Lettre au Commandant d'escadre : visite à la 4e escadre Cold Lake

Le 3 mai 2019

 

Colonel Paul Doyle
Commandant d’escadre
4e Escadre Cold Lake
C.P. 6550, succ. Forces
Cold Lake (Alberta)  T9M 2C6

 

Colonel Doyle,

Je vous écris pour faire le suivi de notre visite à la 4e Escadre Cold Lake du 25 février au 1er mars 2019. Je tiens à vous remercier, ainsi que l’adjudant-chef Nault, le lieutenant-colonel Zimmerman et toute votre équipe pour l’accueil chaleureux auquel nous avons eu droit tout au long de notre visite. Nous avons été ravis de rencontrer le personnel militaire et civil, les prestataires de soins et les familles des militaires, ainsi que d’entendre leurs préoccupations et leurs commentaires positifs. Les encouragements sincères que vous avez transmis à tout le personnel de l’escadre pour qu’il parle ouvertement à mon équipe ont grandement contribué au succès de notre visite.

Cette lettre a pour but de poursuivre l’exposé que je vous ai fait le 28 février 2049 et de souligner certaines des principales préoccupations et améliorations dont on nous a parlé lors de notre visite. Je suis conscient que vous et votre personnel êtes déjà très au fait de ces enjeux, mais j’ai quand même cru bon de les détailler ici et de vous offrir mon aide si jamais vous souhaitez aborder un ou l’autre de ces sujets. Je crois fermement que la collaboration peut apporter des changements positifs et durables pour la communauté de la Défense.

Coût de la vie/logement

Comme c’était le cas lors de la visite de mon prédécesseur en 2012, ce sujet est revenu lors de toutes les assemblées que nous avons tenues. Le coût de la vie à Cold Lake est une préoccupation majeure qui a eu un effet négatif sur la qualité de vie des militaires des Forces armées canadiennes (FAC) et leurs familles.

Malgré un ralentissement de l’économie locale, les prix des maisons et des logements locatifs (y compris dans la base) tardent à suivre la tendance. À cause du coût de la vie élevé et de l’absence de logements abordables dans ou hors de la base, certains militaires ont dit devoir occuper un deuxième emploi à temps partiel afin de joindre les deux bouts.

Les problèmes entourant l’Agence de logement des Forces canadiennes (ALFC) ont aussi été abordés lors de toutes nos assemblées. La frustration est grande concernant les loyers et la façon dont ils sont calculés et déterminés. Beaucoup de militaires disent que les frais mensuels moyens pour une unité de logement résidentiel (ULR) avoisinent les 1 100 $. Ils estiment ces loyers sont exagérés, vu la piètre condition des unités. Malgré les efforts sincères des employés de l’ALFC, les militaires se disent insatisfaits des services fournis par l’ALFC, surtout lorsque la santé et sécurité des occupants est en jeu. Des investissements s’imposent. Mon bureau fera un suivi auprès de l’ALFC à ce sujet.

Indemnité différentielle de vie chère (IDVC) et Garantie de remboursement des pertes immobilières (GRPI)

Comme en 2012, l’IDVC est un thème récurrent à tous les grades. On nous a dit que l’IDVC appliquée à Cold Lake ne reflète pas et ne compense pas le fort coût de la vie et la disponibilité des services dans cette collectivité, contrairement à d’autres secteurs comparables. Le taux actuel de l’IDVC à Cold Lake est 319 $ par mois, tandis que les militaires basés à Edmonton touchent 684 $ par mois, même s’ils sont en zone métropolitaine où l’accès à des logements abordables et à des soins de santé est plus facile. Les incohérences de l’IDVC continuent d’affecter les militaires et leurs familles. Le fait d’habiter à Cold Lake les désavantage financièrement par rapport aux militaires affectés ailleurs au Canada.

Les militaires ont aussi exprimé des préoccupations quant aux pertes immobilières qu’ils subissent lorsqu’ils doivent vendre leur maison. En avril 2018, on a modifié les Directives du Programme de réinstallation intégrée des Forces canadiennes afin de permettre aux militaires de réclamer jusqu’à 30 000 $ en pertes immobilières en vertu de la GRPI. Toutefois, le ralentissement de l’économie locale entraîne des pertes plus importantes pour les militaires affectés à Cold Lake, qui estiment que la l’indemnité de la GRPI est insuffisante et trop inflexible.

