des enquêtes à cet égard, ni des résultats s'il y avait eu enquête et ce, même si j'étais le plaignant. Il semblerait donc que l'adjudant MacFarlane ait été en violation directe des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 107.02(1) qui stipulent que : " Lorsqu'il y a plainte ou qu'il existe d'autres raisons de croire qu'une infraction d'ordre militaire a été commise, une enquête doit normalement être faite, aussitôt que possible, afin de déterminer s'il existe des raisons suffisantes de porter des accusations. "

 
Le 27 juillet 2000, mes enquêteurs ont rencontré l'adjudant-maître Peter MacFarlane, dans la salle de réunion, au 5ème étage du 55, rue Murray; l'entrevue a été enregistrée sur bande audio. Une copie de l'allégation du capitaine Poulin lui avait été remise avant l'entrevue. Comme je l'ai souligné précédemment, mes enquêteurs avaient aussi examiné tout le dossier d'enquête du Service national des enquêtes, sur les allégations d'inconduite contre le colonel Labbé.
 

L'adjudant-maître MacFarlane avait reçu l'ordre, en même temps que le capitaine Garrick, d'enquêter sur les allégations de comportement inapproprié du colonel Labbé envers une employée civile du mess, à la base des Forces canadiennes à Kingston, allégations faites par le capitaine Poulin, dans sa note de service du 9 juillet.
 

Dans sa réponse au rapport intérimaire, l'adjudant-maître MacFarlane a confirmé avoir rencontré le capitaine Poulin, vers le 3 juillet 1998, après que ce dernier ait d'abord demandé à rencontrer le lieutenant-commander Moore. Il avait rencontré le capitaine Poulin qui lui avait remis une cassette vidéo, des notes manuscrites et d'autres informations; il avait informé ce dernier que ces informations seraient transmises au lieutenant-commander Moore pour revue et action selon les besoins. Il maintient qu'il a effectivement remis les documents que lui avait fournis le capitaine Poulin, au lieutenant-commander Moore.
 

L'adjudant-maître MacFarlane a indiqué qu'il n'avait pas reçu l'ordre d'enquêter sur la possibilité que le colonel Labbé ait bénéficié d'une assistance ou de conseils juridiques, aux frais de l'État. Le colonel Labbé avait été interrogé par le capitaine Garrick et le sergent Cavasin du Service national des enquêtes, le 13 août 1998. Une copie de la cassette audio, enregistrée pendant cette entrevue, a été remise à mes enquêteurs et une transcription en a été faite. Un examen de cette transcription montre clairement que le colonel Labbé a bien été interrogé en tant que sujet de l'enquête sur les allégations contenues dans la note du capitaine Poulin, du 9 juillet 1996. Il est aussi clair qu'il n'y avait pas d'avocat présent pendant la déposition du colonel Labbé.
 

Lors de son entrevue avec le Service national des enquêtes, le colonel Labbé a déclaré qu'un avocat de ses amis l'avait mis au courant des allégations que le capitaine Poulin avait faites contre lui. Il avait ajouté que, le 18 juin 1998, cet avocat lui avait télécopié la note du capitaine Poulin, du 9 juillet 1996; il a affirmé que c'était la première fois qu'il avait entendu parler de ces allégations.
 

Le 12 septembre 2000, mes enquêteurs ont rencontré le colonel Serge Labbé à l'hôtel Hilton d'Izmir en Turquie; l'entrevue avait été enregistrée sur bande audio. Les enquêteurs lui avaient demandé si les services d'un avocat lui avaient été fournis, à la suite des allégations que le capitaine Poulin avait faites contre lui. Il avait répondu que non. Il avait ajouté qu'il s'était lié d'amitié avec l'avocat en question et qu'il avait discuté avec lui de l'enquête du Service national des enquêtes. Il avait réaffirmé qu'il n'avait pas été représenté lors de son entrevue avec le Service national des enquêtes, qu'il n'avait pas demandé de l'être et qu'il n'avait pas non plus demandé de remboursement de frais légaux aux Forces canadiennes.
 

Conclusions

Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes avait reçu pour mandat d'enquêter sur des allégations d'inconduite faites contre le colonel Labbé et de déterminer s'il y avait lieu ou non de porter des accusations pour infraction d'ordre pénal ou militaire. Le capitaine Poulin a été le catalyseur dans cette enquête, dans la mesure où c'était sa note de service contenant ses allégations contre le colonel Labbé, qui avait entraîné l'intervention du Service national des enquêtes. Cependant, il n'était ni victime ni plaignant et en dehors de son désir de voir ses préoccupations prises en considération et traitées de façon appropriée, il n'avait pas d'intérêt direct dans les résultats de cette enquête. Même s'il était désirable que le Service national des enquêtes le tienne informé du déroulement de l'enquête initiée par ses allégations, je ne suis pas convaincu qu'il aurait dû être informé si le colonel Labbé avait ou non bénéficié de services juridiques pendant l'enquête. Par conséquent, je ne pense pas que l'adjudant-maître MacFarlane ait exercé sa prérogative d'une façon inappropriée ni que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes se soit montré injuste envers le capitaine Poulin en refusant d'enquêter sur les allégations de ce dernier à propos de prétendus services juridiques accordés au colonel Labbé, aux frais de l'État.
 

Table des matières
 

E. Allégation contre le colonel Serge Labbé

Le colonel Labbé est un ancien commandant du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne situé au Fort Frontenac, à Kingston en Ontario. Dans une note de service datée du 9 juillet 1996 et adressée au lieutenant-général Leach, le capitaine Poulin a prétendu que le colonel Labbé, à l'époque où il commandait le Collège, s'était comporté de façon inappropriée à l'égard d'une employée civile, serveuse au mess des officiers du Fort Frontenac. Comme il a déjà été mentionné, à la suite de l'enquête qu'il avait faite, sur ces allégations, le Service national des enquêtes avait conclu qu'il n'y avait pas de preuve suffisante pour justifier une accusation d'infraction d'ordre pénal ou militaire.
 

Mon enquêteur est entré en contact avec le colonel Labbé, le 27 mars 2001, à son lieu actuel d'affectation. À la demande de ce dernier, mon enquêteur lui a lu au téléphone, la partie du rapport intérimaire qui le concerne. Le colonel Labbé a déclaré qu'il n'avait aucun commentaire à faire sur ce qui lui avait été lu.
 

Allégation : A fait des commentaires diffamatoires aux enquêteurs du Service national des enquêtes des Forces canadiennes et a fait un usage inapproprié d'information de nature personnelle

Dans le cadre de son enquête, le Service national des enquêtes avait interrogé le colonel Labbé en tant que principal sujet des allégations contenues dans la note du 9 juillet 1996. Parmi les documents dont il a reçu copie, dans le cadre de l'Accès à l'information, le capitaine Poulin a trouvé des copies de notes que le colonel Labbé avait prises pour préparer son entrevue avec les enquêteurs du Service national des enquêtes. Le capitaine Poulin est d'avis que certains commentaires que le colonel Labbé aurait faits aux enquêteurs du Service national des enquêtes, sont diffamatoires et constituent un usage inapproprié de renseignements de nature personnelle.
 

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend plus précisément que :
 

Le colonel Labbé a aussi fait plusieurs fausses déclarations au Service national des enquêtes, lorsqu'il s'est servi de l'appréciation finale du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne sur le cours que j y avais suivi et a interprété les notes que j'avais obtenues, d'une manière tout à fait incompatible avec le manuel de formation du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne. Le rapport de cours que nous avions tous les deux signé, se lisait comme suit : " Le capitaine Poulin est un officier intelligent et travailleur qui a généralement conservé une attitude positive tout au long du cours ... Il possède d'excellentes facultés intellectuelles pour soutenir sa capacité de résolution de problèmes et il a été à l'origine de l'élaboration de solutions acceptables à des problèmes stratégiques complexes ... Officier sûr de lui, il a démontré qu'il pouvait effectivement organiser une équipe de manière à obtenir les résultats requis ... "
 

 

Le colonel Labbé, en tant qu'ancien commandant du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne, a déclaré au Service national des enquêtes, en complet contraste avec le rapport mentionné plus haut, que maintenant, en rétrospective,  « ... il (le capitaine Poulin) avait été généralement considéré comme le plus faible des étudiants canadiens et que sa note globale de C avait été extrêmement généreuse ... » 
 

Le capitaine Poulin a aussi déclaré que :
 

Le colonel Labbé s'est servi de façon inappropriée de sa qualité officielle d'ancien commandant du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne pour donner de fausses informations de nature personnelle. Il a affirmé que : " il (le capitaine Poulin) avait le mérite discutable de s'être classé 10ème sur 10 dans au moins deux des trois classes dirigées. " Je ne me rappelle pas du tout m'être classé 10ème sur 10 dans au moins deux des trois classes dirigées. Ce classement n'a jamais été discuté avec moi et n'est apparu nulle part, dans les évaluations intermédiaires ou de fin de cours.
 

Le colonel Labbé, en sa qualité officielle d'ancien commandant du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne, a donné de fausses informations de nature personnelle sur ma performance aux trois classes dirigées du Collège. Plus précisément, il a déclaré au Service national des enquêtes que " ...il (le capitaine Poulin) n'avait jamais dépassé un très faible niveau C.
 

En contraste avec les affirmations du colonel Labbé, ma deuxième évaluation de cours se lisait comme suit : " Sa (le capitaine Poulin) capacité de communication orale est supérieure à la moyenne, tout comme sa connaissance des procédures d'état-major ... C'est un officier sûr de lui qui a montré, dans ses solutions tactiques, une originalité qui a donné des résultats acceptables ... le capitaine Poulin fera un bon officier d'état-major, au niveau de la Brigade.

 
Mes enquêteurs ont rencontré le colonel Labbé, à l'hôtel Hilton de Izmir en Turquie, le 12 septembre 2000. Ils lui avaient fait parvenir, au préalable, vers le 14 juillet 2000, une copie des allégations que le capitaine Poulin avait faites contre lui; l'entrevue a été enregistrée su bande audio.
 

Mes enquêteurs avaient aussi obtenu une copie de l'enregistrement audio de l'entrevue du colonel Labbé avec le capitaine Garrick et le sergent Cavasin du Service national des enquêtes, laquelle avait eu lieu le 13 août 1998. Mon Bureau en avait fait une transcription que mes enquêteurs avaient pu étudier avant leur entrevue.
 

Lors de son entrevue avec les enquêteurs du Service national des enquêtes, le colonel Labbé avait catégoriquement rejeté les allégations faites par le capitaine Poulin dans sa note du 9 juillet 1996. Il avait suggéré que le capitaine Poulin était motivé par la vengeance, à la suite de la mauvaise évaluation qui avait été faite de sa performance au Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne.
 

Mes enquêteurs ont aussi obtenu, du capitaine Poulin, une copie du rapport final de cours qu'il avait reçu le 12 juin 1996. Ils ont aussi examiné une copie de ses bulletins de notes ainsi que des statistiques sur les performances des autres étudiants de ce cours.
 

En réponse à ces allégations, le colonel Labbé a déclaré :
 

... Je n'ai certainement pas parlé ni aux médias ni en public ... je n'ai jamais eu l'intention de le blesser. J'ai simplement dit, au cours de mes discussions avec le Service national des enquêtes, ce que je considérais être de l'information pertinente. Les faits tels que je les connaissais sans avoir vu ses rapports de cours, car je n'y ai jamais eu accès depuis que j'ai quitté le Collège, en 1996.

 
Le colonel Labbé a ajouté :
 

Je n'ai pas été diffamatoire car, être diffamatoire implique de faire sciemment de fausses déclarations en public. Je n'ai jamais fait sciemment de fausses déclarations. J'ai toujours fourni au Service national des enquêtes ce que je considérais être les faits, encore une fois sans avoir vu ses rapports ou dossier de cours. ... je n'ai pas été diffamatoire lorsque, en août 1998, j'ai rencontré les enquêteurs du Service national des enquêtes et fait mon devoir. Je le faisais dans le cadre d'une enquête provoquée par des allégations que le capitaine Poulin avait faites.

 
Le colonel Labbé a affirmé faire son devoir en parlant au Service national des enquêtes, parce qu'il se savait innocent des allégations faites contre lui par le capitaine Poulin, dans sa note du 9 juillet 1996. Il a poursuivi :

... J'ai accepté de dire toute la vérité et rien que la vérité, au Service national des enquêtes, tout ce que je savais. Je pense que je n'avais aucune obligation de le faire, de dire tout ce que l'on croit pertinent, y compris les perceptions personnelles. ... Ma perception personnelle est ce que je crois être la vérité dans ce qui s'est réellement passé ... Mes observations reposent sur ce que je me rappelle du capitaine Poulin ...c'est à dire sur ma mémoire ... Je crois que cette information est pertinente et donc je dois la fournir, car je reste convaincu que ses notes de cours sont le véritable motif de ses allégations contre moi. Mes propos ont été tenus dans le cadre de ce que je croyais être une enquête confidentielle du Service national des enquêtes et je pense que j'étais en droit d'attendre que cette confidentialité soit protégée de façon appropriée.

 
Le colonel avait poursuivi en déclarant croire que toute information de nature personnelle était censée être retirée des rapports et autres documents avant que ceux-ci deviennent accessibles au public dans le cadre de la politique d'Accès à l'information.
 

Conclusions

L'information communiquée par le colonel Labbé au Service national des enquêtes, sur la performance du capitaine Poulin aux cours du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne ainsi que les rapports de cours et autres bulletins de ce dernier, ont été soigneusement examinés. Les différences entre les évaluations respectives du colonel Labbé et du capitaine Poulin de la performance de ce dernier, sont vraiment des questions d'opinion, de perception et d'interprétation de ses rapports narratifs de cours. Il est compréhensible que le capitaine Poulin ait pu être froissé par certains commentaires que le colonel Labbé a faits aux enquêteurs du Service national des enquêtes, car sa description de la performance du capitaine Poulin n'était pas particulièrement généreuse ou flatteuse.
 

Il est important de rappeler le contexte dans lequel ont été faits ces commentaires auxquels le capitaine Poulin s'objecte. Le colonel Labbé avait fait ces commentaires en répondant aux questions des enquêteurs du Service national des enquêtes, auxquels il devait une coopération totale, dans le cadre de leur enquête. Il était aussi la cible d'allégations sérieuses, faites par le capitaine Poulin et il exprimait son opinion sur les motifs qui avaient poussé ce dernier à faire ce qu'il affirmait catégoriquement être des allégations fausses.
 

Le colonel Labbé avait fait ses commentaires dans des circonstances qui étaient censées en garantir le caractère d'information protégée et confidentielle. Il est clair qu'il n'avait jamais envisagé que ces commentaires puissent être divulgués. Il avait exprimé une opinion basée sur son souvenir de la performance du capitaine Poulin, dans avoir eu l'occasion de revoir les rapports et bulletins de cours. Il aurait sans doute été préférable qu'il s'abstienne de tout commentaire sur les résultats du capitaine Poulin et qu'il se contente d'inviter les enquêteurs à examiner les rapports et bulletins de cours de ce dernier; mais en tant que sujet de l'enquête du Service national des enquêtes, le colonel Labbé avait tout intérêt à informer les enquêteurs de ce qu'il croyait être un motif possible derrière des allégations qu'il continuait de qualifier de fausses.
 

Je pense que les enquêteurs du Service national des enquêtes auraient replacé les commentaires du colonel Labbé dans le contexte approprié.
 

Il est clair que les enquêteurs du Service national des enquêtes qui conduisaient l'enquête, auraient eu accès aux bulletins de cours du capitaine Poulin. Je suis aussi convaincu, à la lumière des autres preuves recueillies par mes enquêteurs, que les commentaires du colonel Labbé n'ont pas influé sur les résultats de l'enquête du Service national des enquêtes.
 

Table des matières
 

F. Allégations contre le commander Stephen Moore

Le commander Moore était l'officier commandant le Service national des enquêtes - Région centrale et le chef enquêteur dans l'enquête sur l'inaction présumée que le lieutenant-général Leach aurait opposée à la note de service du 9 juillet 1996, dans laquelle le capitaine Poulin avait fait des allégations contre le colonel Labbé.
 

Le commander Moore est actuellement Grand Prévôt adjoint, Service national des enquêtes - Soutien aux enquêtes.
 

Les plaintes du capitaine Poulin contre le commander Moore reposent sur des allégations selon lesquelles l'enquête du Service national des enquêtes sur l'inaction présumée du lieutenant-général Leach aurait été inadéquate, et le commander Moore n'a pas enquêté sur les plaintes que le capitaine Poulin avait déposées pour harcèlement, représailles et divulgation de renseignements personnels de nature médicale.
 

Le commander Moore a répondu, à la portion du rapport intérimaire qui le concerne, dans une note de service datée du 28 mars 2001. Ses commentaires ainsi que ceux de l'actuel Grand Prévôt des Forces canadiennes ont été soigneusement étudiés et ont éventuellement donné lieu à des éclaircissements dans le rapport final, lorsque cela s'est avéré nécessaire. Les commentaires du commander Moore concernant le rôle de mon Bureau dans l'examen des plaintes reliées à la conduite de la Police militaire, sont traitées dans une autre partie de ce rapport.
 

Allégation 1 : Enquête inadéquate sur l'inaction présumée du lieutenant-général Leach et défaut d'interroger des témoins pertinents

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :

Le lieutenant-commander Moore n'a pas fait le nécessaire pour que les personnes suivantes soient interrogées, quand bien même leur témoignage était pertinent à l'enquête du Service national des enquêtes; cela montre encore une fois que ses actes étaient en violation directe des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 107.03 qui stipulent que : " ... une enquête menée en vertu de ce chapitre (chapitre 107), doit à tout le moins, recueillir toutes les preuves raisonnablement disponibles permettant de prouver la culpabilité ou l'innocence de la personne sur laquelle porte l'enquête. "
 

Le major (alors) Jacques Tremblay - Il était mon supérieur immédiat lorsque j'étais au Commandement de la Force terrestre de St-Hubert. Il avait rempli la section du superviseur de mon Rapport d'appréciation du personnel 1995-1996 (au nom du colonel Coleman). J'avais souligné exprès l'importance de son témoignage - il avait vu ma note de service du 9 juillet 1996 - au lieutenant-commander Moore, lors de mon témoignage devant le Service national des enquêtes, sans résultat. Vers le 18 août 1999, le lieutenant-colonel Tremblay avait confirmé que " personne du Service national des enquêtes ne m'a contacté à ce sujet " (en français dans le texte).
 

Le lieutenant-colonel Réjean Duchesneau - Il a remplacé le colonel R.. Coleman au cours de l'été 1996. Il faisait donc aussi partie de ma chaîne de commandement. Je lui avais montré mes notes de service des 9 et 15 juillet 1996; j'avais souligné exprès ces faits au lieutenant-commander Moore, lors de mon témoignage devant le Service national des enquêtes, sans résultat.
 

Un article du Kingston Whig Standard signé par Rob Tripp et daté du 9 février 1999, avait cité les propos de l'inspecteur Killam (Gendarmerie royale du Canada) qui avait participé à l'enquête sur les allégations de négligence contre le lieutenant-général Leach : " Je suis convaincu qu'il (le lieutenant-général Leach) a lu la (note de service); " Après la conférence de presse du 17 juin, (le lieutenant-colonel Trudel) a cherché la note, mais elle n'était plus dans le classeur ... Je suis d'accord, cela ressemble à de la dissimulation. "
 

Malgré ces affirmations, le lieutenant-commander Moore n'avait pas recommandé de porter des accusations contre le lieutenant-général Leach et, à ma connaissance, il n'avait même pas ouvert d'enquête sur une dissimulation possible. La façon dont le lieutenant-commander Moore a mené l'enquête semble être en violation directe des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 107.03
 

qui stipulent que : " ... une enquête menée en vertu de ce chapitre (chapitre 107) doit, à tout le moins, recueillir toutes les preuves raisonnablement disponibles permettant de prouver la culpabilité ou l'innocence de la personne sur laquelle porte l'enquête. "

 
Le 6 septembre 2000, mes enquêteurs ont rencontré le commander Stephen Moore, dans la salle de réunion, au 5ème étage du 55, rue Murray; l'entrevue a été enregistrée sur bande audio. Le commander Moore avait reçu, auparavant, une copie des allégations du capitaine Poulin.
 

Le rapport d'enquête du Service national des enquêtes sur l'inaction présumée du lieutenant-général Leach, a conclu que :
 

Bien que le capitaine Poulin et le major Lavoie ont déclaré tous les deux avoir discuté de la note du 9 juillet 1996 avec le lieutenant-général Leach, ce dernier a maintenu catégoriquement n'avoir jamais vu cette note et il avait ajouté que s'il avait vu cette note, il aurait pris des mesures immédiates. ... Il n'y a pas de preuve suffisante permettant de soutenir une accusation d'infraction d'ordre pénal ou militaire contre le lieutenant-général Leach; cependant, cette question devrait être revue d'un point de vue administratif, par la chaîne de commandement.

 
L'inspecteur Dan Killam, de la Gendarmerie royale du Canada, qui était en détachement au Service national des enquêtes, à ce moment là, ainsi que le sergent Dave Cavasin du Service national des enquêtes avaient interrogé le lieutenant-général William Leach. Ce dernier avait déclaré qu'il ne contestait pas la possibilité que cette note soit arrivée jusqu'à son bureau, mais il ne se rappelait tout simplement pas l'avoir lue ou même vue. Il avait dit se rappeler la note du 15 juillet 1996, dans laquelle le capitaine Poulin critiquait l'administration du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne, par le colonel Labbé; il se rappelait aussi en avoir parlé avec le capitaine Poulin, mais il ne se rappelait pas la note du 9 juillet 1996 dans laquelle ce dernier avait fait des allégations d'inconduite sexuelle contre le colonel Labbé.
 

Le lieutenant-général Leach a aussi rencontré mes enquêteurs, les 30 juin et 10 juillet 2000, dans son bureau. Il leur a confirmé qu'il ne contestait pas la possibilité que la note du 9 juillet 1996 soit arrivée jusqu'à son bureau, mais il ne se rappelait pas l'avoir lue. Il affirme cependant que s'il avait eu connaissance de telles allégations, il aurait réagi. Il se rappelait avoir discuté avec le major Lavoie et le capitaine Poulin, des critiques de ce dernier sur le Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne et il se rappelait aussi avoir été d'autant plus attentif aux commentaires du capitaine Poulin qu'ils étaient en train de fermer le Collège pour en refaire complètement le curriculum.
 

À la lumière des preuves recueillies, il est évident que la note de service du 9 juillet 1996 a bien été livrée au bureau du lieutenant-général Leach, au Quartier général de St-Hubert (Québec). Comme je l'ai déjà indiqué, trois témoins affirment que la note contenant les allégations contre le colonel Labbé a été livrée au bureau du lieutenant-général Leach. Le capitaine Poulin a déclaré l'avoir remise en main propre à Mme Ginette Nault, ancienne secrétaire du lieutenant-général Leach. Mme Nault a déclaré au Service national des enquêtes qu'elle avait reçu cette note et l'avait transmise au major Lavoie, ancien adjoint exécutif du lieutenant-général Leach. Le major Lavoie et le capitaine Poulin soutiennent tous deux avoir parlé au lieutenant-général Leach, séparément, des allégations du capitaine Poulin contre le colonel Labbé et ce, avant que la note soit rédigée. Le lieutenant-colonel Trudel a aussi déclaré au Service national des enquêtes que lorsqu'il avait remplacé le major Lavoie comme adjoint exécutif, en 1997, ce dernier lui avait montré la note qui avait été classée. Il a aussi déclaré qu'après la conférence de presse du 17 juin 1998, il avait cherché cette note mais ne l'avait pas trouvée.
 

Le 24 juillet 2000, mes enquêteurs ont interrogé par téléphone le lieutenant-colonel Jacques Tremblay, qui se trouvait à Banja Luka, en Croatie. Le lieutenant-colonel Tremblay (major à l'époque) avait été le supérieur direct du capitaine Poulin, à l'ancien Quartier général de la Force terrestre à St-Hubert. Il est actuellement officier de relations publiques et travaille sous les ordres du Directeur général des Affaires publiques. Il a déclaré que lorsque le capitaine Poulin était revenu du Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne, en 1996, il avait eu une conversation avec lui, au sujet du colonel Labbé; cependant, il ne se souvenait pas de la note de service. Il a ajouté, qu'à l'époque, il était mêlé aux contrecoups de l'affaire de Somalie et que s'il avait vu une note de service mettant en cause le colonel Labbé, il s'en souviendrait à coup sûr. Le capitaine Poulin n'a rien consigné dans son journal qui permette d'appuyer ses dires selon lesquels il aurait montré sa note de service au lieutenant-colonel Tremblay.
 

Mes enquêteurs ont interrogé le lieutenant-colonel Rejean Duchesneau, les 22 juin et 3 novembre 2000, dans la salle de réunion, au 5ème étage du 55, rue Murray. En 1996, le lieutenant-colonel Duchesneau (alors major) avait remplacé le colonel Coleman à la tête des affaires publiques de l'Armée de terre. Il a déclaré qu'il ne se souvenait pas de la note de service du 9 juillet 1996 du capitaine Poulin. Il avait entendu parler des allégations contre le colonel Labbé, pour la première fois lors de la conférence de presse du 17 juin 1998, donnée par le lieutenant-général Leach.
 

Le capitaine Poulin se sert de plusieurs prétendues déclarations de l'inspecteur Killam de la Gendarmerie royale du Canada, pour appuyer son allégation selon laquelle le commander Moore n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour faire interroger toutes les personnes dont le témoignage aurait été pertinent à cette enquête. Lors d'une entrevue avec mes enquêteurs, l'inspecteur Killam leur a déclaré que ses propos avaient été déformés par le journaliste du Kingston Whig Standard et a affirmé que, selon son évaluation, il n'y avait pas de raison valable de croire que le lieutenant-général Leach avait lu la note de service.
 

Le commander Moore a expliqué à mes enquêteurs que lorsque le Service national des enquêtes avait conclu son enquête, il avait consulté le Bureau du Juge-avocat général pour avoir une opinion juridique. Sur la base de cette opinion, il avait conclu que le Service national des enquêtes manquait de raison valable pour accuser le lieutenant-général Leach d'une quelconque infraction.
 

Conclusions

Je suis convaincu que le commander Moore n'a pas omis d'interroger toutes les personnes dont le témoignage aurait été pertinent à l'enquête du Service national des enquêtes.
 

Comme je l'ai déjà indiqué, les résultats de notre enquête et l'examen du dossier d'enquête du Service national des enquêtes m'ont amené à conclure qu'il était très improbable que le lieutenant-général Leach n'ait pas vu la note de service du 9 juillet 1996 dans laquelle le capitaine Poulin avait fait ses allégations d'inconduite contre le colonel Labbé. Cependant, un service de police applique des normes différentes pour déterminer s'il existe des preuves suffisantes pour porter des accusations. En vertu des directives ministérielles qui régissent mon Bureau, je ne suis pas mandaté pour examiner ce genre de discrétion ou pour évaluer si des accusations devraient ou non être portées contre une personne pour infraction d'ordre pénal ou en vertu du code de discipline militaire. Je me garderai donc de le faire.
 

Allégation 2 : A retardé la recherche de la note du 9 juillet 1996, dans le bureau du chef d'état-major de l'Armée de terre

Le capitaine Poulin prétend que :
 

Selon des documents obtenus dans le cadre de la politique d'Accès à l'information, ce n'est que vers le 14 septembre 1998 qu'une perquisition a eu lieu pour chercher la note du 9 juillet 1996. Il s'était donc écoulé presque trois mois entre le moment où la note avait été rendue publique et cette perquisition pour la retrouver dans le bureau du chef d'état-major de l'Armée de terre.

 

Au cours de leur enquête, mes enquêteurs ont étudié en profondeur le dossier d'enquête du Service national des enquêtes sur les allégations d'inaction contre le lieutenant-général Leach. Le Service national des enquêtes a commencé son enquête le 17 juin 1998. Ses enquêteurs ont interrogé le lieutenant-général Leach le 14 septembre 1998 et une perquisition des dossiers du Quartier général de la Force terrestre a été menée le même jour.
 

Les enquêteurs du Service national des enquêtes ont interrogé le lieutenant-colonel Pierre Trudel qui avait remplacé le major Lavoie comme adjoint exécutif du lieutenant-général Leach, en avril 1997. Le lieutenant-colonel Trudel se rappelait que le major Lavoie lui avait montré la note de service qui était classée, à ce moment là, mais il ne se rappelait aucune annotation qui aurait indiqué que le major-général Leach avait lu cette note de service. Les notes prises par l'enquêteur du Service national des enquêtes indiquent que le lieutenant-colonel Trudel a déclaré avoir cherché la note de service, après la conférence de presse du 17 juin 1998, mais qu'elle n'était plus au dossier.
 

Dans la conduite de ses enquêtes, la police doit se conformer à des exigences légales qui réglementent en particulier les perquisitions et les saisies; elle doit aussi prendre un certain nombre de décisions stratégiques et tactiques pour s'assurer que ses enquêtes sont menées de façon efficace et respectent les droits des personnes tels que les garantit la Charte canadienne des droits et libertés. Dans le cas qui nous occupe, le commander Moore explique que le Service national des enquêtes avait retardé la perquisition car il manquait de raison valable suffisante pour obtenir un mandat de perquisition. Finalement, il avait été décidé d'obtenir la permission de perquisitionner le bureau du lieutenant-général Leach.
 

Conclusions

Quand bien même la perquisition du bureau du chef d'état-major de l'Armée de terre, pour trouver la note de service du 9 juillet 1996, n'a été effectuée que le 14 septembre 1998, j'ai indiqué précédemment qu'il y avait d'autres preuves permettant au Service national des enquêtes d'établir l'existence de cette note de service et sa présence dans le bureau du chef d'état-major de l'Armée de terre. Je ne suis pas convaincu que le temps écoulé, avant que le Service national des enquêtes procède à la perquisition du bureau du lieutenant-général Leach, aura influé de quelque manière que ce soit sur les résultats de l'enquête.
 

Allégation 3 : Défaut de vérifier des suggestions d'interférence dans les résultats des enquêtes du Service national des enquêtes

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 21 octobre 1998, à 9 h 30 environ, j'ai parlé au lieutenant-commander Moore et l'ai mis au courant de la conversation que j'avais eue avec le major Deschênes vers le 19 octobre 1998. Plus précisément, je l'ai informé que le major Deschênes m'avait rapporté avoir été témoin d'une conversation qui aurait eu lieu vers le 16 octobre 1998, entre le major-général Penney et le général Baril, au sujet des enquêtes du Service national des enquêtes sur cette affaire.
 

Lors de cette conversation, le major Deschênes m'a affirmé avoir interrompu la conversation car il se sentait mal à l'aise. Selon ses propres mots, cela " frisait l'entrave à la justice. "
 

J'ai exprimé mon inquiétude, au lieutenant-commander Moore, de constater que le chef d'état-major de la Défense et le Chef - Service d'examen connaissaient les résultats de l'enquête du Service national des enquêtes au sujet de ma note de service du 9 juillet 1996, avant que le Grand Prévôt n'ait pu statuer sur cette affaire. Le lieutenant-commander Moore a clos la conversation en disant que cet incident était fort " intéressant ".
 

Vers le 21 octobre 1998, vers la fin de la matinée ou le début de l'après-midi, le major Deschênes m'a téléphoné pour me dire qu'il avait reçu un appel téléphonique du lieutenant-commander Moore et qu'il était impératif que nous nous rencontrions. Il ne m'en a pas dit davantage au téléphone mais le temps écoulé entre cette conversation téléphonique et celle que j'avais eue avec le lieutenant-commander Moore était plus que le fruit du hasard. (Nous nous sommes donc rencontrés le 29 octobre 1998).
 

Vers le 29 octobre 1998, aux environs de 14 h, après une réunion que nous avions eue avec le lieutenant-colonel Moore, le major Deschênes m'avait emmené à l'écart pour me dire qu'il y avait eu malentendu lors de notre conversation du 21 octobre 1998. Il disait maintenant qu'il n'y avait jamais eu de réunion, vers le 16 octobre 1998, entre lui-même, le major-général Penney et le général Baril.
 

Il s'agissait plutôt, ce jour là, d'une réunion avec le major-général Penney et le colonel Maillet. Lors de cette réunion, le major-général Penney et le colonel Maillet avaient discuté des résultats des deux enquêtes criminelles menées par le Service national des enquêtes, sur mes plaintes. Néanmoins, nous étions tout de même en présence, à mon avis, d'une situation dans laquelle deux officiers supérieurs pouvaient semblaient être en mesure d'influencer ou de faire dévier des enquêtes du Service national des enquêtes.
 

Le major Deschênes, qui est un policier militaire de métier, m'avait dit avoir interrompu la discussion parce qu'elle, selon ses propres mots, " frisait l'entrave à la justice. " Après tout, avait-il poursuivi, les personnes présentes à cette réunion connaissaient les résultats avant que le Grand Prévôt n'ait officiellement statué sur les deux enquêtes (sa décision au sujet des deux enquêtes avait été rendue publique le 26 octobre 1998).
 

Dans la même veine, les actions du lieutenant-commander Moore sont en violation de la note de service (5000-1(GPD PS) du (alors) colonel Samson, datée du 30 avril 1998, qui traitait des infractions d'abus de confiance. Cette note de service stipule que : " ...les personnes qui détiennent de tels pouvoirs (c.-à-d. les policiers militaires) doivent se conformer à un code déontologique dont les exigences complètent et dépassent les règles d'éthique et le code de conduite auxquels sont assujettis tous les membres des Forces canadiennes. "
 

De plus, " ... l'abus de confiance par un membre des Forces canadiennes est un motif suffisant de renvoi, tout comme une personne qui perd ses titres de compétence (p. ex. des policiers militaires) peut également s'attendre à être renvoyée des Forces canadiennes. "

 
Le commander Moore a confirmé qu'il avait parlé au capitaine Poulin, le 21 octobre 1998, d'une conversation que ce dernier aurait eue le 19 octobre 1998 avec le lieutenant-général Deschênes. Le capitaine Poulin avait fait part au commander Moore de la conversation dont le major Deschênes avait soi-disant été le témoin, entre le général Maurice Baril, chef d'état-major de la Défense et le major-général Ken Penney, Chef - Service d'examen. Le capitaine Poulin a prétendu que le (alors) major Deschêsnes avait dit de cette conversation qu'elle frôlait l'entrave à la justice à propos des enquêtes du Service national des enquêtes sur le lieutenant-général Leach et le colonel Labbé.
 

Le commander Moore a déclaré qu'il avait confronté le lieutenant-général Deschênes sur ce point, le jour même où le capitaine Poulin lui en avait parlé. Il a indiqué que le lieutenant-colonel Deschênes lui avait répondu qu'il ne savait pas à quoi le commander faisait allusion et qu'il n'avait jamais assisté à une telle réunion.
 

Le 1er août 2000, mes enquêteurs ont rencontré le lieutenant-colonel Deschênes à son bureau du 101, promenade du Colonel By; l'entrevue a été enregistrée sur bande audio. Le (alors) major Deschênes était analyste principal aux Enquêtes et examens spéciaux, une section du Chef - Service d'examen.
 

Le lieutenant-colonel Deschênes a précisé que sa première rencontre avec le capitaine Poulin s'était déroulée le 19 octobre 1998 à 13h15, ce qui est confirmé par leurs notes personnelles à tous les deux. Il voulait informer le capitaine Poulin que son Bureau allait entreprendre une enquête administrative sur les allégations de représailles que ce dernier avait incluses dans l'exposé qu'il comptait faire lors de la conférence de 1998 sur l'éthique de la Défense. Le lieutenant-colonel Deschênes a également indiqué que cette enquête administrative ne devait commencer qu'après la clôture des enquêtes du Service national des enquêtes sur les allégations contre le colonel Labbé et le lieutenant-général Leach.
 

Le lieutenant-colonel Deschênes a déclaré à mes enquêteurs qu'il avait parlé au capitaine Poulin d'une discussion entre le major-général Penney, le colonel Maillet et lui-même, sur la date à laquelle cette enquête administrative pourrait commencer. Comme se le rappelait le lieutenant-colonel Deschênes, le major-général Penney souhaitait que l'enquête administrative commence immédiatement, mais il lui avait alors expliqué que l'enquête du Chef-Service d'examen ne pouvait commencer qu'une fois terminée celle du Service national des enquêtes. Il a commenté que c'était là toute l'information qu'il avait communiquée au capitaine Poulin et que c'était probablement cette même information que ce dernier avait qualifiée " d'entrave à la justice ".
 

Le lieutenant-colonel Deschênes a affirmé qu'il avait rencontré à nouveau le capitaine Poulin, le 29 octobre 1998, afin de clarifier ce malentendu. Cela est corroboré par une note explicative dans le journal du capitaine Poulin.
 

Conclusions

Cette allégation semble reposer sur un malentendu entre le capitaine Poulin et le lieutenant-colonel Deschênes, anciennement analyste principal aux Enquêtes et examens spéciaux à la Direction du Chef-Service d'examen. À mon avis, il est probable que la perception d' " entrave à la justice " du capitaine Poulin viendrait d'un commentaire du lieutenant-colonel Deschênes, selon lequel il serait inapproprié d'amorcer une enquête administrative tant que l'enquête du Service national des enquêtes n'était pas terminée. Ce commentaire était conforme au rôle du lieutenant-colonel Deschênes, au sein du Chef-Service d'examen, qui consistait, entre autres choses, à veiller à ce que les enquêtes administratives n'empiètent pas sur les enquêtes pour infractions d'ordre pénal ou militaire.
 

Mes enquêteurs ont examiné soigneusement les deux dossiers d'enquête du Service national des enquêtes sur les allégations contre le colonel Labbé et contre le lieutenant-général Leach. Je suis satisfait que rien, dans ces dossiers, ne suggère qu'un membre quelconque de la chaîne de commandement des Forces canadiennes, y compris le major-général Penney et le général Baril, se soit ingéré dans l'enquête du Service national des enquêtes ou ait tenté d'en influencer les conclusions.
 