Bien qu’il s’agisse d’enjeux nationaux que je continuerai de porter à l’attention du ministre de la Défense nationale, il est important que vous sachiez que ce sont des questions importantes pour les membres de la 4e Escadre. Plus leur résolution se fait attendre, plus les familles des FAC en souffrent financièrement.

Effectifs et tempo opérationnel

De nombreux militaires nous ont fait part de préoccupations quant aux postes vacants, au tempo opérationnel élevé et à la pression de devoir faire plus avec moins. Bien que tous reconnaissent que la situation affecte l’ensemble des FAC, les implications sont grandes pour le recrutement, la rétention et l’assignation des militaires qualifiés. Une fatigue généralisée pèse sur les militaires et les employés civils.

Groupe de transition des Forces canadiennes

Mon équipe a rencontré le personnel du nouvellement nommé Groupe de transition et les militaires qui y sont affectés. Les commentaires recueillis sont très élogieux envers les services et le soutien offerts par le personnel. Une préoccupation qui a été exprimée est l’absence d’une politique claire régissant l’affectation des militaires au Groupe de transition, afin d’assurer l’accès précoce/le soutien à la transition. On voit la mesure comme un dernier recours, souvent en raison des besoins opérationnels, au lieu de tenir compte des besoins des militaires.

BGRS (anciennement Brookfield Global Relocation Services)

Les militaires ont soulevé de graves problèmes concernant les services offerts par BGRS. Plus particulièrement, on a noté l’absence d’un coordonnateur des réinstallations sur place dans l’escadre, pour prêter une assistance et répondre aux questions, la lenteur des réponses, l’information incorrecte ou contradictoire fournie par les représentants de BGRS, les longs délais d’indemnisation, la piètre communication et un processus lourd, excessivement bureaucratique.

On nous a aussi fait part de préoccupations similaires au cours des derniers mois. Notre bureau a fait des efforts pour sensibiliser les dirigeants aux problèmes vécus par les militaires partout au Canada. Nous voyons comme un développement positif la décision des FAC de cesser l’utilisation des cartes de réinstallation prépayées, qui étaient problématiques.

Par ailleurs, comme en fait état le CANFORGEN 039/19 – PRESTATION DE SERVICES DES FAC PR (PROGRAMME DE REINSTALLATION) – AMELIORATIONS POUR LA PAA, en vigueur le 1er avril 2019, les FAC apportent actuellement des changements clés visant à améliorer les services de réinstallation. Je vous assure que le Bureau de l’Ombudsman continuera de surveiller de près cette question et d’exprimer ses préoccupations au besoin.

Critères de sélection pour Cold Lake – Poste semi-isolé/isolement médical

La 4e Escadre Cold Lake est considérée comme un poste semi-isolé. Les militaires se sont longuement exprimés sur le processus de sélection, suggérant qu’il soit peaufiné et amélioré afin que l’évaluation tienne compte d’un plus grand nombre de facteurs. Une approche plus holistique permettant d’évaluer tous les besoins de l’unité familiale, son bien-être et sa situation financière, devrait être envisagée afin d’éviter à l’avenir les difficultés vécues actuellement par de nombreuses personnes.

En outre, on nous a fréquemment mentionné que les militaires affectés à Cold Lake se font dire par leur gestionnaire des carrières qu’ils doivent s’attendre à demeurer à cet endroit pendant au moins dix ans. Les militaires associent cela au fait que les militaires ne veulent pas déménager à Cold Lake, préférant obtenir par exprès une cote rouge du GAD. Certains nous ont dit avoir été mutés à Cold Lake en dépit de leur cote rouge du GAD, pour des motifs opérationnels. Certains croient y avoir été affectés en représailles, alors que d’autres aiment beaucoup la région.

Les travailleurs en santé mentale ont aussi dit recevoir fréquemment des demandes de déménagement imprévu, car les militaires s’adaptent difficilement au changement de qualité de vie (accès limité aux services, charges financières, disponibilité des emplois, coût de la vie, isolement).

Processus d’embauche

Cette question a surtout été soulevée par les fournisseurs de soins médicaux et mentaux et par les employés civils. Ils nous ont dit qu’une situation de « gel » ou « contrôle » des embauches a entraîné la centralisation de la dotation au Quartier général de la Défense nationale. Cela a causé des délais dans les embauches et la perte de bons candidats qui ont fini par trouver un emploi ailleurs.