Allégation 4 : Trou dans l'enregistrement vidéo de l'entrevue du Service national des enquêtes avec le capitaine Poulin, le 22 juin 1998

Le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 15 décembre 1998, à 13h52 environ, j'ai reçu un courriel du sergent Duncan. Dans son message, le sergent Duncan signalait que : " Lors de ma conversation avec le lieutenant-commander Moore, commandant du Service national des enquêtes - Région centrale, il m'a avisé qu'il aurait besoin de plus de précisions sur les trous dans le fonctionnement de la cassette vidéo. Je vous laisse le soin de faire le nécessaire pour régler ce problème. "
 

Le 16 décembre 1999, vers 10 h 49, à la suggestion du sergent Duncan, j'ai rédigé et envoyé un courriel au lieutenant-commander Moore, dans lequel je lui donnais des explications sur les 10 minutes manquantes de l'enregistrement vidéo, sans résultat; le lieutenant-commander Moore n'a jamais donné suite à ma demande.

 
Lors de la revue d'une copie de l'enregistrement vidéo de son entrevue avec les enquêteurs du Service national des enquêtes, le capitaine Poulin a découvert ce qui semble être un trou de 10 minutes dans l'enregistrement. Il a fait part de sa préoccupation et a demandé des précisions sur cette tranche de l'entrevue. Cet incident est survenu alors que le Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles lui avait demandé de fournir plus d'information pour étoffer sa plainte contre les membres du Service national des enquêtes pour non-respect des normes professionnelles dans la conduite de leur enquête sur les allégations contre le colonel Labbé et contre le lieutenant-général Leach; il prétend que cette enquête a été inadéquate.
 

Le 18 novembre 1998, le capitaine Poulin a déposé une plainte contre le lieutenant-commander Moore (et d'autres enquêteurs du Service national des enquêtes) par l'intermédiaire du bureau du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles. L'enquête des Normes professionnelles sur les allégations du capitaine Poulin contre le (alors) commander Moore a été confiée au sergent Duncan, de la Gendarmerie royale du Canada, qui était détaché auprès du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, à cette époque là. Le commander Moore a expliqué que, dès lors que le capitaine Poulin avait déposé sa plainte contre lui, aux Normes professionnelles, tous ses contacts avec le capitaine Poulin s'étaient fait par l'entremise du sergent Duncan.
 

Le commander Moore a été interrogé au sujet de la portion présumée manquante de la bande vidéo. Il a expliqué qu'il avait examiné les bandes vidéo et il s'est aussi rappelé qu'ils avaient éprouvé certains problèmes techniques avec la caméra, lors de l'enregistrement, mais il a affirmé catégoriquement qu'il ne manquait aucune portion de l'entrevue sur le vidéo. Il a précisé qu'il avait donné suite à une requête du sergent Duncan car, à cette époque, il ne s'occupait plus du cas du capitaine Poulin.
 

Mes enquêteurs ont obtenu une copie des bandes vidéo détenues par le capitaine Poulin ainsi qu'une copie de l'original détenu par le Service national des enquêtes. Ces vidéos sont l'enregistrement de l'entrevue que le Service national des enquêtes a eu, le 22 juin 1998, avec le capitaine Poulin et son officier désigné, le lieutenant-colonel David Moore. L'entrevue en question est décrite dans les notes entrées le 13 décembre 1998 dans le journal du capitaine Poulin :  « il manque (d)ix minutes d'enregistrement sur la bande, entre 11 h 40 et 11 h 50, le 22 juin 1998  ».
 

Mes enquêteurs ont visionné ces bandes vidéo. La première bande prend fin à 11 h 40, au moment où les enquêteurs du Service national des enquêtes, le capitaine Garrick puis le (alors) lieutenant-commander Moore questionnent le capitaine Poulin sur ce qui le préoccupe à propos du Rapport d'appréciation du personnel du colonel Labbé et du général Baril. Le capitaine Poulin demande la date à laquelle doit être remis le RAP du colonel Labbé; le lieutenant-commander Moore lui répond " le 11 juin 1998 ", puis c'est la fin de la bande. L'enregistrement de la deuxième cassette vidéo débute à 11 h 50, avec le commentaire " ... pendant la pause ... " fait par l'officier désigné auprès du capitaine Poulin, le lieutenant-colonel David Moore; l'entrevue reprend avec une discussion sur le général Baril.
 

Les notes sur l'entrevue que le capitaine Garrick a prises dans son carnet, précisent  « 11 h 40 - changement de la bande; pause. Retour à 11 h 49  ». Le lieutenant-commander Moore a aussi entré dans son carnet, à la date du 22 juin 1998  « 11 h 45 : pause; 11 h 54 : reprise de l'entrevue  ». Même s'il existe une légère différence dans le réglage de leur montre, tous deux indiquent le même intervalle de temps consacré à une pause dans la conduite de l'enquête, intervalle que le capitaine Poulin affirme être une partie manquante de l'entrevue.
 

Conclusions

Même si un laps de 10 minutes n'est pas enregistré sur la copie vidéo repiquée du capitaine Poulin, cet intervalle s'explique par le changement de cassette. La première cassette étant terminée, il y a eu une interruption de 10 minutes car la fin de la première cassette offrait une occasion naturelle de courte pause. Quand l'entrevue a repris, 10 minutes plus tard, le premier commentaire enregistré sur la deuxième bande est celui du colonel David Moore qui, en guise d'introduction, a commencé par  « ... pendant la pause ...  ». Je suis convaincu qu'il n'y a eu aucune erreur des enquêteurs du Service national des enquêtes dans l'enregistrement de l'entrevue avec le capitaine Poulin.
 

Allégation 5 : Défaut de lancer une enquête du Service national des enquêtes pour cause de harcèlement ou de représailles

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 29 juillet 1998, au cours de mon entrevue avec le Service national des enquêtes, j'ai déclaré aux enquêteurs que j'étais victime d'intimidation au point où cela devenait du harcèlement et que je sentais que des représailles étaient faites contre moi. Un des enquêteurs m'a alors répondu qu'une enquête pour cause de harcèlement ou de représailles contre moi, ne faisait pas partie de leur mandat. Ce refus était en violation directe des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 107.02(1)
 

qui stipulent que : " Lorsqu'il y a plainte ou qu'il existe d'autres raisons de croire qu'une infraction d'ordre militaire a été commise, une enquête doit normalement être faite, aussitôt que possible, afin de déterminer s'il existe des raisons suffisantes de porter des accusations. "

 
Le commander Moore a indiqué qu'il avait discuté avec le capitaine Poulin, de ses plaintes pour harcèlement et représailles et qu'il l'avait informé que la politique de la Police militaire ne lui permettait pas d'enquêter sur les plaintes pour harcèlement. Le commander Moore a déclaré à mes enquêteurs avoir informé le capitaine Poulin que le Service national des enquêtes était tout disposé à recevoir toute information qu'il voudrait lui fournir dans la mesure où cette information était pertinente à l'enquête en cours sur des présumées infractions d'ordre pénal ou militaire. Le commander Moore s'est rappelé qu'il avait discuté longuement, avec le capitaine Poulin, des préoccupations de ce dernier et qu'il l'avait enjoint d'utiliser les mécanismes déjà en place, au sein des Forces canadiennes, pour traiter les cas de harcèlement.
 

Le commander Moore a fourni à mes enquêteurs, une copie de l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes 22-4, Service de sécurité et police militaire, Prohibitions 12, a, i) selon laquelle la Police militaire n'est pas autorisée à enquêter sur des plaintes pour harcèlement.
 

Conclusions

Que le lieutenant-commander Moore ait suggéré au capitaine Poulin de se servir des mécanismes existant au sein des Forces canadiennes, pour régler ses problèmes de harcèlement et de représailles, est tout à fait conforme à la politique actuelle de la Police militaire des Forces canadiennes. Je suis persuadé qu'il a pris toutes les mesures requises pour assurer que le capitaine Poulin dispose de toute l'information pertinente sur les autorités et les mécanismes appropriés pour traiter ses plaintes pour harcèlement et représailles.
 

J'ai aussi remarqué que, d'après d'autres aspects de la plainte du capitaine Poulin et d'après ses discussions avec d'autres membres de la chaîne de commandement des Forces canadiennes, il semblait avoir été informé de ses droits en matière de harcèlement ainsi que des mécanismes disponibles qu'il pourrait utiliser s'il désirait porter des plaintes de ce genre. Les allégations spécifiques de harcèlement et de représailles, faites par le capitaine Poulin et reliées à son travail au Bureau de liaison avec les médias, à la Direction générale des Affaires publiques, sont traitées dans la troisième partie de ce rapport.
 

Allégation 6 : Défaut de faire faire une enquête du Service national des enquêtes sur sa plainte pour divulgation de renseignements personnels

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :

Vers le 22 juin 1998, lors de mon entrevue avec le Service national des enquêtes, j'ai signalé qu'un officier supérieur du Quartier général de la Défense nationale avait divulgué de l'information au sujet de mon dossier médical à plusieurs journalistes et, sans doute aussi, au colonel à la retraite Drapeau. Le Service national des enquêtes n'a fait aucune enquête distincte à ce sujet, pas plus qu'il ne m'a informé d'un quelconque résultat dans le cas où il y aurait tout de même eu enquête.
 

Par contre, l'honorable A. Eggleton a déclaré publiquement que le brigadier-général Samson " ... veillera à ce qu'une enquête complète et régulière soit faite, laquelle a déjà commencé ... " afin d'examiner la divulgation, vers le 12 juin 1998, de documents médicaux concernant le soldat (à la retraite) Ann Margaret Dickey, par une source militaire inconnue (Ottawa Sun, 17 juin 1998, p. 8).
 

Encore une fois, l'inaction du lieutenant-commander Moore a été en violation des Ordonnances et règleme
nts royaux applicables aux Forces canadiennes 107.02(1) qui stipulent que : " Lorsqu'il y a plainte ou qu'il existe d'autres raisons de croire qu'une infraction d'ordre militaire a été commise, une enquête doit normalement être faite, aussitôt que possible, afin de déterminer s'il existe des raisons suffisantes de porter des accusations. "

 
Lors de son entrevue du 6 septembre 2000 avec mes enquêteurs, le commander Moore a dit se rappeler que le capitaine Poulin lui avait parlé d'un accident de la route dans lequel il avait été impliqué, en avril 1986.
 

Le capitaine Poulin prétend que cette information aurait été divulguée, par un officier supérieur du Quartier général de la Défense nationale, à des journalistes, dans le but de jeter le doute sur son équilibre mental. Il prétend avoir été questionné sur cet accident par Scott Taylor, de la revue Esprit de Corps, Jason Brown, du Ottawa Citizen et David Gamble, de Southam News. Par contre il n'a pas été capable d'indiquer à mes enquêteurs, une couverture médiatique ou un bulletin de nouvelles précis qui auraient publié ou diffusé l'information.
 

Le 13 juillet 2000, mes enquêteurs ont interrogé Scott Taylor, à son bureau de la rue Somerset ouest à Ottawa, au sujet de la présumée fuite d'information médicale sur l'accident du capitaine Poulin. M. Taylor a indiqué qu'en ce qui concerne la note de service du 9 juillet 1996, la source avait été anonyme et que, dans le cas de l'information sur l'accident, c'était le colonel (à la retraite) Michel Drapeau qui avait reçu l'appel1.

 

Le 17 juillet 2000, mes enquêteurs ont interrogé Michel Drapeau, par téléphone, au sujet de la source de la fuite d'information sur l'accident du capitaine Poulin. Michel Drapeau a affirmé que l'information médicale provenait d'un colonel ou d'un officier de grade plus élevé du Quartier général de la Défense nationale, mais il a refusé de révéler son identité à mes enquêteurs.
 

Le dossier médical du capitaine Poulin contient de l'information sur les traitements qu'il a reçus à la suite de cet accident. Le dossier médical est conservé au Centre médical de la Défense nationale et mes enquêteurs n'ont pu examiner ce dossier qu'après avoir fourni, au superviseur de la section des dossiers médicaux, une autorisation écrite du capitaine Poulin. Mes enquêteurs n'ont rien trouvé qui permette de suggérer qu'une quelconque information de nature personnelle ou médicale en aurait été illégalement extraite et divulguée.
 

Le dossier personnel militaire du capitaine Poulin contient aussi de l'information sur son implication dans un accident de la circulation. Ce dossier est accessible aux divers membres de la chaîne de commandement du capitaine Poulin, mais il ne contenait aucune information médicale; il renfermait simplement le rapport d'accident et une copie d'une citation à comparaître. Comme je l'ai mentionné ailleurs dans ce rapport, les formulaires de réception et de transmission de documents des Forces canadiennes confirment que le dossier personnel du capitaine Poulin a été envoyé par le centre de soutien du personnel, unité de soutien des Forces canadiennes à Ottawa, le 25 juin 1998, à l'attention de l'officier d'administration du Bureau de la Direction générale des Affaires publiques. Là encore, rien ne permet de suggérer qu'un quelconque renseignement personnel en aurait été extrait et divulgué.
 

Conclusions

Des allégations selon lesquelles des membres des Forces canadiennes ont laissé filtrer des renseignements personnels, de nature médicale ou autre, devraient être prises très au sérieux et faire l'objet d'une enquête dans toute la mesure du possible. Cela devrait d'autant plus être le cas lorsqu'une telle fuite donne l'impression d'être une mesure de représailles consécutive à une plainte. Dans sa réponse au rapport intérimaire, le commander Moore a indiqué que, lors d'une entrevue qui eut lieu le 22 juin 1998, le capitaine Poulin lui avait dit avoir trouvé sur son répondeur téléphonique, chez lui, des messages de deux journalistes qui prétendaient que des sources anonymes au Quartier général de la Défense nationale, leur auraient parlé de l'accident. Le commander Moore a expliqué qu'aucune enquête n'avait été faite sur ces " tuyaux " anonymes, parce qu'il ne semblait pas que le capitaine Poulin portait officiellement plainte ni qu'il réclamait une enquête. Il (le commander Moore) avait eu l'impression que le capitaine Poulin parlait d'une fausse information plutôt que d'une fuite. Il ne pensait pas que le lancement de rumeurs constituait une infraction telle que la définit le mandat du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, bien qu'il y perçut un problème d'éthique qui pourrait exiger une attention particulière. Il a déclaré à mon enquêteur que si le capitaine Poulin avait été aussi clair avec le Service national des enquêtes des Forces canadiennes qu'il l'avait été avec les enquêteurs du Bureau de l'Ombudsman, en affirmant qu'une infraction avait été commise, il aurait reçu une explication claire sur les raisons pour lesquelles une telle infraction n'est pas du ressort du Service national des enquêtes des Forces canadiennes. J'accepte l'explication du commander Moore; il s'agit clairement de mauvaise communication. Il n'en reste pas moins vrai que cela a donné au capitaine Poulin l'impression que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes n'était pas intéressé à le protéger.
 

Recommandation de l'Ombudsman

Je recommande donc que :
 

5. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes confirme par écrit au capitaine Poulin sa décision de ne pas enquêter sur ses allégations selon lesquelles des renseignements personnels le concernant auraient été divulgués aux médias, en juin 1998, ainsi que les raisons pour lesquelles ce genre de plainte n'entre pas dans le cadre du mandat du Service national des enquêtes des Forces canadiennes.
 

Un examen préliminaire des dossiers médical et personnel du capitaine Poulin, par mon Bureau, n'a pas permis de découvrir la moindre preuve d'une quelconque fuite de renseignement personnel. Cependant, il existe d'autres avenues d'enquête possibles. Pour donner suite à cette recommandation, mes enquêteurs rencontreront le capitaine Poulin pour déterminer s'il désire que mon Bureau poursuive son enquête sur les aspects éthique et administratif de cette plainte pour divulgation illégale de renseignement personnel aux médias.
 

Table des matières
 

G. Allégations contre le lieutenant-colonel Paul Cloutier

La plainte du capitaine Poulin contre l'ancien Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, le lieutenant-colonel Cloutier, découle du mécontentement éprouvé par le capitaine Poulin devant la façon dont auraient été traitées ses plaintes des 18 et 30 novembre 1998 contre la Police militaire.
 

Mes enquêteurs ont rencontré le lieutenant-colonel Cloutier, le 8 décembre 2000, dans la salle de réunion au 5ème étage du 55, rue Murray. Avant cette entrevue, mon enquêteur était entré en contact avec lui, par téléphone, le 21 septembre 2000. À cette époque, il servait en Bosnie. Au cours de cette conversation téléphonique, mon enquêteur l'avait informé des allégations faites contre lui et lui avait demandé quelle serait la meilleure façon de lui faire parvenir une copie de ces allégations pour qu'il puisse en prendre connaissance avant de nous rencontrer dès son retour au Canada. Le lieutenant-colonel Cloutier avait informé mon enquêteur qu'il rentrait au Canada le 4 décembre 2000 et qu'il aurait alors besoin de revoir les dossiers de son ancien bureau avant toute rencontre.
 

Le 5 décembre 2000, mon enquêteur contactait le lieutenant-colonel Cloutier et lui faisait parvenir une copie des allégations faites contre lui. Ce dernier en accusait réception et, le 7 décembre 2000, il faisait savoir qu'il était prêt à nous rencontrer.
 

Mes enquêteurs avaient obtenu la copie du dossier des Normes professionnelles sur les plaintes du capitaine Poulin. Les quatre plaintes que ce dernier avait déposées, le 18 novembre 1998, visaient trois des enquêteurs du Service national des enquêtes assignés à l'examen des allégations contenues dans sa note de service du 9 juillet 1996 et mettant en cause le colonel Labbé, ainsi que de son allégation d'inaction contre le lieutenant-général Leach. Les trois enquêteurs de la Police militaire qui faisaient l'objet de la plainte pour non respect des normes professionnelles déposée par le capitaine Poulin, étaient l'adjudant MacFarlane, le capitaine Garrick et le lieutenant-commander Moore. Cette plainte du 18 novembre 1998, contre la Police militaire, impliquait aussi le Grand Prévôt des Forces canadiennes qui était alors le brigadier-général Samson, probablement en sa qualité de chef du Service national des enquêtes.
 

J'ai traité la plainte contre chaque officier de la Police militaire impliqué, dans la section qui le concerne. En conséquence, je ne traite, dans cette section, que les aspects de la plainte qui concernent le processus suivi ainsi que la façon dont la section Normes professionnelles a traité la plainte.
 

Par la suite, le capitaine Poulin a déposé une autre plainte contre la Police militaire, le 30 novembre 1998. Cette dernière plainte mettait spécifiquement en cause le lieutenant-colonel Cloutier et son supérieur immédiat, le brigadier-général Samson, Grand Prévôt des Forces canadiennes, dans la manière dont sa plainte du 18 novembre 1998, contre la Police militaire, avait été traitée.
 

Le lieutenant-colonel Cloutier a répondu par écrit, le 12 mars 2001, aux parties du rapport intérimaire qui le concernent. Le Grand Prévôt des Forces canadiennes y a aussi répondu, le 21 mars 2001. Les commentaires du lieutenant-colonel Cloutier et du colonel Cooper ont été soigneusement étudiés et ont donné lieu à des éclaircissements dans le rapport final, lorsque cela s'avérait nécessaire.
 

Les questions du lieutenant-colonel Cloutier, sur le mandat et le rôle de mon Bureau dans la revue des plaintes sur la conduite de la Police militaire ainsi que sur le processus de traitement des plaintes suivi dans cette affaire, sont les mêmes que celles qui ont été posées par le colonel Cooper et sont traitées dans une autre section de ce rapport.
 

Chronologie des événements ayant entouré le traitement des plaintes du capitaine Poulin contre la Police militaire

Avant d'examiner individuellement les allégations contre le lieutenant-colonel Cloutier et contre la Police militaire pour la façon dont elle a mené ses enquêtes sur les plaintes déposées par le capitaine Poulin, il peut être utile de revoir brièvement le cours des événements qui sont survenus alors que les autorités militaires se penchaient sur ces plaintes et décidaient de la suite à leur donner.
 

Lorsqu'il avait reçu les plaintes du 18 novembre 1998 déposées par le capitaine Poulin, le lieutenant-colonel Cloutier avait remarqué que deux d'entre elles visaient spécifiquement son supérieur immédiat, le Grand Prévôt des Forces canadiennes. Suivant en cela la politique de la Police militaire selon laquelle toute plainte sur la conduite du Grand Prévôt des Forces canadiennes doit être référée au chef d'état-major de la Défense, le lieutenant-colonel Cloutier avait envoyé, pour action, ces deux plaintes au chef d'état-major de la Défense par intérim, en y joignant les autres plaintes faites contre les enquêteurs du Service national des enquêtes; il y avait joint les autres plaintes car il estimait qu'elles devaient être traitées ensemble puisque toutes provenaient du même plaignant et portaient sur les mêmes enquêtes du Service national des enquêtes.
 

Ces plaintes avaient été reçues et examinées par l'ancienne adjointe exécutive du chef d'état-major de la Défense, alors le colonel L. Mathieu. Cette dernière avait alors sollicité un avis du Bureau du Juge-avocat général sur la nécessité ou non de traiter ces plaintes au niveau du chef d'état-major de la Défense; elle était d'avis que le sommaire des incidents sur lesquels portaient les plaintes n'indiquait aucune implication directe du Grand Prévôt des Forces canadiennes.
 

Le commander S.J. Blythe, conseiller spécial auprès du Juge-avocat général avait répondu au colonel Mathieu, par une note de service datée du 26 novembre 1998 :
 

Il est très significatif que le Grand Prévôt des Forces canadiennes soit citée parmi les membres de la Police militaire impliqués dans 2 des plaintes et que les sommaires d'incident de ces deux plaintes n'en donne pas la moindre raison ...

 

La meilleure voie à suivre serait de demander au Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles d'entrer en contact avec le plaignant et de demander à ce dernier de confirmer que les plaintes portent effectivement sur des actions ou inactions du Grand Prévôt des Forces canadiennes et, si oui, de décrire avec précision ces actions ou inactions dont il se plaint.
 

S'il s'avère que le plaignant peut effectivement identifier des actions ou inactions du Grand Prévôt des Forces canadiennes sur lesquelles il désire qu'une enquête soit faite, alors je soutiendrai l'action du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles.
 

Dans une lettre datée du 7 décembre 1998 et adressée au plaignant, le capitaine Poulin ainsi qu'à toutes les personnes impliquées dans ses plaintes du 18 novembre 1998, le lieutenant-colonel Cloutier les informait que :
 

Le chef d'état-major de la Défense a exigé que l'on demande au plaignant de clarifier et de préciser les allégations qu'il a faites et les membres contre lesquels il les a faites, dans ses plaintes (4) du 18 novembre 1998 contre la Police militaire. J'ai donc demandé au sergent (Gendarmerie royale du Canada) Duncan, militaire du rang du centre de renseignement, section des enquêtes des Normes professionnelles, d'entrer en contact avec le plaignant.

 
Le sergent Duncan était un enquêteur de la Gendarmerie royale du Canada détaché au Service national des enquêtes et qui relevait directement du lieutenant-colonel Cloutier, Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles.
 

En fin de compte, les plaintes du capitaine Poulin, contre la Police militaire, ont été rejetées par le lieutenant-colonel Cloutier. Dans une lettre datée du 22 janvier 1999 et adressée au capitaine Poulin, au colonel Samson et au général Baril, chef d'état-major de la Défense, le lieutenant-général Cloutier a déclaré :
 

Étant donné le manque d'information de la part du plaignant et son incapacité à, ou son refus de fournir des précisions qui auraient permis de mener une enquête sur sa plainte, je dois classer celle-ci comme vexatoire. Vexatoire est défini comme ... une parmi un certain nombre de plaintes non prouvées, déposées par la même personne et reposant sur les mêmes allégations.

 
Allégation 1 : Mauvaises procédures suivies dans l'enquête proposée sur les plaintes du capitaine Poulin

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 24 novembre 1998, le lieutenant-colonel Cloutier, Grand Prévôt adjoint-Normes professionnelles, m'écrivait une lettre (2120-20-2-3/TD 069-98 (GPA NP). Il accusait réception de mes plaintes contre la Police militaire, du 18 novembre 1998.
 

Sa lettre m'a amené à penser qu'il serait impliqué dans l'enquête sur les actions du brigadier-général (alors colonel) P. Samson, Grand Prévôt des Forces canadiennes qui avait autorité sur lui, de façon réelle et apparente.

 
Le capitaine Poulin exprime aussi la crainte que :

Dans cette même lettre (2120-20-2-3/TD 069-98 (GPA NP), Le lieutenant-colonel Cloutier faisait référence au projet de loi C-25 comme un document faisant autorité, légitimant le rôle de sa section dans l'enquête sur la façon dont le Service national des enquêtes avait traité mes plaintes et susceptible de calmer mes craintes de conflit d'intérêts. Pourtant, le projet de loi C-25 n'avait pas été voté et n'avait donc pas reçu la sanction royale.
 

Le projet de loi C-25 a reçu la sanction royale le 10 décembre 1998 aux alentours de 20h et ce n'est que le 26 août 1999 que le ministère de la Défense nationale/Forces canadiennes émettait la CEMD 066 / CANFORGEN 075/99 annonçant que les clauses du projet de loi C-25 s'appliquant à la justice militaire, seraient en vigueur dès le 1er septembre 1999. Peut-être plus inquiétante était l'affirmation du sergent Duncan, vers le 14 décembre 1998, que le Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles se servait du projet de loi C-25, quand bien même il n'avait pas " force de loi ".

 
Le lieutenant-colonel Cloutier a expliqué à mes enquêteurs que lorsqu'il avait reçu les plaintes que le capitaine Poulin avait déposées le 18 novembre 1998, pour non-respect des normes professionnelles, il avait réalisé qu'il ne pourrait toucher à deux d'entre elles qui impliquaient directement son supérieur immédiat, le Grand Prévôt des Forces canadiennes.
 

En vertu de la politique de la Police militaire, il avait fait suivre les plaintes du capitaine Poulin contre la Police militaire au chef d'état-major de la Défense par intérim, le vice-amiral Garnett, accompagnées de la lettre suivante :
 

Même si le chef d'état-major de la Défense ne se charge que des plaintes portées contre le Grand Prévôt des Forces canadiennes, il me semble approprié que, dans ce cas-ci, pour les besoins de l'enquête et d'un point de vue de responsabilité, les quatre plaintes soient traitées ensemble comme une seule plainte. Cette recommandation repose sur le fait que les quatre plaintes ont été portées par la même personne, qu'elles sont toutes en rapport avec la même enquête du Service national des enquêtes et les mêmes communiqués de presse qui y sont associés. En tant que Grand Prévôt adjoint-Normes professionnelles, je ne peux toucher et donner suite à deux d'entre elles; c'est la raison pour laquelle elles vous sont référées toute les quatre.

 
Le 24 novembre 1998, le lieutenant-colonel Cloutier a écrit au capitaine Poulin pour l'informer de la politique et des procédures applicables à l'enquête sur ses plaintes. Il l'informait aussi que ses plaintes avaient été envoyées, pour action, au chef d'état-major de la Défense par intérim.
 

Le capitaine Poulin s'objecte aussi au fait que les Forces canadiennes se sont basées sur le projet de loi C-25 qui proposait des réformes reliées à la supervision interne de la Police militaire, pour établir la procédure de traitement de ses plaintes contre cette même Police militaire, même si ce projet de loi n'est entré en vigueur qu'à partir du 1er septembre 1999.
 

Lors de son entrevue avec mes enquêteurs, le lieutenant-colonel Cloutier a expliqué que les procédures suivies, pour traiter les plaintes du capitaine Poulin, étaient contenues dans le bulletin 7/98 de politique de la Police militaire, émis le 13 octobre 1998. Ce bulletin avait pour but d'établir des procédures internes compatibles avec celles du projet de loi C-25 pour les plaintes déposées contre la Police militaire soient traitées selon une procédure établie, en attendant que le projet de loi C-25 ait " force de loi ".
 

Conclusions

Je suis convaincu que la lettre que le lieutenant-colonel Cloutier a écrite au capitaine Poulin, le 23 novembre 1998, a démontré qu'il avait bien envoyé au Bureau du chef d'état-major de la Défense, toutes les plaintes du capitaine Poulin sur le Service national des enquêtes, incluant les deux plaintes impliquant le Grand Prévôt des Forces canadiennes.
 

Je ne crois pas que la décision d'incorporer l'esprit et l'intention du projet de loi C-25 dans une politique de police militaire, avant que ce projet devienne loi, soit un exercice arbitraire et inapproprié de pouvoir discrétionnaire. Même si le projet C-25 n'avait pas encore force de loi, à ce moment là, rien n'empêchait les Forces canadiennes d'établir des procédures de revue interne des plaintes contre la Police militaire, qui reflètent exactement les procédures et protections du projet de loi C-25.
 

Allégation 2 : Choix inapproprié de l'autorité chargée d'enquêter sur les plaintes du capitaine Poulin contre la Police militaire

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Le lieutenant-colonel Cloutier n'a suivi ni VCEMD 083 / CANFORGEN100/99, du 16 octobre 1997, ni 2120-20-0 (GPA NP), du 20 juillet 1998. Ces documents énumèrent, par ordre de priorité, une série d'agences qui sont censées enquêter sur des plaintes publiques provisoires contre la Police militaire (para 12). Dans l'ordre, elles sont :
 

  1. Le Service national des enquêtes (pénal);
     
  2. Le Service national des enquêtes conjointement avec une force de police civile appropriée (pénal);
     
  3. La Police civile (pénal);
     
  4. Le Grand Prévôt adjoint-Normes professionnelles 4 (conduite dans l'exercice des fonctions / tâches de police).
     

Mes plaintes publiques provisoires contre la Police militaire, du 18 novembre 1998, écartaient les options (a) et (b), puisqu'elles impliquaient le Service national des enquêtes (pénal) ainsi qu'un membre de la Gendarmerie royale du Canada (l'inspecteur D. Killam) qui avait pris part à l'enquête originale sur ma note de service du 9 juillet 1996. L'étape logique suivante, selon 2120-20-0 (GPA NP) du 20 juillet 1998, aurait été de suivre l'option (c) et pas l'option (d).

 
Le lieutenant-colonel Cloutier est allé plus loin, affirmant que le document, daté du 20 juillet 1998, (2120-20-0 GPA NP),  « Politique provisoire sur les enquêtes des Affaires internes et les plaintes contre ou par la Police militaire  » , auquel le capitaine Poulin fait référence dans son allégation, n'était qu'une ébauche de politique. La politique sur les enquêtes des Affaires internes et les plaintes contre ou par la Police militaire a été finalisée et émise par le chef d'état-major de la Défense, le 13 octobre 1998. C'était sur cette politique que le lieutenant-colonel Cloutier s'était basé pour demander au sergent Duncan d'entrer en contact avec le capitaine Poulin et d'obtenir davantage d'information et des précisions sur ses allégations et les personnes qu'elles impliquaient (le sergent Duncan était détaché au Bureau du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles).
  

La politique émise, le 13 octobre 1998, par le Bureau du chef d'état-major de la Défense, indique que :
 

Suivant les circonstances entourant une plainte, l'une ou l'autre des organisations suivantes sera chargée d'enquêter :
 

  1. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (Service national des enquêtes), pour les infractions d'ordre pénal ou militaire;
     
  2. Le Service national des enquêtes conjointement avec une force de police civile appropriée, pour les infractions d'ordre pénal;
     
  3. La Police civile pour des infractions d'ordre pénal;
     
  4. La Direction du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, pour les cas de conduite professionnelle de policiers militaires, dans l'exercice de leurs fonctions / tâches de police;
     
  5. La Direction du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, pour les cas d'interférence dans une enquête de policiers militaires (jusqu'à l'établissement du Centre canadien de la Police militaire).
 
Conclusions

Et l'ébauche de politique et la politique finale datée du 13 octobre 1998 ont été soigneusement examinées, au cours de la préparation de ce rapport. Aucune des deux versions n'indiquait un ordre de priorité dans l'assignation des plaintes. Au lieu, chaque version semble accorder une certaine discrétion dans le choix d'une agence, selon les circonstances entourant la plainte.
 

Après avoir récupéré les plaintes du capitaine Poulin du Bureau du chef d'état-major de la Défense, le lieutenant-colonel Cloutier a demandé à un membre de son personnel des Normes professionnelles, le sergent Duncan, agent de la Gendarmerie royale du Canada, détaché à ce Bureau, d'obtenir les précisions requises auprès du capitaine Poulin. D'après la chronologie des événements et la directive émise par le Bureau du chef d'état-major de la Défense, il est clair que le sergent Duncan avait bien pour tâche d'obtenir une clarification des plaintes du capitaine Poulin et pas d'entamer une enquête.
 

Il était implicite, à la fois dans l'ordre d'obtenir des éclaircissements de la part du capitaine Poulin sur ses plaintes contre le Grand Prévôt et dans le traitement des plaintes par le Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, que le choix d'une agence pour procéder à l'enquête sur ces plaintes ne pouvait se faire qu'une fois ces éclaircissements obtenus. En fait, je suis d'avis que la façon dont le lieutenant-colonel Cloutier a traité les plaintes du capitaine Poulin n'était en rien incompatible avec les procédures de traitement de plainte de la Police militaire ni n'était un exercice déraisonnable de son pouvoir discrétionnaire.
 

Allégation 3 : Refus d'approuver la requête du capitaine Poulin de retarder la procédure déclenchée par ses plaintes contre la Police militaire et rejet de ses plaintes

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 7 décembre 1998, le lieutenant-colonel Cloutier m'avait envoyé une note de service (2120-20-2-3/TD 069-98 (GPA NP)) libellée comme suit : " le plaignant (le capitaine Poulin) a demandé à pouvoir accéder aux enregistrements vidéo de ses entrevues avec le Service national des enquêtes - Région centrale. Une fois que le commandant du Service national des enquêtes - Région centrale aura fourni les enregistrements, une réunion sera planifiée. " Cet arrangement avait été ultérieurement contredit par une déclaration que le lieutenant-colonel Cloutier avait faite aux alentours du 10 décembre 1998.
 

Vers le 10 décembre 1998, aux alentours de 15 h 36, j'avais reçu une copie pour information d'un courriel dur et intimidant du lieutenant-colonel Cloutier au sergent Duncan au sujet de mes plaintes publiques provisoires contre la Police militaire et de mon désir d'obtenir des conseils juridiques payés par l'État.
 

Pour l'essentiel, ce courriel du lieutenant-colonel Cloutier ordonnait au sergent Duncan : " Appelez le capitaine Poulin pour lui dire que j'ai lu son courriel et l'ai trouvé inacceptable. ... Le capitaine Poulin a reçu les documents qu'il avait demandés pour l'aider à clarifier ses plaintes; nous devons maintenant poursuivre le processus de traitement de ces plaintes contre la Police militaire. "

 
Lors de son entrevue avec mes enquêteurs, le lieutenant-colonel Cloutier a expliqué que le sergent Duncan, un agent de la Gendarmerie royale du Canada, avait été assigné au traitement des plaintes du capitaine Poulin, lesquelles avaient besoin de clarification et de précisions avant de pouvoir être passées à une agence pour enquête. Il s'est rappelé que le sergent Duncan lui avait dit que le capitaine Poulin semblait éprouver de la difficulté à articuler clairement de quoi il voulait se plaindre et contre qui, sans l'aide de quelques copies d'enregistrements vidéo de ses entrevues antérieures avec le Service national des enquêtes. Il a ajouté qu'il savait que le sergent Duncan avait fourni les enregistrements vidéo en question au capitaine Poulin, ce qui avait été confirmé par une note de ce dernier dans son journal, à la date du 7 décembre 1998 disant que maintenant il serait en mesure d'articuler ses plaintes. Des notes prises par le sergent Duncan, plus des copies de nombreux courriels entre le sergent Duncan et le capitaine Poulin, prouvent les efforts considérables déployés par le sergent Duncan pour obtenir que le capitaine Poulin apporte des éclaircissements et des précisions sur ses plaintes contre la Police militaire.
 

Le 10 décembre 1998, le capitaine Poulin avait envoyé le courriel suivant au sergent Duncan :
 

... j'ai aussi reçu une autre note de service du Chef - Service d'examen datée du 8 décembre 1998. Je demande donc la permission du Chef - Service d'examen d'engager un avocat aux frais de l'État. Dans cette perspective, vous comprendrez certainement que je préfère attendre d'avoir parlé à mon avocat avant que se poursuive l'enquête administrative du Chef - Service d'examen ou votre propre enquête sur mes plaintes.

 
Lorsque le sergent Duncan avait porté cette note de service à l'attention du lieutenant-colonel Cloutier, ce dernier avait réagi avec le courriel suivant que le capitaine Poulin a qualifié de " ... dur et intimidant " :
 

Appelez le capitaine Poulin et dites-lui que j'ai lu son courriel et que je le trouve inacceptable. Votre rencontre avec lui n'a pas pour but de mener une enquête, mais plutôt pour lui, de clarifier et pour nous, de comprendre ses quatre et peut-être cinq plaintes contre la Police militaire. Après qu'il aura éclairci et précisé ses plaintes et que nous aurons compris de quoi il se plaint et contre qui, nous pourrons alors prendre des décisions sur les suites à leur donner.
 

Le capitaine Poulin a reçu tous les documents qu'il avait demandés pour l'aider à articuler ses plaintes; maintenant nous devons avancer et poursuivre le processus entamé pour traiter ses plaintes contre la Police militaire. Pour lui faire comprendre la nécessité de poursuivre sans attendre, expliquez-lui les impératifs de temps que nous impose le projet de loi C-25. Un certain nombre de personnes ont été averties que des plaintes avaient été portées contre elles, comme l'exige le projet de loi C-25. Ces personnes aussi ont droit à une enquête rapide et complète.

 
Le lieutenant-colonel Cloutier a aussi expliqué que :
 

... en suivant le projet de loi C-25 ... nous devons être transparents et responsables. ... Nous devons faire notre possible pour aider le plaignant, mais nous devons aussi nous assurer que les personnes visées par ces plaintes ne deviennent pas elles-mêmes des victimes.

 
Le lieutenant-colonel Cloutier a expliqué à mes enquêteurs que même si le projet de loi C-25 n'était pas encore passé, les Forces canadiennes avaient adopté une politique, entrée en vigueur le 13 octobre 1998, qui reflétait très exactement les procédures décrites à l'article 250 du projet de loi C-25. Sa décision de demander au sergent Duncan d'informer le capitaine Poulin que sa demande de délai était rejetée et que le traitement de ses plaintes contre la Police militaire se poursuivrait, était fondé sur l'esprit et l'intention du projet de loi C-25. Ces procédures insistent sur la nécessité de traiter les plaintes et de communiquer les résultats aux plaignants ainsi qu'aux personnes visées par ces plaintes, le plus rapidement possible.
 