Selon l’état-major de l’escadre, cela a nui à la flexibilité dans la dotation à court et long terme et a causé des retards importants dans l’assignation des postes en général. En conséquence, le personnel restant aurait une charge de travail beaucoup plus lourde, obligé d’assumer des tâches et responsabilités additionnelles. Il est clair qu’un soutien accru des RH envers votre équipe est nécessaire.

Soins médicaux

L’insuffisance des ressources ou la difficulté à accéder aux services tant à la 4e Escadre que dans la collectivité a été identifiée comme une difficulté, surtout pour les militaires et familles francophones. Cette insuffisance est une source de grande inquiétude pour les familles, qui ont décrit certains obstacles que cela présente : elles doivent conduire plus de trois heures à l’aller et au retour pour se rendre à des rendez-vous avec des spécialistes à Edmonton; certaines familles comptant plus d’un enfant doivent emmener tous les enfants avec elles. Si le parent a un emploi, il doit prendre congé toute une journée et il ne sera pas remboursé s’il décide de passer la nuit à Edmonton.

L’escadre offre un transport quotidien vers Edmonton pour ce type de rendez-vous, mais le départ de Cold Lake est tôt le matin et le retour se fait tôt l’après-midi. De nombreuses familles ont dit que cet arrangement n’est pas faisable pour tout le monde, car il est difficile de prendre rendez-vous avec un spécialiste à ces heures. La question de la politique concernant les voitures d’état-major et l’accompagnement de familles est un sujet que j’aborderai avec le Commandement du personnel militaire.

Le personnel médical s’est aussi dit inquiet de l’absence de politiques et procédures entourant les soins de santé aux cadets durant les camps de cadets. Nous aborderons cela avec le médecin général et le commandant national des Cadets et des Rangers juniors canadiens.

Infrastructures et équipement

Lors de notre visite, des préoccupations ont été exprimées quant à la vétusté des infrastructures. Par exemple, nous avons entendu parler de fenêtres cassées, de lieux de travail extrêmement froids, de conduites brisées et d’amiante. On nous a aussi parlé de la pénurie d’équipement de base comme des tuques, mitaines, sacs à dos et sacs de couchage.

Employés civils

Moi et mon équipe avons eu une séance très productive avec le personnel civil de la 4e Escadre. Nous avons entendu plusieurs récits personnels, mais les préoccupations suivantes sont récurrentes :

  • De nombreux problèmes demeurent quant à la classification et aux descriptions de travail.
  • Il y a un manque de transparence dans les processus de dotation.

En général, les employés civils ont le sentiment d’être l’élément de stabilité à la 4e Escadre, puisqu’ils ne sont pas mutés après quelques années. Cependant, ils se sentent souvent dévalorisés et non reconnus.

Colonel Doyle, je tiens à préciser qu’une grande partie de ces préoccupations font écho à des plaintes que nous avons reçues dans l’ensemble de l’Équipe de la Défense. Certains de ces enjeux feront l’objet de nos examens systémiques et font partie des sujets que je porte à l’attention des hauts dirigeants du MDN et des FAC. J’aimerais aussi ajouter que mon équipe a reçu 14 plaintes individuelles ou demandes d’informations supplémentaires lors de notre visite. Je n’aborde pas ces cas dans la présente lettre pour des raisons de confidentialité, mais nous avons contacté ces personnes afin de leur prêter assistance au besoin.

Je suis conscient que certains problèmes et difficultés auxquels vous faites face sont, au moins dans une certaine mesure, hors de votre contrôle. Globalement, la somme des problèmes vécus dans ce milieu unique qu’est Cold Lake est plus grande que les parties individuelles. Cela dit, je vous encourage à poursuivre vos efforts pour résoudre les préoccupations locales à votre escadre. N’hésitez pas à communiquer avec moi ou avec le Bureau pour obtenir de l’aide.

Je tiens à nouveau à vous remercier, ainsi que votre personnel, pour votre aide dans l’organisation et le déroulement d’une excellente visite de prise de contact avec nos clients. Plus particulièrement, veuillez transmettre mes remerciements à la responsable des visites à l’escadre, Tammy Bright Burden, qui a soutenu et facilité notre visite avec brio.

Je vous prie d’agréer, Colonel Doyle, mes plus sincères salutations.

L’ombudsman par intérim,

 

Gregory A. Lick

 

c.c. :

Lieutenant-général Al Meinzinger
Commandant de l’Aviation royale canadienne

Lieutenant-général C.A Lamarre
Commandant du Commandement du personnel militaire

Date de modification :