Comme je l'ai signalé précédemment, les plaintes du capitaine Poulin contre la Police militaire avaient été déclarées " vexatoires " et avaient été rejetées par le lieutenant-colonel Cloutier, par suite de l'incapacité du capitaine Poulin à fournir les éclaircissements qui auraient rendu une enquête possible. Le lieutenant-colonel Cloutier avait informé le capitaine Poulin de sa décision, par lettre datée du 22 janvier 1999.
 

Conclusions

Mes enquêteurs ont revu les plaintes du capitaine Poulin des 18 et 30 novembre 1998. À la lecture des sommaires d'incident du capitaine Poulin et de ses allégations contre les membres de la Police militaire, il est difficile de voir de quelle action ou omission il se plaint. Il est bon de rappeler que le capitaine Poulin n'est pas un plaignant qui manque de sophistication et qu'il avait manifestement une connaissance détaillée de l'objet des enquêtes du Service national des enquêtes. Je suis convaincu que la demande de clarification de ses allégations n'était pas du tout déraisonnable, compte tenu en particulier de la nature et de la complexité des incidents qui en sont à l'origine, ainsi que de la gravité des allégations elles-mêmes.
 

Il est tout à fait clair d'après les preuves recueillies par mes enquêteurs, que le sergent Duncan, agissant au nom du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, a tout fait pour aider le capitaine Poulin à répondre à leur demande et à clarifier ses allégations. Il faut se rappeler que, à ce stade là, le but du processus était de se conformer à la demande du Bureau du chef d'état-major de la Défense, de faire clarifier et préciser les allégations de manière à ce que les décisions appropriées puissent être prises sur la façon dont l'enquête devrait se dérouler et sur qui devrait en être chargé. Le capitaine Poulin avait cherché à suspendre ce processus.
 

À partir des preuves examinées, il est clair, qu'à ce stade, il n'y avait pas eu d'enquête formelle sur ces plaintes et le capitaine Poulin n'avait pas été invité à répondre ou à participer à une telle enquête. Je ne suis pas convaincu que le capitaine Poulin avait besoin d'une représentation juridique pour répondre à la demande de clarification de ses plaintes. Il est tout aussi clair que sa demande que les Forces canadiennes paient pour sa représentation juridique avait été rejetée en fin de compte.
 

Je ne suis pas non plus convaincu que le refus du lieutenant-colonel Cloutier de suspendre le processus de traitement des plaintes contre la Police militaire, comme le demandait le capitaine Poulin, constituait un exercice déraisonnable de son pouvoir discrétionnaire, dans les circonstances, d'autant plus qu'il désirait traiter ces plaintes de la manière la plus opportune, pour le bénéfice de touts les parties impliquées.
 

Après avoir demandé au sergent Duncan d'informer le capitaine Poulin que le processus en cours se poursuivrait, le lieutenant-colonel Cloutier a finalement rejeté les plaintes contre la Police militaire, les qualifiant de " vexatoires ", pour la raison que le capitaine Poulin n'avait pas apporté les éclaircissements requis pour faire une enquête. Dans sa lettre de rejet, il définit le terme " vexatoire " comme :  « ...une parmi un certain nombre de plaintes non prouvées, déposées par la même personne et reposant sur les mêmes allégations  ».
 

Il est bon de signaler que dans la politique provisoire de la Police militaire sur les plaintes, du 13 octobre 1998, le terme " vexatoire " est défini de la même manière que dans la note de rejet des plaintes du capitaine Poulin. De plus, le qualificatif de " vexatoire " justifie le rejet sommaire d'une plainte. Comme je l'ai déjà signalé, la prérogative de rejeter sommairement les plaintes que le capitaine Poulin avait déposées le 18 octobre 1998, n'était pas du tout inappropriée, compte tenu de la raison invoquée; en particulier, le capitaine Poulin n'a pas fourni les précisions demandées. Ce dont il se plaignait, n'était pas clair du tout. Les efforts déployés pour obtenir qu'il soit plus précis, n'ont abouti à rien. Malgré cela, je suis d'avis que l'utilisation du terme " vexatoire " est outrageuse et inefficace, même si son utilisation est tout à fait cohérente avec la définition que lui donne la Police militaire dans sa politique sur les plaintes et même si le terme a été défini dans la note de rejet. Dans le seul but de désamorcer une situation particulièrement volatile, j'ai recommandé que le Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles réécrive sa note de rejet des plaintes du capitaine Poulin contre la Police militaire, en éliminant le terme " vexatoire ". Le lieutenant-colonel Cloutier et le Grand Prévôt des Forces canadiennes, le colonel Cooper, n'ont pas accepté cette recommandation.
 

Malgré tout, je persiste à penser que l'utilisation du terme " vexatoire ", pour décrire les plaintes du capitaine Poulin, est maladroite et ne peut qu'exacerber la frustration déjà élevée qu'éprouve ce dernier, depuis le début de cette affaire. En effet, ce terme sous-entend ou suggère ordinairement que les plaintes qu'il décrit ne sont pas sérieuses et ont seulement pour but de harceler et de contrarier les personnes contre lesquelles elles sont portées. Le dictionnaire juridique Merriam-Webster 1996 définit " vexatoire " comme  « manquant de justification et n'ayant pour seul objectif que de contrarier ou de harceler, lorsque regardée d'un point de vue objectif  ».
 

Le dictionnaire Oxford, dans sa concision, définit "vexatoire' comme « causant de la contrariété ou du souci ». Par conséquent et malgré la définition qu'en a donné le lieutenant-colonel Cloutier dans sa lettre au capitaine Poulin, l'utilisation du terme " vexatoire " donne l'impression que ce dernier a provoqué toute cette affaire, non seulement sans raison suffisante, mais dans le seul but de contrarier et de harceler.

Rien ne permet de conclure que le capitaine Poulin cherchait seulement à contrarier et à harceler. Il croyait disposer d'éléments suffisants pour porter plainte et pourtant, il n'a agi de la sorte que parce qu'il avait perdu confiance dans le processus de traitement des plaintes. Bien que l'on ne puisse pas accuser le lieutenant-colonel Cloutier d'avoir commis une faute en utilisant le vocabulaire entériné par la politique intérimaire de la Police militaire, il s'agit tout de même d'un terme provocant qui fragilise la raison même du rejet des plaintes en question et risque donc d'être plus nuisible qu'utile.
 

En gardant à l'esprit que l'incapacité des autorités des Forces canadiennes de répondre de façon appropriée aux plaintes initiales du capitaine Poulin, est la cause directe des frustrations et difficultés endurées par ce dernier, je crois que même si l'utilisation du mot " vexatoire " était techniquement correcte et justifiée et ne visait nullement à l'insulter, il y aurait beaucoup à gagner, dans cette affaire, à supprimer ce qualificatif dans la note de rejet des plaintes contre la Police militaire. Le dossier montrerait alors que ces plaintes ont été rejetées avec raison parce qu'elles étaient mal documentées et manquaient de précision. À cause de sa connotation forte, ce qualificatif obscurcit plus qu'il n'informe, en plus de stigmatiser inutilement le capitaine Poulin.
 

Recommandation de l'Ombudsman

Je recommande donc que :
 

6. La lettre officielle de rejet des plaintes du capitaine Poulin contre la Police militaire, soit réécrite en y supprimant toute référence à une quelconque nature " vexatoire " de ces plaintes.
 

Allégation 4 : Rôle inapproprié et interférence dans l'enquête sur les plaintes contre la Police militaire, déposées les 18 et 30 novembre 1998 et sur les allégations de collusion et d'entrave à la justice, contenues dans la plainte contre la Police militaire du 18 novembre 1998

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 11 décembre 1998, le lieutenant-colonel Cloutier m'a envoyé une note de service (2120-20-2-3/TD 075-98 GPA NP) pour accuser réception de ma plainte publique provisoire contre la Police militaire, portée contre lui et sa supérieure immédiate le brigadier-général (alors colonel) Samson. Dans cette note, il déclarait que " ... j'attendrai avant de faire suivre cette plainte au chef d'état-major de la Défense, que nous ayons notre rencontre comme prévu, au cours de laquelle j'espère obtenir des éclaircissements sur les quatre autres plaintes publiques contre la Police militaire, datées du 18 novembre 1998. " Cette procédure est contraire à celle précédemment appliquée à mes plaintes publiques provisoires contre la Police militaire, du 18 novembre 1998 et à l'accusé de réception qui a suivi.
 

À vrai dire, vers le 24 novembre 1998, le lieutenant-colonel P. Cloutier, Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles m'avait envoyé une lettre (2120-20-2-3/TD 069-98 GPA NP) pour accuser réception de mes quatre plaintes publiques contre la Police militaire (datée du 18 novembre 1998).
 

Sa lettre m'avait amené à croire qu'il participerait à l'enquête sur les actions du brigadier-général (alors colonel) Samson, Grand Prévôt des Forces canadiennes qui avait, sur lui, une autorité à la fois réelle et apparente. Il avait aussi indiqué qu'il avait " fourni au chef d'état-major de la Défense par intérim, une copie des références A à C (mes plaintes publiques provisoires contre la Police militaire, du 18 novembre 1998), pour action. "
 

En interférant dans mes plaintes publiques provisoires contre la Police militaire, le lieutenant-colonel Cloutier essayait de m'empêcher de dévoiler le niveau élevé d'incompétence qui avait caractérisé les enquêtes du Service national des enquêtes sur les allégations contenues dans mes notes de services des 9 et 15 juillet 1996. Les actions du lieutenant-colonel Cloutier étaient en violation directe des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 107.02(1)
 

qui stipulent que : " Lorsqu'il y a plainte ou qu'il existe d'autres raisons de croire qu'une infraction d'ordre militaire a été commise, une enquête doit normalement être faite, aussitôt que possible, afin de déterminer s'il existe des raisons suffisantes de porter des accusations. " Cette affirmation est corroborée dans une note 2120-20-0 (GPA NP) datée du 20 juillet 1998 : " Sous réserve d'une quelconque tentative de résolution officieuse, le Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles devra enquêter sur toute plainte de conduite, aussitôt que possible. " Dans mon cas, il n'y a pas eu d'enquête officielle.

 
Le capitaine Poulin prétend aussi que :
 

Vers le 18 novembre 1998, j'ai déposé une plainte publique provisoire contre la Police militaire, pour collusion et entrave à la justice de la part de certains enquêteurs du Service national des enquêtes. Selon la note de service 2120-4-0 (GPA NP 4) du 13 octobre 1998, l'obstruction est une " ... infraction criminelle et doit faire l'objet d'une enquête par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes ... " et non par la direction du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles. Pourtant, dans mon cas, le lieutenant-colonel Cloutier avait décidé de sa propre initiative de donner cette plainte à " nettoyer " à son personnel.

 
Le lieutenant-colonel Cloutier a confirmé à mes enquêteurs que la lettre à laquelle le capitaine Poulin fait allusion, dans la portion ci-dessus de sa plainte écrite, avait été écrite par le sergent Duncan, détaché de la Gendarmerie royale du Canada au Bureau du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles. Il relevait directement du lieutenant-colonel Cloutier.
 

La lettre accusait réception de la nouvelle plainte publique provisoire contre la Police militaire que le capitaine Poulin avait déposée contre le lieutenant-colonel Cloutier, alors Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles et contre le Grand Prévôt. Le sergent Duncan avait aussi donné quelques explications générales au capitaine Poulin en relation avec les allégations que ce dernier avait faites dans sa plainte du 30 novembre 1998.
 

À ce point là, la procédure suivie était la même que celle qui avait été suivie dans le cas des plaintes du 18 novembre 1998 contre les enquêteurs du Service national des enquêtes et le Grand Prévôt des Forces canadiennes. Le lieutenant-colonel Cloutier avait demandé au sergent Duncan d'obtenir du capitaine Poulin qu'il apporte des éclaircissements et des précisions sur les motifs de ses plaintes et sur les personnes contre lesquelles il les avait déposées. Cela avait été jugé nécessaire par le Bureau du chef d'état-major de la Défense, sur la recommandation du Juge-avocat général, afin de déterminer de façon précise quelles personnes étaient visées par ces plaintes, comment l'enquête devait être menée et quelle agence était la plus appropriée pour la mener.
 

La clarification exigée incluait aussi des éclaircissements sur les allégations de collusion et d'entrave à la justice qui semblaient potentiellement impliquer le commander Moore, enquêteur du Service national des enquêtes, le lieutenant-colonel Deschesnes, officier de police militaire affecté au Bureau du Chef - Service d'examen, le major-général Penney, et le général Baril, chef d'état-major de la Défense. (Les circonstances qui ont entraîné cette allégation ont été traitées dans une section précédente de ce rapport). Cette plainte a été déposée par le capitaine Poulin, dans le cadre de sa plainte publique contre la Police militaire, du 18 novembre 1998 et a été soumise au chef d'état-major de la Défense, en même temps que les autres plaintes déposées le même jour, pour des raisons qui ont déjà été expliquées dans le rapport.
 

Le lieutenant-colonel Cloutier a expliqué à mes enquêteurs que le sergent Duncan, un agent de la Gendarmerie royale du Canada, avait reçu pour tâche d'obtenir, du capitaine Poulin, des éclaircissements sur les détails de ses allégations et sur les personnes qu'elles impliquaient; il pensait que :
 

... il aurait été tout à fait inapproprié que je m'implique de quelque manière dans une enquête sur moi-même. C'est pourquoi nous avions un agent de la Gendarmerie royale du Canada, le sergent Duncan, attaché à notre section, afin de disposer de cette flexibilité en cas de besoin. Il avait reçu son mandat de moi et je disposais en outre d'un réservoir de personnes extérieures aux Forces canadiennes qui étaient des enquêteurs que j'avais identifiés : anciens agents de la Gendarmerie royale du Canada, anciens policiers de la ville de Gatineau, anciens agents de la " Ontario Police Patrol " ... qui avaient accepté de travailler à contrat pour nous, en cas de besoin.

 
Le lieutenant-colonel Cloutier avait poursuivi :
 

J'avais alors et je continue d'avoir une entière confiance dans le sergent Duncan; c'est une personne extrêmement équitable et compétente. Nous avions déjà discuté, longtemps avant que ces incidents surviennent, ce qu'il y aurait lieu de faire si quelqu'un portait plainte contre moi, contre le Grand Prévôt, contre le sergent lui, Duncan. Il savait donc déjà quoi faire; il savait déjà que si une plainte était déposée contre moi, il devrait prendre les choses en main complètement. Il connaissait déjà l'existence de notre réservoir d'enquêteurs de l'extérieur. Il était déjà familier avec le budget et savait comment établir un contrat, etc. Tout était donc entre ses mains, jusqu'à ce que le projet de loi C-25 passe; cela deviendrait alors très simple. Ces plaintes seraient alors soumises à une commission chargée spécifiquement des plaintes touchant la Police militaire ... mais en attendant, nous devions avoir un processus. Le sergent Duncan en était extrêmement conscient.

 
Conclusions

Quand bien même le sergent Duncan était un membre de la Gendarmerie royale du Canada, il avait été détaché au Service national des enquêtes et assigné au Bureau du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles; je ne crois pas que l'on puisse affirmer qu'il aurait pu montrer la même indépendance réelle et perçue qu'un enquêteur complètement extérieur à l'organisation. Dans cette affaire, le sergent Duncan n'avait pas agi en tant qu'agent de la Gendarmerie royale du Canada et il relevait directement de la chaîne de commandement des Forces canadiennes et non pas de celle de la Gendarmerie royale du Canada.
 

Il faut aussi prendre en compte que le rôle du sergent Duncan, dans cette affaire, se limitait à tenter d'obtenir, du capitaine Poulin, les éclaircissements et les précisions sur les motifs de ses plaintes et sur les personnes contre lesquelles elles étaient déposées, afin que l'on puisse mener l'enquête. Il est clair, d'après les informations que mes enquêteurs ont glanées, qu'aucune décision finale n'avait été prise par les Normes professionnelles ou par le Bureau du chef d'état-major de la Défense, concernant l'agence qui aurait eu à mener cette enquête. Dans les circonstances, je ne crois pas que le lieutenant-colonel Cloutier ou le sergent Duncan aient fait un usage inapproprié de leur pouvoir discrétionnaire lorsqu'ils ont traité les plaintes du capitaine Poulin.
 

Table des matières
 

H. Allégations contre le brigadier-général Patricia Samson

À l'époque de la conférence de presse du 17 juin 1998, lorsque la note de service du 9 juillet 1996, du capitaine Poulin, est devenue publique, le brigadier-général Samson était grand Prévôt des Forces canadiennes. À ce titre, elle a été le commandant du Service national des enquêtes des Forces canadiennes pendant toute la durée de leur enquête sur les allégations contre le colonel Labbé et sur l'allégation d'inaction contre le lieutenant-général Leach. Quelques-unes des allégations, contenues dans la plainte écrite du capitaine Poulin, qui ont été utilisées contre le brigadier-général Samson, étaient en fait des allégations d'actions ou d'omissions de la part de membres subalternes du personnel de cette dernière. Ces allégations sont traitées dans les sections respectives des membres subalternes impliqués, avec des références faites aux responsabilités et obligations du brigadier-général Samson, en tant qu'officier commandant le Service national des enquêtes et aussi en tant que Grand Prévôt des Forces canadiennes, selon les cas.
 

Le brigadier-général Samson a répondu, le 14 mars 2001, aux parties du rapport intérimaire la concernant. Sa réponse ainsi que celles de l'actuel Grand Prévôt des Forces canadiennes, le colonel Cooper, et du chef d'état-major de la Défense ont été soigneusement étudiées et des éclaircissements ont été apportés au rapport final lorsque cela s'avérait nécessaire.
 

Allégation 1 : A reçu de la part du lieutenant-général Leach et hors du processus normal d'enquête, de l'information sur les allégations faites contre lui

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 17 juin 1998, à environ 17 h 35, le brigadier-général (alors colonel) Samson a reçu une lettre du lieutenant-général Leach. Il s'agissait d'une déclaration manuscrite sur son implication dans l'affaire de la note du 9 juillet 1996. Son action était donc en violation directe des procédures, dans la mesure où :
 

Elle a reçu des informations en court-circuitant le processus normal d'enquête (la valeur d'un tel témoignage, est incertaine, en dehors du fait que cela affecte la crédibilité du processus d'enquête du Service national des enquêtes, ainsi que celle de la personne occupant le poste de Grand Prévôt.
 

Elle a reçu des informations avant même que l'équipe d'enquête du Service national des enquêtes puisse les réfuter ou les corroborer (d'où le risque de parti pris).
 

Elle a été mise au courant de son témoignage, le 17 juin 1998, avant même que soit donné l'ordre au Service national des enquêtes de lancer les enquêtes pertinentes et que soient établies les limites de ces enquêtes, le 18 juin 1998 (date d'assignation du Service national des enquêtes - Région centrale).
 

En plus d'entraîner des allégations de procédures irrégulières et de négligence contre le brigadier-général (alors colonel) Samson, ces événements laissent aussi entendre que des officiers supérieurs peuvent encore interférer dans les enquêtes de la justice militaire et en influencer les résultats.

 
Ces allégations contre le brigadier-général (alors colonel) Samson ont leur source dans une note de service manuscrite que le lieutenant-général Leach lui a envoyée à la suite de la conférence de presse du 17 juin 1998, au cours de laquelle la note du 9 juillet 1996 du capitaine Poulin a été rendue publique.
 

Cette note du lieutenant-général Leach contenait une longue description de ses pensées et sa version des événements entourant l'allégation selon laquelle il avait reçu la note du capitaine Poulin, datée du 9 juillet 1996, n'en avait pas accusé réception et n'avait rien fait. Une copie de cette note de service manuscrite est attachée à ce rapport (annexe IV). À la fin de sa note de service, après une longue revue de ses souvenirs des événements, il avait indiqué que :  « ... je passe immédiatement cette note au Grand Prévôt des Forces canadiennes. J'y repenserai ce soir et si d'autres choses me reviennent à l'esprit, je les ajouterai comme additif. »  Il avait fini sa note en déclarant, à l'adresse du Grand Prévôt des Forces canadiennes :  « je vous demande de faire le suivi nécessaire, aussi rapidement que possible ».
 

Mes enquêteurs ont rencontré le brigadier-général Samson, le 12 octobre 2000, à son bureau du 101, promenade du Colonel By; elle avait reçu, au préalable, une copie des allégations faites contre elle; l'entrevue a été enregistrée sur bande audio.
 

Le brigadier-général Samson a confirmé, à mes enquêteurs, qu'elle avait reçu cette note du lieutenant-général Leach et elle a ajouté :
 

... Je suis l'officier commandant le Service national des enquêtes. Si quelqu'un m'écrit une lettre, je l'ouvre et je la lis. La personne qui assigne les tâches pour moi, est le Grand Prévôt adjoint- Soutien du Service national des enquêtes. C'est moi qui assigne les enquêtes. Par conséquent, il n'y a pas contournement du processus normal, c'est le processus normal! Suis-je dans le secret? Je suis dans le secret de toutes les enquêtes menées par le Service national des enquêtes. Il n'y a là rien d'irrégulier. C'est la même chose que pour le chef de la Police - il serait au courant de tout. J'étais au courant avant que les tâches soient assignées; si je ne l'avais pas été, aucune tâche n'aurait été assignée. ... il y a quelque chose, là-dedans, à propos de " avant d'établir les limites "; nous n'établissons pas de limites. Nous assignons les enquêtes et les enquêteurs partent enquêter. C'est si j'avais agi différemment (qu'il y aurait eu) irrégularité de procédure.

 
Le brigadier-général Samson a déclaré, dans sa réponse au rapport intérimaire, qu'elle  « était intimement convaincue qu'il n'y avait aucune intention cachée ou raison d'intérêt personnel derrière cette note de service du lieutenant-général Leach. » 
 

Le lieutenant-commander Moore qui, à l'époque, commandait le Service national des enquêtes - Région centrale, avait été chargé de mener l'enquête sur les allégations selon lesquelles le lieutenant-général Leach avait reçu la note de service du 9 juillet 1996, du capitaine Poulin et n'y avait pas donné suite. Une note consignée par le lieutenant-commander Moore, dans son agenda, indique que cette tâche lui avait été assignée avant que le lieutenant-général Leach ait écrit sa déclaration et l'ait envoyée au Grand Prévôt. La note en question dit :
 

À 14 h 55, le 17/6/98, j'ai assisté à une réunion avec le major Dixon et le Grand Prévôt des Forces canadiennes. Cette dernière m'a remis deux copies de la note de service du 9 juillet 1996, adressée au commandant adjoint, Quartier général du Commandement de la Force terrestre, par le capitaine Poulin. Elle a déclaré qu'elles avaient été remises au lieutenant-général Leach par Scott Taylor.

 
Le texte de la note de service manuscrite du lieutenant-général Leach, montre qu'il ne l'a finie et probablement envoyée au brigadier-général Samson, que quelques heures après que cette dernière eut assigné l'enquête au commander Moore.
 

Conclusions

La note du lieutenant-général Leach ne demande aucune action inappropriée. Elle ne demande ni faveur ni traitement spécial. À vrai dire, c'est une demande d'enquête, du moins en partie. Elle se termine par la demande que l'allégation du capitaine Poulin, à propos de sa conduite, soit remise au Grand Prévôt des Forces canadiennes, pour action.
 

Il transparaît, cependant, du dossier du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, que lorsque le lieutenant-général Leach a écrit sa note de service, les enquêtes avaient déjà été assignées. Dans cette note, le lieutenant-général Leach signale qu'il a déjà rendu compte de l'incident au chef d'état-major de la Défense par intérim. Sans suggérer le moindrement que la demande d'enquête du lieutenant-général Leach, dans sa note au Grand Prévôt des Forces canadiennes, n'était pas sincère, il faut tout de même admettre que la dite note va plus loin que demander simplement une enquête. Elle donne la version du lieutenant-général Leach sur les événements. Elle affirme sa position selon laquelle il ne se rappelle pas avoir jamais vu la note de service du 9 juillet 1996. Elle contient aussi des commentaires sur des problèmes de nature personnelle reliés à l'affectation du capitaine Poulin et au remboursement de ses frais de formation, problèmes que le lieutenant-général Leach affirme avoir aidé à résoudre. La pertinence de ces commentaires avec l'enquête du Service national des enquêtes, sur les allégations contre le colonel Labbé et lui-même, n'est pas claire, si ce n'est qu'il donne l'impression de vouloir démontrer qu'il a toujours été équitable avec le capitaine Poulin et que sa conduite, dans cette affaire, doit être comprise de cette façon. Cette note n'est, de toute évidence, pas une simple invitation à enquêter pour faire toute la lumière sur cette affaire; c'est aussi une tentative du lieutenant-général Leach d'officialiser sa propre version des faits. Deux choses sont troublantes, à propos de cette note : d'abord, elle a été livrée directement et par messager au Grand Prévôt des Forces canadiennes, plutôt qu'au Service national des enquêtes ou à l'enquêteur désigné; ensuite, elle se termine par ces mots :

P.-S. L'original de cette note manuscrite est pour le Grand Prévôt des Forces canadiennes. J'en garde une copie pour moi-même. Aucune autre copie n'en a été faite.

 
Ces deux éléments de la note montrent une préoccupation réelle et évidente à l'égard de l'apparence d'impartialité de l'enquête menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes.
 

Avant d'aller plus loin, il est impératif de souligner combien l'impartialité et l'apparence d'impartialité sont essentielles aux enquêtes du Service national des enquêtes des Forces canadiennes. Il va sans dire que l'indépendance d'une enquête est essentielle à son intégrité. Il en est de même de l'apparence d'impartialité. Si un organisme enquêteur donne l'impression de pouvoir être influencé, les résultats qu'il obtient n'ont pas de crédibilité. L'impartialité effective et l'apparence d'impartialité sont toutes deux d'une importance capitale lorsque l'on a affaire au Service national des enquêtes des Forces canadiennes. En effet, ce Service est partie intégrante des Forces canadiennes et son personnel est composé d'individus détenant un grade dans les Forces canadiennes. Pourtant, il a pour mandat d'enquêter sur des questions qui sont souvent d'un intérêt personnel ou professionnel élevé pour des membres haut placés de la chaîne de commandement. La possibilité réelle ou au moins apparente d'influence est une réalité omniprésente qu'impose l'existence même d'une structure hiérarchique de commandement ainsi que le grade et le statut des personnes impliquées. C'est pour cette raison que le Bureau du Grand Prévôt des Forces canadiennes jouit d'une totale indépendance bien qu'il fasse partie des Forces canadiennes et qu'une solide éthique de non interférence dans les enquêtes du Service national des enquêtes s'est développée au sein des Forces canadiennes. C'est en vertu de cette même nécessité de protéger l'indépendance du Service national des enquêtes des Forces canadiennes qu'a été créée une commission indépendante pour traiter spécifiquement les plaintes touchant la Police militaire. Il est donc de l'intérêt déterminant de tous de s'assurer que cette indépendance n'est jamais compromise et que l'apparence d'impartialité est toujours préservée.
 

Il ne fait aucun doute, dans mon esprit, que l'apparence d'impartialité est sérieusement menacée lorsqu'un lieutenant-général, contre lequel pèse une allégation qui fait actuellement l'objet d'une enquête, communique directement et par écrit avec le Grand Prévôt des Forces canadiennes, sur des questions de fond reliées à cette allégation, surtout lorsqu'il termine sa lettre en précisant " qu'aucune autre copie n'en a été faite ". Ce genre d'action, innocente dans l'esprit de son auteur et du Grand Prévôt des Forces canadiennes, ne peut avoir d'autre effet que de remettre en question le respect de l'indépendance du Service national des enquêtes des Forces canadiennes.
 

Je dois être très clair ici. Je ne suggère pas que le lieutenant-général Leach a tenté d'interférer, d'une manière inappropriée, dans l'enquête dont il faisait l'objet; je ne suggère pas davantage que le brigadier-général Samson est personnellement vulnérable à des influences indues; je suis même convaincu que tel n'est pas le cas. Nous avons étudié soigneusement le dossier complet de l'enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes sur l'allégation d'inaction faite contre le lieutenant-général Leach, ainsi que l'enregistrement de la déclaration qu'il a faite aux enquêteurs du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, le 14 septembre 1998. Rien ne permet de croire que l'enquête ou ses résultats ont pu être affectés de quelque manière que ce soit par cette note du lieutenant-général Leach. Il n'en reste pas moins vrai que lorsqu'un officier de haut rang envoie une lettre personnelle, écrite à la main et livrée par messager au Grand Prévôt des Forces canadiennes, pour lui faire part de sa version d'une affaire sur laquelle une enquête est en cours et en lui précisant qu'il a la seule autre copie de cette lettre, cela ne peut qu'ébranler la confiance des personnes qui l'apprendraient, dans l'indépendance et l'impartialité de l'enquête. Imaginez un instant qu'il s'agisse d'un membre du Cabinet fédéral écrivant directement au Commissaire de la GRC pour lui donner de l'information sur une enquête portant sur sa propre conduite, en précisant qu'il n'existe aucune autre copie de cette correspondance. Je suis convaincu que cet épisode n'a en rien influé sur l'enquête et je suis même convaincu que le lieutenant-général Leach n'a eu aucune intention de la sorte, mais la révélation de l'existence d'une telle correspondance risque d'affaiblir, dans une certaine mesure, la confiance du public dans les Forces canadiennes et éroder celle de ses membres dans leur haut commandement - à moins que l'on reconnaisse sans ambiguïté, non pas que ce genre de pratique est innocent, mais plutôt qu'il représente un réel danger et que des mesures soient prises pour empêcher que cela se reproduise. Il est impératif, à mon avis, que les Forces canadiennes incorporent dans leurs procédures, des mesures de sauvegarde qui empêchent toute action, de quiconque mais surtout de membres de la chaîne de commandement, qui risquerait le moindrement d'être perçue comme une tentative d'influer sur le cours d'une enquête.
 

J'irai même plus loin. Il ne convient pas à ces principes de protection de l'apparence d'impartialité, que ce soit des officiers hauts en grade qui réfèrent, pour enquête, des plaintes sur leur propre conduite au Service national des enquêtes des Forces canadiennes. Le lieutenant-général Leach n'aurait pas dû écrire cette note du 17 juin 1998, quand bien même la seule raison en était de demander une enquête, sans chercher à enregistrer des informations potentiellement disculpatoires.
 

Dans sa réponse au rapport intérimaire, le Grand Prévôt des Forces canadiennes juge que les craintes que j'exprimais alors et que je réitère ici, ne sont pas justifiées. Elle fait remarquer que cela fait partie de la routine policière, d'approcher des suspects pour leur demander leur version sur les allégations dont ils font l'objet, et même d'insister pour obtenir une déclaration d'une personne accusée; elle fait aussi remarquer que des suspects doivent être libres de présenter leur version des faits, quel que soit leur grade ou leur poste dans l'Armée. Elle avance que,  « à cet égard, on pourrait alléguer qu'un accès sans entrave à la police, aide à assurer l'équité d'une enquête  ». Il y a certainement du vrai dans cet argument, mais il ne faut pas oublier le contexte. Il ne s'agit pas d'un enquêteur approchant un suspect pour obtenir une déclaration, ni d'un suspect donnant volontairement de l'information à l'enquêteur, mais il s'agit plutôt d'un officier supérieur écrivant au commandant d'un service d'enquête qui est partie intégrante des Forces canadiennes au sein desquelles il détient son grade. Cela s'est passé très  « en dehors du processus normal d'enquête  ». À vrai dire, en dehors de cette correspondance, le lieutenant-général Leach a été interrogé dans cette affaire et a fait une déclaration aux enquêteurs du Service national des enquêtes des Forces canadiennes.
 

Il devrait être évident pour tous, que le but de mes recommandations n'est pas de conseiller à quiconque d'adopter des politiques susceptibles de contrecarrer des enquêtes efficaces de la part de la police, mais plutôt de garantir que l'indépendance cruciale du Bureau du Grand Prévôt et du Service national des enquêtes des Forces canadiennes est protégée, même contre la moindre perception d'influence.
 

Dans sa réponse au rapport intérimaire, le Grand Prévôt des Forces canadiennes souligne aussi que  « la solution contre les influences indues  » réside dans des mécanismes de sauvegarde au niveau institutionnel, en l'occurrence la Commission des plaintes de la Police militaire. C'est indéniablement une partie de la solution. La première chose qu'il faut remarquer, est que, en vertu de la Loi sur la Défense nationale, une plainte pour interférence dans une enquête ne peut être référée à cet organisme que si elle émane d'un membre de la Police militaire, et seulement si l'infraction a été commise après le 1er décembre 1999. Plus important encore, est le fait qu'il semble indûment restrictif et même nuisible de penser en termes de " la " solution. Il ne fait aucun doute que l'importante contribution apportée par la Commission des plaintes de la Police militaire, pour garantir l'indépendance des enquêtes, pourra être avantageusement complétée et même renforcée par d'autres mesures comme l'éducation des membres de la chaîne de commandement sur l'aspect répréhensible des communications directes avec des collègues officiers ou comme la création d'un milieu dans lequel des actions qui pourraient être et seraient interprétées comme l'exercice d'une influence, seraient bannies. Cela pourrait être accompli avec le plus de chance de succès, non par des réponses après coup aux plaignants, mais par une orientation forte imposée par le chef d'état-major de la Défense à tous ceux et celles qui sont sous son commandement et visant à bannir le genre d'actions qui sont à l'origine de toute cette affaire.
 

Recommandation de l'Ombudsman

Je recommande donc que :
 

7. Le chef d'état-major de la Défense s'assure que des directives appropriées sont mises en place pour empêcher toute action, de la part de membres des Forces canadiennes, qui constituerait ou pourrait donner l'impression, à une personne raisonnable, de constituer une tentative d'influer sur le cours des enquêtes de la Police militaire, en dehors du processus normal d'enquête.
 

8. Le chef d'état-major de la Défense émette les directives appropriées pour que lorsque des incidents sont référés au Grand Prévôt des Forces canadiennes, ils le soient par des membres de la chaîne de commandement qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'allégations sujettes à enquête.
 

Dans sa réponse au rapport intérimaire, le chef d'état-major de la Défense a indiqué que ces recommandations sont du ressort du Grand Prévôt des Forces canadiennes et que  « par respect pour la structure de responsabilisation de ce Bureau, je ne m'en suis pas occupé. »  
 

Sauf le respect que je dois au chef d'état-major de la Défense, je ne suis pas de cet avis. Je n'encourage pas ce dernier à faire quoique ce soit qui pourrait interférer avec l'indépendance du Grand Prévôt des Forces canadiennes, mais j'encourage plutôt la mise en place de mécanismes visant à empêcher de telles interférences. Ce que je recommande, en vérité, ce sont des directives pour les membres des Forces canadiennes en général et non pas seulement pour le Grand Prévôt ou les membres du Service national des enquêtes. J'invite simplement le chef d'état-major de la Défense à user de son autorité pour appuyer et renforcer l'indépendance et l'impartialité du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, en ordonnant à tous les membres des Forces canadiennes y compris les plus hauts gradés de la chaîne de commandement, de ne s'engager dans aucune action qui risquerait le moindrement d'être perçue comme une tentative d'influer sur le déroulement d'une enquête. Il est important de comprendre que mes recommandations ne visent aucune enquête en particulier, mais ont plutôt pour but de faire établir des directives dans le cadre d'une politique générale.
 

Mettons de côté, pour l'instant, les questions techniques de juridiction; il est évident que la meilleure manière d'empêcher toute action susceptible de mettre en danger l'apparence d'impartialité d'une enquête menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes, n'est certainement pas d'attendre qu'une interférence se produise pour ensuite y remédier en mettant en place un quelconque processus de sauvegarde; elle consiste plutôt à éduquer tous les membres des Forces canadiennes sur ce qui est approprié et ce qui ne l'est pas, de sorte que des incidents comme ceux qui ont émaillé cette affaire puissent être évités dès le départ. Dans le cas de la plainte qui nous occupe, le lieutenant-général Leach n'aurait probablement pas envoyé cette note au Grand Prévôt des Forces canadiennes, si le chef d'état-major de la Défense avait émis le genre de directive que je recommande. Il aurait été plus en phase avec cette question et aurait probablement choisi une voie plus appropriée. Cela aurait évité de donner au capitaine Poulin l'impression que l'on tentait d'influencer cette enquête très médiatisée et sensible.
 

Ceci dit, je reviens au problème de juridiction. Je crois nécessaire de reprendre le commentaire que le chef d'état-major de la Défense a fait dans sa réponse au rapport intérimaire et selon lequel il n'a pas l'intention de suivre mes recommandations,  « par respect pour la structure de responsabilisation de ce Bureau ». Ironiquement, comme je vais tenter de le démontrer, non seulement la structure de responsabilisation n'empêche pas la mise en œuvre de ces recommandations, mais elle encourage voire même entraîne l'élaboration de directives du genre de celles que je recommande.Comme son nom le suggère, la structure de responsabilisation, contrairement à beaucoup de dispositions statutaires existantes, vise à responsabiliser ceux et celles qui fournissent des services de police, sans pour autant les exposer à des interférences exécutives ou politiques inappropriées. Par exemple, en vertu de la Loi sur les services policiers de l'Ontario, une Commission des services policiers a le pouvoir d'établir des politiques pour assurer une gestion efficace des forces policières, et le solliciteur général de la province a le pouvoir d'émettre des directives pour les chefs de police, pour la mise œuvre de ces politiques. Le critère d'admissibilité est qu'une Commission des services policiers ne peut pas imposer à un chef de police comment prendre des décisions opérationnelles spécifiques ni comment diriger les activités quotidiennes de sa force policière. Les activités quotidiennes identifient des stratégies particulières et des décisions applicables à des cas spécifiques, plutôt que des directives de politique générale.
 

De façon similaire, la structure de responsabilisation des Forces canadiennes définit la responsabilité du Grand Prévôt des Forces canadiennes. Comme la Loi sur les services policiers en Ontario, elle empêche deux genres d'orientation. D'abord, elle empêche toute tentative d'influencer le Grand Prévôt des Forces canadiennes au niveau de décisions opérationnelles spécifiques reliées aux enquêtes. Ensuite, elle empêche toute implication dans des enquêtes en cours, autrement que pour recevoir de l'information permettant de prendre des décisions de gestion. Il est important de comprendre que mes recommandations ne suggèrent aucune de ces deux avenues. Elles ne cherchent pas à influencer le Grand Prévôt des Forces canadiennes au niveau de décisions opérationnelles spécifiques reliées aux enquêtes, pas plus qu'elles impliquent qui que ce soit dans des enquêtes en cours.
 

Par conséquent il n'y a rien, dans les modalités ou dans l'esprit de la structure de responsabilisation, qui s'oppose à la mise en œuvre de mes recommandations. En vérité, la structure de responsabilisation contient beaucoup d'éléments qui vont dans le même sens de mes recommandations.
 

Plus précisément, elle prévoit que le vice-chef d'état-major de la Défense " doit faire le nécessaire pour que les membres de la chaîne de commandement et les membres de la Police militaire reçoivent l'éducation et la formation adéquates qui les aideront à bien comprendre leur rôle respectif " (paragraphe 6(a) Environnement de primauté opérationnelle). Bien sûr, c'est exactement la fonction que je recommande au chef d'état-major de la Défense d'assumer, dans mes recommandations 7 et 8 à savoir, définir le rôle respectif des membres de la chaîne de commandement dans le domaine des enquêtes. La structure de responsabilisation prévoit aussi de :
  

 " S'assurer que la mise en commun de l'information se fasse de telle manière qu'elle soutienne la primauté des opérations et l'intégrité des enquêtes. Le vice-chef d'état-major de la Défense facilitera la collaboration entre la chaîne de commandement et la Police militaire, s'assurant que les deux organismes comprennent bien leurs responsabilités et obligations respectives en ce qui concerne la mise en commun de l'information. "

 
Une méthode inappropriée de mise en commun de l'information qui amoindrit l'intégrité, au niveau des enquêtes, du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, est précisément l'incident survenu dans cette affaire, qui est à la source de ma recommandation 7.
 
Comme je l'ai déjà souligné, mes recommandations n'entrent pas en collision avec la structure de responsabilisation, pour la raison simple et évidente qu'elles ne sont pas orientées vers le Grand Prévôt, mais vers l'ensemble des membres des Forces canadiennes.
 

En guise d'exercice, académique certes mais aussi illustratif, je veux démontrer que, dans le cadre de la structure de responsabilisation, le chef d'état-major de la Défense aurait pu aller encore plus loin que ce que je lui propose dans ce rapport, par vice-chef d'état-major de la Défense interposé. Il aurait pu élaborer des directives au Grand Prévôt des Forces canadiennes, enjoignant cette dernière à soutenir ce que j'essaie d'accomplir. Par l'intermédiaire du vice-chef d'état-major de la Défense, il aurait pu par exemple lui enjoindre d'éviter toute communication, en dehors du cours normal d'une enquête, avec n'importe quel membre de la chaîne de commandement faisant l'objet d'une enquête. Je dis cela dans la mesure où la structure de responsabilisation stipule que :

" Le vice-chef d'état-major de la Défense peut donner des ordres et une directive générale au Grand Prévôt des Forces canadiennes, en vue d'assurer la prestation de services de police professionnels et efficaces. Le Grand Prévôt des Forces canadiennes rend compte au vice-chef d'état-major de la Défense du maintien de normes policières compatibles avec celles des autres organismes policiers ".
 

" Les ordres et la directive générale du vice-chef d'état-major de la Défense peuvent s'appliquer aux questions de politique publique, ministérielle et des Forces canadiennes, aux questions de politique stratégique de la Police militaire, ainsi qu'aux normes et exigences en matière d'éthique en vue de rester conforme aux lois du Canada ".

 
À la lumière de ce qui précède, j'aurais pu recommander que le chef d'état-major de la Défense donne un tel ordre ou une telle orientation au Grand Prévôt des Forces canadiennes. L'ordre aurait consisté en une directive visant à assurer la prestation de services de police professionnels et efficaces, permettant de prévenir tout risque d'influences indues. Cela aurait été un ordre ou une directive.
 

Allégation 2 : Publication d'un communiqué de presse trompeur sur les résultats de l'enquête menée par le Service national des enquêtes, sur les allégations d'inconduite sexuelle faites contre le colonel Labbé

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :

Un passage du communiqué de presse CFPM-98.044 déclarait que : " Le Service national des enquêtes a déterminé que rien ne soutient les allégations d'inconduite sexuelle faites contre le colonel Labbé ... " Cette affirmation ne tenait pas compte du fait qu'un autre témoin et moi-même avions corroboré quelques-unes des allégations que j'avais faites.
 

Cette assertion avait aussi aisément oublié d'autres allégations qui s'étaient avérées tout à fait justifiées (c.-à-d. la consommation d'alcool dans l'autobus). Le brigadier-général (alors colonel) Samson n'avait pas jugé nécessaire de corriger le communiqué, alors qu'elle savait qu'il passait sous silence des allégations prouvées. Au lieu, elle en avait autorisé la diffusion.
 

Son rôle, dans l'approbation de ce document, est confirmé par la déclaration du capitaine Bissonnette, vers le 15 octobre 1998, dans le Whig-Standard de Kingston, selon laquelle l'enquête militaire, à propos de ma note de service du 9 juillet 1996, " était terminée bien qu'il restât encore quelques retouches à faire ". Le capitaine Bissonnette avait ajouté que " le Grand Prévôt ne l'a pas encore vu; ... elle en a vu une partie, mais dès son retour - elle l'étudiera soigneusement et décidera alors s'il est satisfaisant ou non. "

 

Conclusions

Comme nous l'avons déjà souligné, le dossier d'enquête du Service national des enquêtes, incluant leur rapport d'enquête sur les allégations d'inconduite sexuelle faites par le capitaine Poulin contre le colonel Labbé, a été soigneusement revu avant d'écrire ce rapport, comme l'a été leur communiqué de presse auquel le capitaine Poulin fait référence.
 

L'intérêt montré par les médias, leur couverture de la divulgation de la note du 9 juillet 1996, du capitaine Poulin et des allégations qu'elle contenait, ainsi que l'enquête du Service national des enquêtes, ont clairement concentré l'attention du public sur les allégations de prétendue inconduite sexuelle faites par le capitaine Poulin, en tant que témoin. Il est donc raisonnable de conclure que le public en général était au courant de ces allégations ainsi que de la version des événements donnée par le capitaine Poulin dans sa note du 9 juillet 1996, laquelle note est demeurée invariablement le point d'ancrage de tous les médias dans leur couverture de cette affaire.
 

Je suis convaincu que l'esprit et l'intention du communiqué de presse du Service national des enquêtes ainsi que la perception que toute personne raisonnable en aura tiré, a été que le Service national des enquêtes, organisme mandaté pour enquêter sur des infractions potentielles d'ordre pénal ou militaire, n'a pas retenu les allégations d'inconduite sexuelle faites contre le colonel Labbé. À la lumière de l'ensemble des preuves recueillies par les enquêteurs du Service national des enquêtes, et des conclusions qu'ils en ont tirées, je ne crois pas que le communiqué de presse du Service national des enquêtes soit susceptible de créer, dans l'esprit d'une personne raisonnable et objective, une perception trompeuse ou inexacte.
 

Allégation 3 : Publication d'un communiqué de presse trompeur sur les résultats de l'enquête menée par le Service national des enquêtes, sur les allégations faites contre le lieutenant-général Leach

Le rapport du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, daté du 6 octobre 1998, indique que deux enquêteurs du Service national des enquêtes des Forces canadiennes :
 

... ont interrogé le major Lavoie qui a déclaré que lorsque le capitaine Poulin était revenu de son cours au Collège de commandement et d'état-major de la Force terrestre canadienne, il lui avait fait part de ses préoccupations au sujet du cours et du colonel Labbé. Le major Lavoie lui avait conseillé de préparer une note de service au sujet de ses préoccupations et de l'adresser au lieutenant-général Leach. Le major Lavoie avait informé ce dernier des préoccupations décrites dans la note de service y compris l'incident du colonel Labbé et de la serveuse et lui avait indiqué que ces préoccupations lui parviendraient dans une note de service.

Lorsque le major Lavoie avait reçu la note de service du 9 juillet du capitaine Poulin, il l'avait placée sur le dessus de la pile " ACTION " et l'avait remise au lieutenant-général Leach en lui signalant que la note sur le dessus de la pile était extrêmement sensible et comportait des allégations sur l'attitude du colonel Labbé avec les femmes. Après que le capitaine Poulin lui ait demandé deux ou trois fois ce qu'il advenait de sa note de service, le major Lavoie avait signalé au lieutenant-général Leach que le capitaine Poulin posait des questions au sujet de sa note de service. Le lieutenant-général lui avait alors répondu qu'il n'avait pas de comptes à rendre à un capitaine. Le major Lavoie lui avait ensuite demandé s'il s'en occupait et le lieutenant-général Leach lui avait répondu par l'affirmative.

 
Ce rapport d'enquête conclut que :
 

Même si le capitaine Poulin et le major Lavoie déclarent tous deux qu'ils ont discuté de la note de service du 9 juillet avec le lieutenant-général Leach, ce dernier maintient catégoriquement qu'il n'a jamais vu la note de service et que s'il l'avait vu, il aurait assuré un suivi immédiat. Il n'y a pas matière à porter des accusations d'ordre pénal ou militaire contre le lieutenant-général Leach; cependant, cette question devrait être examinée d'un point de vue administratif par la chaîne de commandement.

 
Le rapport du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, daté du 6 octobre 1998, qui a été rendu public pour informer des résultats de l'enquête, a été présenté sous le titre :  « Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes n'a rien trouvé qui permette d'étayer les allégations faites contre le colonel Labbé et le lieutenant-général Leach. »  
 

Le communiqué de presse déclarait :
 

En plus de pas avoir trouvé d'éléments de preuve suffisants contre le lieutenant-général Leach, l'équipe d'enquête du Service national des enquêtes n'a pas trouvé de preuve à l'appui de l'allégation selon laquelle une autre personne dans la chaîne de commandement avait été mise au courant de la note de service ou de l'information qu'elle contenait.

 
La plainte du capitaine Poulin sur la façon dont a été traitée son allégation contre le lieutenant-général Leach, dans le communiqué de presse, vise un passage en particulier : " l'équipe d'enquête n'a pas trouvé de preuve à l'appui de l'allégation selon laquelle une autre personne dans la chaîne de commandement avait été mise au courant de la note de service ou de l'information qu'elle contenait ". En comparant le communiqué de presse avec l'information contenue dans le dossier, l'on se rend compte immédiatement que le communiqué est trompeur en ce qui concerne le résultat de l'enquête sur les allégations faites contre le lieutenant-général Leach et ce, sur trois points au moins :
 

1. L'introduction présentée en caractères gras, au début du communiqué, affirme que " le Service national des enquêtes n'a rien trouvé qui permette d'étayer l'allégation faite contre ... le lieutenant-général Leach ".
 

Cette allégation contre le lieutenant-général Leach, porte sur la prétendue " inaction " de ce dernier, en réponse à la note de service du capitaine Poulin, datée du 9 juillet 1996. Contrairement à ce qu'affirme l'introduction, l'enquête a prouvé l'inaction du lieutenant-général Leach. Le major Lavoie a affirmé avoir remis la note de service à ce dernier en lui précisant qu'il était d'une nature très sensible et qu'il s'agissait d'allégations sur l'attitude du colonel Labbé envers des femmes. Le major Lavoie a aussi affirmé avoir demandé à deux ou trois reprises, au lieutenant-général Leach, ce qu'il advenait de cette note de service, pour se faire répondre que ce dernier n'avait pas de comptes à rendre à un capitaine. Le major Lavoie se rappelait que le lieutenant-général Leach lui avait répondu positivement chaque fois qu'il lui avait demandé s'il s'occupait de cette note de service et pourtant, l'enquête a révélé que la note de service n'avait donné lieu à aucune action.
 

L'aspect trompeur de l'introduction est quelque peu aggravé par ce qui suit dans le corps du communiqué :
 

" Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a déterminé que rien ne permettait d'étayer les allégations de conduite sexuelle inappropriée faite contre le colonel Labbé et que les preuves étaient insuffisantes pour étayer l'allégation d'inaction faite contre le lieutenant-général Leach ".

 
La distinction entre " rien " pour le colonel Labbé et " preuves insuffisantes " pour le lieutenant-général Leach tendrait à prouver que, contrairement à ce qu'affirme l'introduction, il y aurait quelque preuve de l'inaction de ce dernier.
 

2. Le communiqué ne mentionne pas la recommandation du rapport d'enquête que la dénégation répétée du lieutenant-général Leach, à propos de la note de service du 9 juillet 1996, devrait être examinée d'un point de vue administratif par la chaîne de commandement, compte tenu des déclarations du capitaine Poulin et du major Lavoie ".
 

Bien que le caractère trompeur de la non divulgation soit souvent matière à controverse, il est clair que dans ce cas-ci, la non divulgation était trompeuse. Le communiqué déclarait que  « les preuves étaient insuffisantes pour étayer l'allégation d'inaction faite contre le lieutenant-général Bill Leach ». Cette déclaration faisait évidemment allusion à des preuves d'infraction criminelle ou d'ordre militaire, mais en passant sous silence la recommandation d'examen sur le plan administratif, elle donnait l'impression qu'il n'y avait  « pas assez de preuves  » susceptibles de donner une quelconque crédibilité à la plainte pour inaction du capitaine Poulin. Cette recommandation, dans le rapport d'enquête, de revoir cette question d'un point de vue administratif, montre clairement qu'il y avait une crainte sous-jacente que la plainte du capitaine Poulin ne soit pas traitée de façon adéquate, même s'il n'existait pas de base probante à une accusation d'infraction criminelle ou d'ordre militaire. L'absence de toute mention de cette recommandation a contribué à donner la fausse impression que les preuves d'inaction étaient insuffisantes pour donner quelque mérite à la plainte alors, qu'en fait, il existait des doutes persistants à cet égard.
 

La création de cette impression est assurément démontrée par les commentaires faits par le ministre de la Défense nationale, à l'occasion d'un point de presse, le 26 octobre 1998. Ce point de presse a donné lieu à l'échange suivant :
 

Q: Le Service national des enquêtes a aussi déclaré qu'il n'y avait aucune indication que d'autres membres de la chaîne de commandement aient été au courant des allégations faites dans cette affaire. Cela ne lève-t-il pas un obstacle qui a pu planer au-dessus de la tête du général Baril?
 

Hon. Art Eggleton : Il me semble que la décision parle pour elle-même. le Service national des enquêtes a mené une enquête approfondie, sous l'égide d'un inspecteur de la GRC; je suis satisfait des résultats et du rapport, et je pense que cela met fin à cette affaire.

Clairement, la déclaration publique du ministre que le rapport marquait la fin de cette affaire, alors que le rapport lui-même recommandait qu'il soit procédé à un examen administratif, montre bien le côté trompeur du communiqué.
 

3. Comme le capitaine Poulin s'en est plaint, le communiqué a affirmé que " l'équipe d'enquêteurs n'a rien trouvé qui permette d'étayer l'idée que d'autres personnes, dans la chaîne de commandement, ait eu connaissance de la note de service du 9 juillet 1996 ".
 

Ce passage donne l'impression que personne, en dehors du lieutenant-général Leach, n'aurait pu voir ou avoir connaissance de cette note de service ou des allégations qu'elle contenait. Or, il a déjà été souligné que le major Lavoie était au courant des allégations et avait vu la note de service.
 

Le capitaine Alain Bissonnette était l'officier responsable des relations avec les médias du Service national des enquêtes des Forces canadiennes en octobre 1998; il a reconnu avoir préparé le communiqué de presse pour le Service national des enquêtes des Forces canadiennes. Mes enquêteurs l'ont rencontré au complexe de la police militaire du camp Bulford en Angleterre, le 13 septembre 2000. On lui avait préalablement remis une copie des allégations faites contre lui par le capitaine Poulin. Il a déclaré qu'il préparait les communiqués de presse à partir de l'information que les enquêteurs lui fournissaient ou des rapports d'enquête terminés. Il a signalé que tous les communiqués qu'il rédigeait étaient soumis à l'examen du brigadier-général Samson et que l'approbation de cette dernière était nécessaire avant de diffuser n'importe quel communiqué.
 

Lors de son entrevue avec mes enquêteurs, le brigadier-général Samson a confirmé qu'elle lisait et approuvait tous les communiqués de presse avant leur diffusion.
 

Conclusion

Tel qu'indiqué plus haut, le communiqué était trompeur à trois titres :
 

Le premier élément trompeur, la déclaration dans l'introduction que rien n'a été trouvé qui soutienne l'accusation portée contre le lieutenant-général Leach, est quelque peu clarifié par une lecture soigneuse de la suite du communiqué. Il est évident que cette introduction ne visait pas à tromper mais était plutôt une de ces phrases toutes faites pour les médias, qui n'avait malheureusement pas saisi l'essence du communiqué.
 

Pour ce qui est du deuxième élément trompeur, le passage sous silence de la recommandation de revue administrative, je ne vois là aucune décision délibérée de cacher cette information en vue d'aseptiser le rapport. Il est clair que les auteurs du communiqué se sont limités à ce qui tombait sous la juridiction du Service national des enquêtes, à savoir les infractions criminelles et d'ordre militaire, et qu'ils étaient contents de pouvoir rendre compte qu'aucune accusation ne serait portée. Il apparaît clairement qu'ils n'avaient pas saisi la pertinence, pour le public, de cette recommandation de revue administrative, ni qu'ils avaient mesuré la contribution que la divulgation de cette information aurait apportée à l'impression créée par ce communiqué.
 

Le troisième élément trompeur, l'annonce que  « l'équipe d'enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes n'a pas trouvé de preuve suggérant qu'une autre personne dans la chaîne de commandement avait été mise au courant de la note de service ou de l'information qu'elle contenait » , était en fait l'objet de la plainte. Cet élément a donc été présenté au brigadier-général Samson comme la preuve du caractère trompeur du communiqué, lorsque mes enquêteurs l'ont rencontrée. Elle ne considérait pas du tout ce passage comme trompeur et elle a expliqué à mes enquêteurs que la " chaîne de commandement ", à laquelle il était fait référence dans le communiqué, était la chaîne de commandement du lieutenant-général Leach et non pas celle du capitaine Poulin. Elle a élaboré davantage sur cet aspect, dans sa réponse au rapport intérimaire. Pour le brigadier-général Samson, le terme " chaîne de commandement " décrit toutes les personnes d'un grade supérieur à celui du lieutenant-général Leach. À l'époque des événements, la chaîne de commandement du lieutenant-général Leach se résumait au commandant de l'Armée de terre et au chef d'état-major de la Défense; aucun des deux n'avait vu ou entendu parler de cette note de service ou de son contenu.
 

J'accepte, bien entendu, l'explication du brigadier-général Samson. Il est évident qu'il n'y a pas eu, de sa part, d'intention de tromper quiconque sur qui avait ou n'avait pas vu ou entendu parler de cette fameuse note de service. Ceci dit, il est tout aussi évident que l'emploi du terme " chaîne de commandement " n'était pas particulièrement bien pensé. Ce passage ne clarifie en rien le fait que le communiqué référait à la chaîne de commandement du lieutenant-général Leach. En effet, il parlait de « tout autre membre de la chaîne de commandement  », sans spécifier de quelle chaîne de commandement il s'agissait. Deux choses feraient penser à la chaîne de commandement du capitaine Poulin : premièrement, lorsqu'un membre porte plainte, sa plainte remonte normalement sa propre chaîne de commandement; sa plainte avait pour cause l'inaction qui aurait suivi une autre plainte qu'il avait faite antérieurement. Le seul contexte amène tout naturellement le lecteur à croire qu'il s'agissait de ceux auprès de qui le capitaine Poulin avait porté plainte et qui étaient censés répondre à cette plainte. Deuxièmement, il n'a jamais été suggéré que les personnes au-dessus du lieutenant-général Leach avaient entendu parler de la fameuse note de service. On ne peut voir de raison à ce qui semble être une justification gratuite, dans le communiqué. Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, que le communiqué ait été mal compris. Mal compris par le capitaine Poulin qui a jugé ce passage trompeur; et mal compris par tous les membres de mon Bureau qui l'ont lu. Bien plus, il a été trompeur d'une façon qui a causé beaucoup d'embarrassement au capitaine Poulin. Globalement, le communiqué de presse laisse indéniablement entendre que la plainte portée par le capitaine Poulin, contre le lieutenant-général Leach, ne reposait sur rien de sérieux alors qu'en réalité, il était prouvé qu'elle n'avait pas été traitée ni suivie comme elle aurait dû l'être. Notre enquête a montré qu'il y avait eu inaction. Le communiqué donnait l'impression que le capitaine Poulin avait porté une plainte en grande partie injustifiée contre un officier supérieur, alors que l'enquête avait montré le contraire.
 

Cette expérience montre à quel point la communication publique des résultats d'enquêtes du Service national des enquêtes des Forces canadiennes est importante. Les Forces canadiennes ont pris des engagements d'ouverture et de transparence qui permettront que n'importe quelle situation d'injustice pourra être réglée dès son apparition. Le public a éprouvé un intérêt enthousiaste pour l'état des Forces canadiennes et il compte sur une information exacte pour se faire des idées exactes. Il faut, par conséquent, faire extrêmement attention de ne pas faire de déclarations publiques qui pourraient être interprétées à tord comme des manœuvres de maquillage, à cause d'un travail mal ficelé, de titres simplistes, de l'emploi ambigu de concepts techniques tels que " chaîne de commandement " ou encore de l'incapacité de fournir une information complète qui seule permet de se faire une idée exacte. Lorsque cela se produit, cela fait immanquablement deux victimes : la première de ces victimes, est la réputation d'ouverture et de transparence des Forces canadiennes ainsi que le crédit que les Forces canadiennes mériteraient de recevoir pour leurs accomplissements. Dans cette affaire, par exemple, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a mené son enquête avec impartialité et équité, allant jusqu'à recommander une revue administrative. Cet élément qui aurait dû être divulgué et qui, malgré mes constatations ultérieures, me pousse encore à me demander si oui ou non ce communiqué n'était qu'une tentative de masquer la façon dont la plainte du capitaine Poulin avait été traitée. La seconde victime est l'ensemble des " petites gens ". Même si je suis convaincu que tel n'était pas le but poursuivi, ce communiqué a fait paraître la plainte du capitaine Poulin comme dénuée de substance, alors que ce n'est pas le cas. Il y a là une injustice qui doit être rectifiée.
 

Recommandation de l'Ombudsman

Je recommande donc que :
 

9. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes émette un nouveau communiqué de presse qui informera le public de tous les résultats de son enquête sur les allégations contre le lieutenant-général Leach, incluant le fait que cette enquête a montré que d'autres personnes qui faisaient partie du Bureau de ce dernier, en juillet 1996, avaient vu la note de service du capitaine Poulin et en connaissaient le contenu; il devrait aussi inclure la recommandation du Service national des enquêtes selon laquelle la chaîne de commandement devrait examiner cette question d'un point de vue administratif.
 

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I. Allégation contre le capitaine Bissonnette

Le capitaine Bissonnette est un officier de la police militaire qui a servi à titre d'officier des relations avec les médias pour le Grand Prévôt des Forces canadiennes pendant l'enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes sur les allégations contenues dans la note de service du 9 juillet 1996 du capitaine Poulin. Comme je l'ai déjà mentionné le capitaine Bissonnette a été à l'origine du communiqué de presse du 26 octobre 1998 qui informait le public des résultats des enquêtes du Service national des enquêtes des Forces canadiennes sur les allégations contre le colonel Labbé contenues dans la note de service du 9 juillet 1996 et des allégations d'inaction contre le lieutenant-général Leach.
 

L'allégation contre le capitaine Bissonnette, contenue dans la plainte écrite présentée à mon Bureau par le capitaine Poulin, indique que le communiqué de presse du 26 octobre 1998 était inexact dans la formulation des conclusions de l'enquête sur les allégations contre le colonel Labbé et les allégations contre le lieutenant-général Leach. L'essentiel de cette partie de la plainte est abordé sous la 2e et la 3e allégations contre le brigadier-général Samson qui, à titre de Grand Prévôt des Forces canadiennes à cette époque, était la personne responsable de réviser et d'approuver tous les communiqués de presse du Service national des enquêtes des Forces canadiennes.
 

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J. Allégation contre le brigadier-général Charles Lemieux

Le brigadier-général Charles Lemieux est aujourd'hui conseiller spécial auprès du chef d'état-major de la Défense sur les questions de perfectionnement professionnel. Colonel, à l'époque, il était le G5 (directeur des communications) des Forces terrestres. Le capitaine Poulin prétend que le brigadier-général Lemieux a fait de fausses déclarations aux médias concernant le lancement des enquêtes sur les allégations du capitaine Poulin dans sa note du 9 juillet 1996, puis sur l'accusation subséquente d'inaction.
 

Le brigadier-général Lemieux a déclaré à mes enquêteurs qu'il était satisfait de la partie du rapport intérimaire le concernant et qu'il n'avait rien à y ajouter.
 

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Vers le 20 juillet 1998 à l'émission " J.E. EN DIRECT " entre approximativement 12 h 30 et 13 h 30, le colonel Lemieux a sciemment mal informé les médias à propos du lancement de l'enquête du Service national des enquêtes sur ma note de service du 9 juillet 1996, laquelle a été rendue publique le 17 juin 1998.
 

Cette mauvaise information donnée aux médias vers le 20 juillet 1998, aurait dû être corrigée conformément aux ordonnances administratives des Affaires publiques de la Défense datées du 1er mars 1998 qui stipulent que : " En consultation avec la Direction générale - Affaires publiques ou l'officier supérieur d'état-major - Affaires publiques, les commandants et les gestionnaires doivent prendre rapidement les mesures de relations publiques requises pour corriger toute erreur factuelle, déformation de propos et information trompeuse attribuées au ministère de la Défense nationale / Forces canadiennes. "

 
Les propos du brigadier-général Lemieux ont été recueillis sur bande audio par mes enquêteurs à son bureau du 222, rue Nepean, à Ottawa, le 15 novembre 2000. Il avait reçu une copie des allégations du capitaine Poulin contre lui, avant l'entrevue.
 

Le brigadier-général Lemieux a été invité à l'émission J.E. En Direct, le 20 juillet1998, à un forum télévisé intitulé Les femmes dans les Forces armées. À l'époque, il était directeur des communications des Forces terrestres. Mes enquêteurs ont pu se procurer une copie de l'enregistrement de l'émission. L'animateur de l'émission était Jocelyn Cazin et il avait un certain nombre d'invités dont le brigadier-général Lemieux.
 

Au cours de l'émission, le brigadier-général Lemieux a indiqué que le lieutenant-général Leach avait immédiatement demandé une enquête sur les allégations contenues dans la note de service du capitaine Poulin du 9 juillet 1996. Il a indiqué qu'il était présent lorsque le lieutenant-général Leach avait préparé sa déclaration manuscrite au Grand Prévôt et qu'il savait que le lieutenant-général demandait une enquête. Il a affirmé qu'il ne s'était servi d'aucune autre source d'information au cours de sa participation à l'émission du 20 juillet 1998. La déclaration manuscrite du lieutenant-général Leach, demandant un suivi par le Grand Prévôt des Forces canadiennes, est à l'annexe IV du présent rapport. Mes observations relatives à la nécessité de procédures visant à assurer que les personnes faisant l'objet d'allégations, n'ont pas à référer ces questions à la police militaire, sont abordées ailleurs dans le présent rapport.
 

Conclusions

Comme je l'ai mentionné précédemment, il semblerait, d'après un examen du dossier d'enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes ainsi que de la note de service du lieutenant-général Leach, que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes avait déjà été chargé d'enquêter sur les allégations contre ce dernier avant qu'il ait écrit sa note et qu'il l'ait envoyée au Grand Prévôt des Forces canadiennes. Dans cette note écrite et remise le 17 juin, le lieutenant-général Leach demande au Grand Prévôt des Forces canadiennes de  « prendre n'importe quelle mesure de suivi nécessaire dès que vous le pourrez » .
 

Les commentaires publics du brigadier-général Lemieux visaient évidemment à montrer que le lieutenant-général a réagi de façon opportune en demandant une enquête et qu'il appuyait le Service national des enquêtes des Forces canadiennes dans son rôle d'enquêteur sur les allégations contre le Colonel Labbé et contre lui-même. Cet appui se reflète effectivement dans la demande qu'il a faite dans sa note du 17 juin au Grand Prévôt des Forces canadiennes, enjoignant cette dernière de prendre toutes les mesures de suivi nécessaires. (Mes commentaires et mes craintes sur la nature réelle de la note de service du lieutenant-général Leach et la perception qu'elle suscite sont décrits ailleurs dans le présent rapport.)
 

Je ne suis pas d'avis que les commentaires du brigadier-général Lemieux étaient inexacts ou qu'ils ont créé une perception trompeuse.
 

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K. Allégation contre le lieutenant-colonel Pellicano

Allégation : Conseil inapproprié de recours au redressement de grief, à la suite du rejet des plaintes contre la Police militaire

Le lieutenant-colonel (à la retraite) Pellicano est l'ancien directeur de l'Administration des griefs des Forces canadiennes. Il a répondu par écrit à la partie du rapport intérimaire le concernant, le 7 mars 2001 :  « En conclusion, je suis en complet accord avec l'évaluation équilibrée que vos enquêteurs ont faite de la plainte que le capitaine Poulin a porté devant votre Bureau ». Toutes les réponses au rapport intérimaire sont incluses à l'annexe VI.
 

Le capitaine Poulin a déposé une demande en redressement de grief, en vertu de l'Ordonnance administrative 19-32 des Forces canadiennes, en réponse à la décision du Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, de rejeter ses plaintes contre la Police militaire sur la base de leur nature vexatoire.
 

Le capitaine Poulin allègue que M. Pellicano, en tant que chef de l'Administration des griefs des Forces canadiennes, n'aurait pas dû s'impliquer dans le traitement de son grief, pour raison de conflit d'intérêt; il allègue en outre que le lieutenant-colonel Pellicano n'était pas en mesure de s'occuper efficacement de sa demande en redressement de grief, étant d'un grade inférieur à celui des personnes citées dans le grief, incluant le brigadier-général Samson, Grand Prévôt des Forces canadiennes. Il prétend enfin que sa demande en redressement de grief aurait dû être accordée et que la décision du lieutenant-colonel Cloutier de rejeter ses plaintes contre la Police militaire, aurait dû être annulée.
 

Dans sa plainte écrite, le capitaine Poulin prétend que :
 

Le lieutenant-colonel P. Pellicano, directeur de l'Administration des griefs des Forces canadiennes, n'aurait pas dû enquêter ni rendre de décision sur ma plainte pour harcèlement contre le lieutenant-colonel Cloutier et le brigadier-général (alors colonel) Samson. Étant donnés son rang et sa situation matrimoniale, il y avait, dans le meilleur des cas, impression de partialité puisqu'il était en violation de l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes 19.39.
 

L'enquêteur choisi ne doit avoir aucun intérêt dans le résultat de l'enquête, ni donner l'impression d'avoir un lien personnel avec quiconque pourrait avoir un intérêt dans le résultat de l'enquête (Ordonnance administrative des Forces canadiennes 19.39, para. 46(b)). Dans ce cas-ci, la Direction générale des Affaires publiques avait clairement un intérêt dans le résultat de l'enquête, du fait que l'on voyait aussi dans cette option (c.-à-d. le grief) un mécanisme de règlement extrajudiciaire dans le cas de mes allégations contre plusieurs autres membres du personnel en poste à la Direction générale des Affaires publiques.
 

L'enquêteur ... doit être d'un rang égal ou supérieur à celui du plaignant et de la personne accusée de harcèlement (Ordonnance administrative des Forces canadiennes 19.39, para. 46(c)). La lettre no 21-20-20-2 (GPFC) du 11 mars 1999, que le brigadier-général (alors colonel) Samson avait adressée au commandant de l'Unité de soutien des Forces canadiennes (Ottawa), montre clairement qu'elle s'était impliquée dans mon grief pour harcèlement.
 

Le lieutenant-colonel Pellicano aurait dû annuler la décision du lieutenant-colonel Cloutier, car elle était aussi en violation de la directive VCEMD 083 / CANFORGEN 100/97 du 16 octobre 1997 qui stipule que : " Pour que ce processus provisoire (c.-à-d. le processus d'enquête et de revue de plainte contre la Police militaire) soit équitable et efficace, il est primordial que les commandants et les chefs demeurent neutres et impartiaux à l'égard de toutes les parties impliquées tout au long de ce processus. "

 
Toute la question du processus suivi et de la décision prise par le lieutenant-colonel Cloutier à l'égard des plaintes du capitaine Poulin contre la Police militaire est traitée dans une autre section de ce rapport. Mes enquêteurs ont rencontré, le 12 octobre 2000, M. Pellicano en tant que témoin et sujet dans cette plainte. Ils avaient obtenu et examiné une copie du dossier du grief en question. Le dossier contient le grief déposé par le capitaine Poulin, ainsi que la correspondance ultérieure provenant de l'unité de soutien des Forces canadiennes (Ottawa) et de l'Administration des griefs des Forces canadiennes, au Quartier général de la Défense nationale. Il faudrait souligner que les ordonnances administratives des Forces canadiennes, citées dans la plainte écrite, s'appliquent en fait à des plaintes pour harcèlement et ne s'appliquaient donc pas au redressement de grief demandé par le capitaine Poulin qui se plaignait de la décision administrative du lieutenant-colonel Cloutier de rejeter ses plaintes contre la Police militaire et du processus suivi pour en arriver à cette décision.
 

M. Pellicano a expliqué que le processus suivi par l'Administration des griefs des Forces canadiennes consiste à recueillir des opinions d'experts en la matière, pertinentes au dépôt du grief et d'en faire un résumé soumis ensuite au chef d'état-major de la Défense, pour qu'il prenne une décision. Il a aussi expliqué que leur rôle est de nature administrative et, qu'à part transmettre les griefs aux experts et s'assurer que le dossier du grief est complet, son Bureau ne participe à aucune procédure d'enquête, pas plus qu'il ne rend de décision sur des griefs.
 

La demande en redressement de grief soumise par le capitaine Poulin a été traitée par le major Morrissey, analyste principal de M. Pellicano. Le 4 mai 1999, le major Morissey envoyait, au nom du lieutenant-colonel Pellicano, une note de service au capitaine Poulin, par l'intermédiaire de son commandant, le commandant de l'Unité de soutien des Forces canadiennes, Ottawa. Dans cette note de service, le major Morrissey indiquait que le grief du capitaine Poulin n'était pas recevable dans la mesure où il n'indiquait pas quelle réparation il demandait, comme l'exigent les procédures de griefs des Forces canadiennes. Le capitaine Poulin a donc été informé qu'aucune décision ne serait prise sur sa demande en redressement, tant qu'il n'aurait pas précisé quel redressement il demandait.
 

Cette note de service du 4 mai 1999 disait :

Le capitaine Poulin doit être informé que le rôle de cette Direction est d'examiner, d'enquêter sur le plan administratif et de coordonner les dossiers de griefs au nom du chef d'état-major de la Défense et du ministre de la Défense nationale. Un premier examen de ce dossier a montré qu'il (le capitaine Poulin) n'avait pas clairement précisé quel redressement il demandait ...
 

Le capitaine Poulin doit être informé qu'aucune mesure administrative ne sera prise à l'égard de sa demande en redressement de grief, tant que ledit redressement n'aura pas été précisé, conformément aux Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 19.27.

 
Le capitaine Poulin n'a pas soumis de nouveau sa demande en redressement de grief en précisant quel redressement il demandait.
 

L'allégation, selon laquelle M. Pellicano n'aurait pas dû s'impliquer dans le traitement du grief du capitaine Poulin, repose en partie sur le fait que l'épouse de M. Pellicano était alors la secrétaire de M. Georges Rioux, directeur général des Affaires publiques au ministère de la Défense nationale. Le capitaine Poulin était alors et est encore un membre des Forces canadiennes, affecté à une division de la direction générale des Affaires publiques. M. Pellicano a déclaré à mes enquêteurs qu'il n'avait jamais parlé du moindre grief, y compris celui du capitaine Poulin, avec son épouse. Il a tout de même admis que, dans certains cas, il peut y avoir apparence de parti pris.
 

Conclusions

Dans le cas qui nous occupe, le redressement de grief, demandé par le capitaine Poulin, ne semble pas impliquer M. Rioux, directeur général des Affaires publiques, ni comme témoin ni comme sujet; le motif de grief et la source de conflit potentiel d'intérêt ne sont pas clairs. Le grief présenté par le capitaine Poulin, était contre le Grand Prévôt des Forces canadiennes, le brigadier-général Samson et le Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, le lieutenant-colonel Cloutier, pour la décision administrative de ce dernier de rejeter ses plaintes contre la Police militaire.
 

La suggestion du capitaine Poulin que le directeur général des Affaires publiques avait un intérêt dans le résultat du redressement de grief contre le Grand Prévôt des Forces canadiennes et le Grand Prévôt adjoint - Normes professionnelles, parce que le processus de grief aurait pu être utilisé pour traiter ses plaintes pour harcèlement et représailles contre des membres des Affaires publiques, est très empirique, au mieux. Il faut aussi prendre en compte que c'est le chef d'état-major de la Défense qui a l'autorité finale de statuer sur un grief, y compris sur tout nouveau grief que le capitaine Poulin pourrait décider de présenter dans le cadre de ses allégations de harcèlement contre des membres du Bureau des Affaires publiques. Compte tenu de tous ces facteurs, je ne crois pas qu'il existait une quelconque apparence de conflit d'intérêt dans ce cas là.
 

Je ne crois pas non plus, d'après les preuves recueillies par mes enquêteurs, incluant les renseignements contenus dans le dossier de grief, que la question de grades ait influé le moindrement sur le traitement du grief du capitaine Poulin. En fait, ce grief n'avait donné lieu à aucune enquête et n'avait pas été soumis au chef d'état-major de la Défense, parce qu'il ne satisfaisait pas aux exigences techniques de la procédure de grief des Forces canadiennes, en ne précisant pas le redressement demandé. La note de service que le major Morrissey avait envoyée, au nom du directeur de l'Administration des griefs des Forces canadiennes, au capitaine Poulin, avait clairement laissé la porte ouverte pour permettre à ce dernier de refaire une demande en précisant quel redressement il demandait, comme l'exige la procédure.
 

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